The Room traîne depuis plus dix ans une étonnante réputation de nanar, mais son audience restait encore confidentielle. La chronique de son tournage dans The disaster artist jette à la fois un projecteur sur cet étrange film que les spectateurs ont détourné de son discours initial et une occasion de voir en creux comment on (ne) fait (pas) un film. Une histoire double qui s'étend sur quinze ans. Le cinéma américain distribue plus de 500 films par an (le double de la France pour un pays cinq fois plus grand qui exporte aisément sa production). En fait seulement un quart d'en eux bénéficient d'une exploitation en salles significative. On connait bien la plupart des dix films mensuels provenant des majors et les quelques films indépendants parviennant jusqu'à nous grâce à leur talent ou la réputation de leurs acteurs/réalisateurs. Pourtant tout n'est pas rose et certains films finissent dans les poubelles de l'exploitation après un échec qui tue toute velléité à un distributeur de le distribuer en vidéo ou de réussir à le vendre à une chaîne du cable. Malheureusement, plus personne ne se souvient d'eux et même le statu de nanar est réservé de fait à des films qui ont pu rencontrer un public : Sans parler de Superman 4, Le fils du Mask ou Donjons et Dragons qui étaient prévus pour être des blockbusters, les nanars comme Sharknado ou Birdemics ont été conçus avec un sens aiguë du second degré. Leur (anti-)succès est certes disproportionné, mais on peut dire qu'ils ont atteint leur cible. The Room échappe totalement à ce classement. Il a été conçu avec une ambition au premier degré tandis que son échec en salles est abyssal et proportionnel à ses qualités. On voudrait comparer le film à un nouveau Plan 9 from outer Space que Tim Burton a popularisé en son temps avec son Ed Wood (1994). Edward D. Wood était un réalisateur de série Z au talent incertain, mais reconnu dans son système de production avec un certains succès à son niveau qui lui a permis de continuer à réaliser de nouveaux films de 1954 à 1971.
Il arrive parfois que le spectateur s'étonne de retrouver la même intrigue - ou presque - servir les scénarios de deux films qui sortent quasiment simultanément. C'est souvent étonnant, parfois logique ... Un phénomène qui prend de l'ampleur avec la mondialisation et l'augmentation du nombre de films produits. En 2019, il y aura deux films pour évoquer l'assassinat de Sharon Tate, l'actrice et épouse de Roman Polanski : Il était une fois Hollywood de Quentin Tarantino et The hauting of Sharon Tate de Daniel Farrands. Pas un film de cinéma sur ce drame en un demi-siècle et voici deux films la même année produits aux Etats-Unis. Les traitements seront très différents mais la coïncidence est troublante. Avec plus de 500.000 films produits depuis 120 ans, les scénaristes et réalisateurs ont montré leur capacité à créer des oeuvres originales. C'est loin d'être évident avec un object fictionnel qui doit suivre des schémas récurrents pour satisfaire les attentes des spectateurs et créer de la dramatique. Ainsi la structure en trois actes est devenue la norme entre une présentation des personnages et du nœud de l'intrigue, puis un acte 2 centré sur la déclinaison de cette intrigue pour aller vers la résolution avec habituellement au moins un coup de théâtre qui relance la dynamique et enfin une dernière partie qui se concentre sur la résolution du problème du héros autour d'un climax. Cela permet à quelques théoriciens de proposer des recettes pour écrire un "bon" scénario, de John Truby à Robert McKee. George Martin a même identifié les 20 intrigues types que l'on retrouve habituellement dans les structures narratives des films :
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Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
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