
![]() The Room traîne depuis plus dix ans une étonnante réputation de nanar, mais son audience restait encore confidentielle. La chronique de son tournage dans The disaster artist jette à la fois un projecteur sur cet étrange film que les spectateurs ont détourné de son discours initial et une occasion de voir en creux comment on (ne) fait (pas) un film. Une histoire double qui s'étend sur quinze ans. Le cinéma américain distribue plus de 500 films par an (le double de la France pour un pays cinq fois plus grand qui exporte aisément sa production). En fait seulement un quart d'en eux bénéficient d'une exploitation en salles significative. On connait bien la plupart des dix films mensuels provenant des majors et les quelques films indépendants parviennant jusqu'à nous grâce à leur talent ou la réputation de leurs acteurs/réalisateurs. Pourtant tout n'est pas rose et certains films finissent dans les poubelles de l'exploitation après un échec qui tue toute velléité à un distributeur de le distribuer en vidéo ou de réussir à le vendre à une chaîne du cable. Malheureusement, plus personne ne se souvient d'eux et même le statu de nanar est réservé de fait à des films qui ont pu rencontrer un public : Sans parler de Superman 4, Le fils du Mask ou Donjons et Dragons qui étaient prévus pour être des blockbusters, les nanars comme Sharknado ou Birdemics ont été conçus avec un sens aiguë du second degré. Leur (anti-)succès est certes disproportionné, mais on peut dire qu'ils ont atteint leur cible. The Room échappe totalement à ce classement. Il a été conçu avec une ambition au premier degré tandis que son échec en salles est abyssal et proportionnel à ses qualités. On voudrait comparer le film à un nouveau Plan 9 from outer Space que Tim Burton a popularisé en son temps avec son Ed Wood (1994). Edward D. Wood était un réalisateur de série Z au talent incertain, mais reconnu dans son système de production avec un certains succès à son niveau qui lui a permis de continuer à réaliser de nouveaux films de 1954 à 1971.
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Le Studio Pixar est parvenu à prendre la place laissée vacante par Disney Animation autrefois indétrônable. Derrière cette ascension, il y a une histoire de la technologie et celle d'hommes et de femmes qui voulaient tous simplement raconter de bonnes histoires.
L'histoire de Pixar se joue en 1983. Une visite est organisée d'employés de Disney dans les locaux d'une division de Lucasfilm, la société de production du père de Star Wars. Ils sont accueillis par Ed Catmull qui dirige cette division, Graphics Group de la Direction des Ordinateurs. Disney a travaillé deux ans plus tôt sur le film Tron de Steven Lisberger et certains pensent que les ordinateurs peuvent aider le studio. Parmi les visiteurs de Disney chez Lucasfilm : John Lasseter qui se montre le plus intéressé par ce qu'il découvre. Il n'a pas participé à la création de Tron, mais il a observé de loin sa production alors qu'il n'est qu'un jeune animateur qui travaillait sur Rox et Rouky. Il sort de chez Ed Catmull convaincu du potentiel de l'image créée par ordinateur d'autant qu'il a quelques projets avec des objets animés qui pourraient bien s'y prêter : une adaptation du conte pour enfant The Brave little toaster pour lequel il imagine combiner une animation traditionnelle pour les personnages et un décor tridimensionnel créé avec les ordinateurs alors que jusqu'à maintenant l'animation se bornait à un dessin d'arrière-plan même dans les productions coûteuses de Disney. Dans la foulée, avec Glen Keane, il fait un test en créant un extrait de When the wild things pour tester l'impact des changements de perspective et interaction entre animation et infographie. Lorsqu'il propose à sa hiérarchie |1] de passer à un long métrage sur le même principe, il reçoit un accueil tellement glacial qu'il sera même remercié.
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John Williams a prévu d'accompagner la saga Star Wars jusqu'à l'épisode 9 avant de prendre sa retraite. Presque un devoir pour lui, à 86 ans, que de chercher à accompagner l'aventure initiée par George Lucas il y a 40 ans et pour laquelle il reste si attaché dans la mémoire collective. Pourtant, cette musique a elle aussi sa petite histoire.
Quand George Lucas se lance dans La Guerre des Etoiles, l'aventure a tout du pari risqué : la science-fiction reste attachée à un genre mineur et George Lucas n'est que l'homme d'American Graffiti, triomphe de 1973 qui s'appuyait sur sa bande-son rock du début des années 60. Certes, la Fox a connu un joli succès avec La planète des Singes en 1968. Oui, 2001, l'odyssée de l'espace a montré la même année ce qu'on peut faire avec un film se déroulant dans l'espace. Mais tout ça n'a pas vraiment lancé le genre (même si le film tiré du roman de Pierre Boule a généré ses quatre suites entre 1970 et 1973). George Lucas se trouve donc en terrain presque vierge lorsqu'il s'interroge sur la musique de son space opera.
La musique des films de Science-fiction n'avait pas vraiment trouvé son propre univers. On suivait les tendances des soundtracks de film en général. La musique était donc encore largement symphonique dans les années 60, pour devenir parfois plus atonale à la fin des années 60 et au début des années 70 dans la mouvance psychédélique post-68 comme pour Barbarella. De nouveaux instruments commencent à être utilisés pour créer des ambiances particulières comme dans L'âge de Cristal, mais les cuivres sont encore largement répandus pour créer de la tension dans les scènes d'action alors que les violons reviennent volontiers dans les scènes sentimentales. La musique électronique commence à être aussi de plus en plus utilisée dans ce type de film, mais le thérémine, premier instrument électronique, avait déjà trouvé sa place à Hollywood dans les années 50, notamment pour relever l'étrangeté des séquences de rêve. Le thérémine avait d'ailleurs été sollicité par Bernard Hermann dans la scifi pour Le jour où la terre s'arrêta. Le succès de La planète des singes est parvenu néanmoins à imposer, via le score de Jerry Goldsmith, une musique atonale qui sera reprise avec plus ou moins de succès dans les films fantastiques de la première partie des années 70.
![]() La libération sexuelle de la fin des années 60 a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 60 avant un reflux conservateur qui a fait de la période 1972-1975 un laboratoire de l'expression des préférences un peu particulier. Zoom sur la décrue à partir de 1976. Le gouvernement de droite de Valéry Giscard d'Estaing avait voulu libéraliser une France trop conservatrice. Le mouvement était devenu incontrôlable et les pressions venaient de tout côté. Dans sa propre majorité, le gouvernement voyait une contestation violente gronder du côté des plus conservateurs. Mais la gauche, dans l'opposition et relayée par sa presse, se montrait aussi très critique envers la politique "culturelle" de la majorité. La décision fut prise à l'été 1975 d'un nouveau texte plus dur et cela se traduisit par un texte intégrée à la loi de finance applicable au 1er janvier 1976. Le décret du 31 octobre 1975 obligea les films pornographiques à être exploités dans des salles spécialisées touchées, à ne plus pouvoir bénéficier du dispositif de soutien financier géré par le CNC et à se voir taxer d'une TVA majorée et d'une taxe spécifique. Les films étrangers avaient une taxation forfaitaire de 300.000€ qui créa paradoxalement une politique protectionniste qui protégea la production X française. Celle-ci représenta 82% de la fréquentation au 1er trimestre 1977 (12% pour les USA). Le cinéma français traditionnel n'était pas aussi bien protégé. Il fallut donc distinguer l'érotisme assimilable au cinéma traditionnel de la pornographie qui relèverait de l'obscène. On s'appuya donc sur la distinction qu'en avaient fait les docteurs Eberhard et Phyllis Kronhausen, les futurs réalisateurs de La foire aux sexes, dans leur livre Pornography and the law (1969) : le réalisme érotique explore la sexualité ; l'obscénité se contente de l'exploiter.
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La comédie musicale est un genre attaché à la culture américaine. Son histoire commence avant le cinéma, mais c'est bien le septième art qui s’appuiera sur lui pour offrir du spectacle et du rêve à ses spectateurs.
Il faut bien admettre que si des tentatives de films musicaux existent hors du territoire américain, le genre ne s'y est jamais imposé durablement. En France, Jacques Demy a réussi à poser sa patte, mais il est resté bien seul malgré quelques tentatives régulières (Les chansons d'amour de Christophe Honoré, 8 femmes de François Ozon, On connait la chanson d'Alain Resnais).
L'histoire d'une nation connait des moments de cristallisation qui forgent sa culture. Une culture qui partout s'est construite autour de la danse et de la musique et des loisirs dominants au moment où la culture moderne s'est transmise autrement que par oral. C'est la bourgeoisie, classe sociale large avec un pouvoir d'achat, qui est au fondement de cette cristallisation. Quand elle s'impose par le nombre ou en remplaçant l'influence de l'aristocratie locale, la culture d'un pays connait un jalon important de son histoire.
Ainsi en France, l'opéra provient de la rencontre entre le théâtre populaire et la musique classique (c'était la musique de la cours, mais elle était moins élitiste qu'aujourd'hui). L'opérette et l'opéra-bouffe ont donc été au centre de la culture de la classe bourgeoise du 19ème siècle lorsqu'elle s'est constituée. En Inde, la classe bourgeoise est nettement plus récente et c'est la rencontre entre la musique, la danse et le cinéma qui a forgé le populaire Bollywood. La plupart des films populaires ou comédies romantiques contiennent leur lot de morceaux musicaux qui viennent ponctuer l'intrigue. ![]()
La libération sexuelle a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 70, en en faisant un laboratoire un peu particulier de l'expression des préférences. Zoom sur l'année charnière 1974 marquée par un succès sans nul autre pareil.
Le succès des premiers films sexy fut tel que de nombreux producteurs furent tenter de reprendre la recette. On vit donc déferler une vague impressionnante de films pornographiques dans des salles spécialisées. Parallèlement, pour toucher le grand public encore réticent dans des pays majoritairement conservateurs (Nixon aux USA, Edward Heart en Angleterre et Pompidou en France), il fallait en 1973 une production moins hardcore.
Ainsi, sorti du Ghetto, l’érotisme pouvait prospérer. Les producteurs ont multiplié les films soit dédiés à une démarche érotique, soit dans des genres traditionnels mais en y incluant une liberté nouvelle de montrer le sexe. Les spectateurs de leur côté voyaient s'offrir à eux un cinéma nouveau et stimulant.
La part des films sexy est difficile à évaluer car il n'existait de distinction faite pour distinguer érotisme et obscénité. Une analyse faite en 1975 par le CNC à la demande des pouvoirs publics permit de mesurer la situation. Il s'agissait essentiellement de mesurer globalement son évolution car la méthode restait rudimentaire : se baser sur le caractère évocateur du titre des films. Ainsi, le nombre de film susceptibles d'être pornographique serait passé de 215 en 1968 à 672 en 1974. Mais le public avait aussi fortement augmenté en triplant de 8,4 à 24 millions de spectateurs intéressés. Le succès d'Emmanuelle à l'été 1974 contribua fortement à ce phénomène.
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La libération sexuelle a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 70, en en faisant un laboratoire un peu particulier de l'expression des préférences. Zoom sur les débuts d'un phénomène qui toucha d'abord le cinéma Z et d'auteur.
Le cinéma traduit les évolutions de société. On peut avoir l'impression qu'il les anticipe mais en fait, il se contente de les amplifier. La parenthèse du cinéma érotique dominant de 1975 traduit un mouvement engagé bien auparavant. Dix ans plus tôt en fait. Le milieu des années 60 porte les prémisses de la révolution des mœurs de 68 : la première mode des mini-jupes, la pilule contraceptive et le top-less sur les plages datent de cette époque.
Compte tenu que le sexe cessait d'être un tabou, la question de sa représentation à l'écran prenait une nouvelle dimension. La pornographie en image animée n'était pas nouvelle : on dénombre quelques vues de ce type dès 1907, mais leur diffusion, clandestine, n'avait rien de publique [1]. La suède fut la première à autoriser de montrer des images sexuelles au cinéma, d'abord sous couvert d'un aspect pédagogique (Je suis curieuse en 1967) alors que l'Allemagne connut deux très gros succès avec les moins explicites, mais pseudo-pédagogiques Helga, de la vie intime d'une jeune fille et sa suite Helga et Michael (4,1 et 1,7 M de spectateurs français). Le Danemark, puis les Pays-Bas, abolissent la censure en 1969. Les comédies érotiques devenaient courantes, donnant ainsi une certaine distanciation à la présentation du sexe à l'écran. Jean-François Davy fut l'un des premiers en France à se donner un brin d'ambition dans le domaine. ![]() Veronika Lake fut une vraie star de cinéma des années 40. Elle a imposé une image iconique, un peu oubliée aujourd'hui, mais qui a marqué les cinéphiles par sa silhouette et ses attitudes capricieuses. Elle a même inspiré le tic de la vedette en jouant avec sa chevelure. Veronika Lake est un mystère. Née Constance Frances Marie Ockleman à Brooklyn le 14 novembre 1922, elle a souvent triché sur son âge et sur son nom. Elle s'est vieillie de trois ans pour participer à des concours de beauté dans les années 30 dont un titre de Miss FLoride dont elle sera destituée lorsqu'il apparaîtra justement que son âge ne lui permettait pas de participer. Mais elle changea aussi de patronyme, empruntant celui de son beau-père [1] : elle apparaît ainsi dans ses premiers films sous le nom de Connie Keane et Constance Keane. Elle ne prendra le nom de Veronika Lake qu'en 1941 pour son rôle important dans L'escadrille des jeunes. Elle choisit le prénom pour son classicisme et le nom Lake pour son côté plus léger.
Son caractère est également difficile à cerner. Sa mère a de plus en plus de mal avec elle. Expulsée de son école et faisant preuve d'un caractère de plus en plus asocial, sa mère la mena chez un docteur qui diagnostiqua une paranoïa schizophrénique. Mais elle décida de ne pas traiter le problème de sa fille. ![]() La Guerre des étoiles est entrée immédiatement dans l'histoire du cinéma, générant une communauté de fans qui fétichisent les objets du film. La saga a su dès sa sortie s'appuyer sur une affiche iconique, aux multiples influences, mais bien peu fidèle au film. Une histoire à rebondissements. Le merchandising n'est pas né avec Star wars malgré la légende. C'est Disney qui popularisa le concept des produits dérivés dans les années 30 autour du personnage de Mickey. Le cinéma live s'y mis bien plus tard : la série de films La planète des singes généra son lot de figurines aux Etats-Unis à la fin des années 60. En France, quelques années avant, on trouvait déjà des albums Thierry La fronde. Mais Star wars est bien le champion d'une activité marketing qu'il popularisera dès 1977 : les recettes des produits dérivés dépasseraient 25 Md$, soit nettement plus que celles des films eux-même. Cinéma oblige, ce sont les affiches du film qui ont été les grandes bénéficiaires de ce mouvement fétichiste. Ils sont nombreux les cinéphiles, ou pas, qui ont accroché un poster de Luke Skywalker. Et il y en a eu beaucoup, rien que pour le premier film. Le plus célèbre d'entre eux est l'affiche originale de la sortie de 1977 par l'affichiste Tom Jung, 35 ans à l'époque. Sa référence : Star wars "Style A". George Lucas choisit Tom Jung car il avait été marqué par l'affiche qu'il avait faite pour la ressortie en 1967 de Autant en emporte le vent (avec Howard Terpning). Rare exemple du poster d'une reprise qui a complètement effacé l'affiche d'origine. La pose romantique du couple Gable/Leigh fut d'ailleurs réutilisée en 1980 par Roger Castel pour l'affiche originale de L'Empire contre-attaque avec le masque noir de Vador à la place des flammes d'Atlanta. Jung était déjà un artiste établi puisque il était l'auteur des affiches originales de The Omen, L'homme qui voulut être roi, L'homme au pistolet d'or (James Bond), Papillon, Grand Prix et Docteur Jivago (ses œuvres ici).
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Le plan débullé est une figure de style de la réalisation d'un plan qui s'est imposée assez tôt dans l'histoire de la mise en scène cinématographique. Son sens est multiple et se conçoit par opposition avec un plan filmé de façon classique.
Les règles de cadrage suivent un principe de respect de la réalité. Le plan filmé cherche couramment à représenter ce qu'un témoin invisible verrait s'il observait la scène. Il y a donc un souci de réalisme à reproduire ce que l’œil voit. Or, l’œil humain voit le monde selon un plan à l'horizon invariablement horizontal, même si on penche la tête. Mais le plan cinématographique est appelé à transmettre des sensations nouvelles et le plan débullé participe à traduire certains effets perceptifs.
Le plan débullé, aussi appelé parfois plan cassé, plan penché ou Dutch angle en anglais, consiste à déplacer de quelques degrés l'inclinaison de la caméra afin de désolidariser le bas du cadre et la ligne d'horizon. Cet effet peut être accentué de deux façons. Soit en forçant sur cette inclinaison pour se rapprocher des 45°, soit en plaçant dans le plan une ligne de fuite traditionnellement horizontale mais dont l'inclinaison apparaît nettement au spectateur.
![]() Il existe un lien fort entre le popcorn et le cinéma. Si le popcorn ne naît pas avec le cinéma, leur histoire est indissociable. Elle traduit l'évolution de la légitimité du cinéma pour devenir un divertissement populaire de masse. C'est aussi un symbole de la mondialisation de la culture américaine ... via le cinéma. Le 19 janvier serait la Journée du popcorn. Mais ce céréale cuisiné n'a pas vraiment bonne réputation. Avec ses plus de 1200 calories pour un grand sac, il n'est pas dans la tendance du manger sain. Avec le bruit de craquement dans la bouche et son odeur forte, il gêne le cinéphile. Avec la fâcheuse tendance à en mettre partout, il est l'horreur du personnel des salles.
Le Popcorn moderne provient d'une espèce particulière de maïs : le maïs Zea de la variété Everta, un dérivé issu du maïs Zea indurata. Si le principe du maïs éclaté existe depuis des siècles en Amérique du Sud (il y a des preuves datant de 4700 ans avant J.C. au Pérou ), Il se popularise au début du 19ème siècle aux Etats-Unis, d'abord à l'est puis à l'ouest. Mais la naissance du popcorn moderne a lieu à Chicago, à l'Exposition Universelle de 1893 : il faudra attendre l'invention d'une machine à Popcorn itinérante par Charles Cretors d'abord, puis de nouvelles méthodes de fabrication par Frédérick Rueckheim - créateur de la future marque Cracker Jack en 1896 - pour que se développe une nouvelle consommation du popcorn sur les lieux de divertissement. Les ventes itinérantes se multiplient à partir de 1885. Selon la légende, le popcorn devient le snack à la mode lors de l'exposition universelle de Chicago, soit deux ans juste avant la création du cinématographe. Le popcorn a pour lui un arôme de beurre qui s'impose aux narines des passants.
![]() Plus grand cinéma d'Europe, le Grand Rex est l'un des derniers palaces d'une époque où le cinéma se consommait autrement. Un anachronisme dans l'univers du cinéma d'aujourd'hui. Le Grand Rex est né dans les années 30. Il s'agissait alors d'offrir un spectacle total qui puisse rivaliser avec le théâtre. En effet, l'avènement du parlant avait fait entrer le cinéma dans une nouvelle phase plus réaliste. Si la mise en scène s'autonomisait de plus en plus par rapport au théâtre, la sonorisation en rapprocher la narration.
Son concurrent parisien s'appelle alors le Gaumont-Palace qui ouvre en octobre 1911, mais qui sera revu entièrement sur les nouveaux standards de l'époque en 1931. C'est cette initiative de Léon Gaumont qui pousse à son tour le distributeur Jacques Haïk à investir dans son palace cinématographique. Il rachète des terrains Boulevard Poissonière et confit la construction du bâtiment à l'architecte Auguste Bluyssen, à qui l'on doit déjà la plus part des belles salles parisienne d'alors et quelques casinos. Le maître d'oeuvre est Georges Tombu, un constructeur important de l'époque. Il est aidé pour la conception de la salle de l'ingénieur américain John Eberson qui officie dans les cinémas des Etats-Unis depuis 1905 (on lui doit en tout près de 100 salles dont le Majectic à Houston qui marque son style des "cinémas d'atmosphères", c'est-à-dire donnant l'impression d'être à l'air libre). Dans un style art déco typique de l'époque, ils s'inspirent du Radio City hall de New-York : même estrade, embrasure arrondi autour de la scène, disposition des trois niveaux et ambiance générale. Pendant les travaux, on creusa si profond qu'on trouva quelques vestiges du vieux Paris : pièces anciennes, ossements, murailles ancienne... ![]()
Le cinéma américain a vu émerger de nouvelles forces depuis vingt ans qui ont fait évoluer le marché du cinéma dans son ensemble. Ainsi, à côté d'Un Pixar, qui a redéfini les exigences du film d'animation, il y a le studio Marvel qui a imposé un genre anciennement dévolu à la série B : le blockbuster de super-héros.
Jusqu'au début des années 2000, les films de super-héros n'étaient pas à la fête. Certes, le Superman (1978) de Richard Donner déjà avait tout de la superproduction, mais ses suites ont montré que les bases n'étaient pas encore là pour faire émerger le genre. Certes, les deux Batman (1989 & 1992) de Tim Burton avaient montré qu'un auteur pouvait s'emparer du film de super-héros, mais le style burtonien est trop particulier pour avoir réussi là-encore à définir les canons du genre. Finalement, dans les deux cas tirés de héros de l'éditeur DC Comics, l'identification du spectateur était mal aisée. C'est justement l'apport de Marvel au comics qui a fait défaut aux bandes-dessinées de super-héros jusqu'au début des années 60 : des héros avec des faiblesses psychologiques et des problèmes auxquels lecteurs et spectateurs puissent trouver un écho dans leur propre vie (difficulté à trouver sa place, problème d'argent, maladie, comportement déviant etc.).
Car contrairement à ce que l'on pense souvent, Marvel n'est pas né avec Spiderman, mais plus de 20 ans plus tôt. Pour être exact, en 1939 sous le nom de Timely comics, pour exploiter le succès de Superman qui venait d'apparaître dans Action Comics comics un an plus tôt et qui eut droit alors à sa propre revue, ce qui était une première pour un tel personnage. C'est l'âge d'or du Comics.
Certains personnages de cette période où Marvel suit les tendances de DC Comics s'imposeront et seront par la suite modernisés. Namor (1939), la Torche humaine (1939) et surtout Captain America (1940) apparaissent dans le contexte du second conflit mondial et la présence des nazis comme ennemis est récurrente. Si Marvel commence fort avec notamment la création de Captain America dont les ventes dépasseront rapidement un million d'exemplaire, les années d'après-guerre seront économiquement plus difficiles, d'autant que les talents ne restent pas, au premier rang desquels on compte le départ de Jack Kirby dès 1942 après une brouille lié à un travail réalisé parallélement et confidentiellement pour le concurrent Fawcett comics. Stan Lee, neveu du fondateur Martin Goodman, devient alors le directeur de la publication (à moins de 20 ans !). ![]() Le dernier fabricant de magnétoscope, Funai Electric, vient d'annoncer que le format ne serait plus commercialisé à partir de cet été. Le magnétoscope marquait un tournant dans le rapport à la télévision et au cinéma. Étrangement, ses successeurs n'ont pas repris ses apports de valeur pour les cinéphiles. Lorsque la cassette vidéo est arrivée dans les foyers il y a 40 ans, elle révolutionnait le rapport à l'image. Jusque-là, l'image animée grand public se limitait au cinéma et à la télévision qui avait fait du film l'un des joyaux de leur programmation. Avec la sortie du Betamax en 1975 et du VHS un an plus tard, le cinéphile pouvait désormais détenir un film. Ce matériel arriva en France en 1978 et, quatre ans plus tard, le gouvernement dû mettre les magnétoscopes japonais sous embargo pour ne pas trop détériorer notre balance des paiements. Au début, le prix des magnétoscopes et des cassettes destinait le matériel aux professionnels. Seul le prix des cassettes pré-enregistrées est resté à un niveau particulièrement onéreux au début. Le monde du cinéma craignait fortement cette nouvelle concurrence. La fréquentation cinématographique s'était effondrée de 450 millions à 170 millions de billets vendus en salles par an et cela faisait à peine quelques années que la fréquentation parvenait à se stabiliser sur ce pallier.
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Le Parrain est un grand film pour de nombreuses raisons, mais ce serait un autre film sans les célèbres compositions de Nino Rota. Pourtant ce sont bien des musiques recyclées que nous entendons tout au long du premier opus de la trilogie de Francis Ford Coppola.
La musique du Parrain est presque aussi célèbre que le film lui-même. C'est dire l'impact de sa bande originale. Elle est d'ailleurs jouée régulièrement en ciné-concert, apanage habituel des blockbusters.
Le film avait été pensé initialement avec un budget raisonnable, mais la Paramount choisit finalement de lancer une nouvelle politique commerciale qui s’appuierait désormais sur une superproduction annuelle servant de "locomotive" aux autres productions du studio. L'adaptation du roman à succès de Mario Puzo sera la première expérience en 1972 de cette stratégie gagnante puisque le film deviendra le premier à atteindre le seuil des 100 M$ de recettes aux Etats-Unis (4 millions d'entrées en France). Francis Coppola cherchait un compositeur italien à qui confier la musique de son film sur une communauté italo-américaine mafieuse [1]. Même si la livraison des compositions connut quelques difficultés, (retard et refus d'enregistrement de la part du compositeur), il trouva en Nino Rota l'artiste idoine qui allait proposer une musique accompagnant idéalement cette histoire de famille à la fois intime et baroque. Il est vrai que Nino Rota a des atouts : il est italien et a fait ses études musicales au Curtis institute à Philadelphie dans les années 30. C'est là qu'il a appris la composition.
0La musique qu'il composa pour Le Parrain fit le tour du monde. Il y eu des reprises un peu partout du Love theme. A la sortie du film, Andy Williams chante sur cet air "Speak softy love". Il devient "Parle plus bas" chanté par Dalida en France. Il existe aussi une version espagnole, italienne et même ukrainienne. Cette fameuse musique se dirigea vers un Oscar à l'image du film lui-même qui en gagna trois dont celui du meilleur film. N'avait-elle pas gagné le Golden globe de la meilleure musique ? Mais après avoir reçu une nomination à l'Oscar, la musique fut disqualifiée de la compétition. On reprocha à la bande originale de reprendre un thème d'un autre film : Fortunella, un film de Eduardo De Filippo datant de 1958 (et largement inspiré du cinéma de Fellini). Le compositeur de la musique en est... Nino Rota. Reprendre certaines de ses propres compositions, n'est pas nouveau : les musiciens classiques (JS Bach...) le faisaient déjà.
A l'écoute, l'ambiance sonore n'est pas du tout la même entre la mélancolie du Parrain et l'entrain de Fortunella, mais le thème du film de Coppola est indéniablement similaire (à partir de 0:50). ![]() Certaines salles ont une histoire. C'est le cas de La Pagode, devenue cinéma par hasard et qui se caractérise par son architecture particulière. Cocteau l'appelait "le temple du cinéma" à la fin des années 50. Un parcours qui vient de s'arrêter avec la fermeture de ses deux salles le 10 novembre 2015. Pour de nombreux cinéphiles, il reste quelques beaux souvenirs. Située rue de Babylone, à proximité du boulevard des Invalides, La Pagode est l'unique cinéma du septième arrondissement de Paris.
Comme souvent, dans les belles histoires, il y a une femme à l'origine de sa création : Suzanne Kelsen. Elle a épousé François-Émile Morin, dirigeant du Bon Marché, le Grand magasin qui a inspiré Au bonheur des dames d'Emile Zola et qui se trouve à l'autre bout de la rue de Babylone. Pour faire plaisir à sa femme, à la place d'un hôtel particulier acquis en 1891, il lui fait construire une véritable pagode en plein cœur de Paris. Elle y tient des réceptions qui se font remarquer. Il faut dire que l'architecture japonisante ne passe pas inaperçue. Son créateur, Alexandre Marcel, se fera d'ailleurs un grand spécialiste de ce type de bâtiment au style asiatique. Il s'inspirera pour son ouvrage du sanctuaire Toshogu de Nikko sans être jamais allé, à l'époque, au Japon. Il pousse le réalisme jusqu'à faire venir estampes et matériaux directement du Japon. On trouve de belles tentures murales et on crée un plafond décoré de scènes guerrières. La construction débute en 1895 et la salle des fêtes est inaugurée en grande pompe l'année suivante. Mais Mme Morin divorce de son mari un an après pour épouser le fils de son associé, Joseph Plassard qui a quinze ans de moins qu'elle. Après le divorce, elle garde la salle qui entre dans le patrimoine de son mari, puis de sa deuxième femme. Jusqu'en 1927, La Pagode gardera sa vocation d'origine, accueillir des réceptions. La famille vend alors la salle. Parmi les propriétaires suivants, on trouve l'Ambassade de Chine pourtant guère adepte de la culture japonaise. Après quatre ans, le bâtiment réouvre pour devenir une salle de cinéma. Le premier film projeté est One mad kiss en mars 1931. Il n'y a qu'une salle alors comme c'est souvent le cas à l'époque. Le cinéma est en plein essor et Paris voit se construire de grands palaces à la gloire du 7ème art depuis une dizaine d'années. La salle de La Pagode se distingue clairement des autres théâtres cinématographiques par son ambiance particulière car le style oriental a été conservé. ![]() Cette semaine, on ne fête pas seulement les trente ans de Retour vers le Futur, mais aussi le vingt-cinquième anniversaire d'Internet Movie DataBase, IMDb de son petit nom. On a peine à croire que l'aventure d'un tel site web ait commencé il y a un quart de siècle. Et pourtant elle a même débuté un peu plus tôt encore. Le site est devenu la bible des cinéphiles car on y trouve la plus grande base de données sur le cinéma - les statistiques ici - et son précieux top250 des meilleurs films. L'idée n'est pas venue spontanément. Elle provient de discussions de cinéphiles sur un newsgroup de Usenet, l'ancêtre des forums avant qu'internet s'organise autour de sites web.
A l'époque, les discussions évoquaient souvent les actrices les plus séduisantes et les films où les voir. C'est ainsi que les utilisateurs du forum rec.arts.movies se sont retrouvés à s'échanger des filmographies dans des messages : Kim Basinger et Pichelle Pfeiffer étaient souvent citées à l'époque. Et comme le réseau était constitué de geeks, il n'est pas étonnant que l'un d'entre eux ait décidé de reprendre ces filmographies dans une base de données. On est en 1989 et ce précurseur s'appelle Col Needham, un ingénieur de 22 ans qui travaille alors chez Hewlett-Packard à Bristol. Cinéphile (il a vu plus de 9.380 films à aujourd'hui), ce britannique note depuis ses 13 ans le noms de ceux qui font les films et il aime faire des quiz dessus. Il dit de lui-même : "It's fair to say I'm a geek". Rapidement la base grossit et il développe un mini-programme pour permettre aux autres membres de la compléter. La base de données centrée sur les actrices s'enrichit d'informations sur les acteurs et les réalisateurs. Les producteurs et les compositeurs de musique suivront. Parmi les techniciens, quelques décorateurs sont parmi les premiers à apparaitre sur la base. Bizarrement les scénaristes n'arrivent qu'après. Bizarrement ? Non car il suffit d'un nouveau volontaire motivé pour que les lacunes soient prises en charge. Des volontaires, il y en a de plus en plus qui, tous, contribuent à développer la base de données de Col Needham. La force vive est constituée d'une vingtaine de cinéphiles. A l'été 1990, ce sont 10.000 films qui sont répertoriés, soit exactement le même nombre d’œuvres répertoriées par le Dictionnaire des films édité par Larousse cette année-là. Mais à la différence des versions papier, la mise à jour est continue et les erreurs sont rapidement corrigées par les fans. ![]() La durée de vie des hommes s'allonge alors que celle des films se réduit au cinéma. Un parallèle qui n'a pas vraiment de sens sauf à relever le caractère encore plus événementiel que prend l'exploitation en salles à l'heure où les reprises sont de plus en plus rares. Un tweet récent rappelle quelle était la vie des films il y a un demi-siècle. Hors films d'animation, en tête du box-office des neuf premiers mois de 2015, on trouve Jurassic World avec 5,1 millions d'entrées, sorti au début de l'été. Il valait mieux ne pas être parti trop longtemps car au retour du mois d'août, le film n'était plus à l'affiche malgré son triomphe. S'il est courant depuis longtemps qu'un film quitte l'affiche lorsqu'il n'a pas de succès, il faut constater que désormais même les films qui rencontrent leur public doivent faire de le place aux nouveautés et surtout s'exiler sur d'autres supports. Parfois en cherchant volontairement à se faire rare pour mieux revenir en DVD, Blu-ray et VoD. Résultat, le film de Colin Trevorrow a quitté les salles au bout de 10 semaines. Après un mois, il avait déjà comptabilisé 85% de son score final. Ce n'est pas particulièrement court, car souvent les blockbusters enregistrent la moitié de leurs entrées la première semaine et ont pratiquement totalement disparu au bout d'un mois.
Un Tweet de Benoit Denard, Directeur des études, des statistiques et de la prospective du CNC, rappelle que c'était bien différent il y a cinquante ans. La carrière d'un film s'étalait sur trois ans.
![]() 50 nuances de Grey a été l'un de gros succès en salles de l'année (4 millions d'entrées en France) et la vidéo/vod disponible depuis mi-juin devrait lui réussir également, malgré de mauvaises critiques et surtout des avis du public peu enthousiastes. Les récentes mésaventures de Love de Gaspar Noé avec le processus de certification montrent que rien n'est simple avec le nu. Retour sur un genre qui disparait pour mieux renaitre périodiquement dans de nouveaux contextes. En 1975, les films érotiques et pornographiques (on ne faisait pas encore légalement la différence) ont représenté jusqu'à 20% de la fréquentation dans Paris intra-muros et environ 15% en France [1]. Les films érotiques / pornographiques ont même constitué la moitié des films diffusés. Quatre films avec scènes de sexe non simulées dépassèrent même le seuil du million de spectateurs entre 1973 et 1975 en France, se classant dans les 30 plus gros succès annuels, avant que la loi du 31 octobre 1975 ne mette un terme à cette tendance, avec la création de la catégorie des films X frappés d'une taxe spéciale et d'une obligation d'être diffusés dans un circuit d'exploitation spécifique. Le genre survivra correctement encore quelques années dans une exploitation de ghetto (encore 13% des entrées Paris-ville en 1981) mais il disparaîtra avec l'essor de la cassette vidéo VHS. La dernière salle parisienne, le Beverley (75002), fait encore de la résistance. Mais pour combien de temps ? [Mise à jour 11/11/17 : Le Beverley a annoncé sa fermeture en décembre 2017 ou janvier 2018] Les films érotiques ont également pratiquement disparu des salles. Pourtant chaque décennie apporte son succès qui rappelle que la nudité sait toujours attirer l'attention du public :de 9 semaines 1/2 (1985) dans les années 80 à 50 nuances de Grey (2015) récemment en passant par l'Amant (1992) ou Eyes wide shut (1999).
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Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital dans une grande banque française.
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