Quand les exploitants regrettent que certains films ne sortent plus en salles, ils en appellent à l'essence même du cinéma. Le cinéma est né avec un public devant des images, mais entre le contenu (le film) et le contenant (la salle), il y a deux définitions du cinéma qui s'affrontent ... de façon intéressée. L'histoire du cinéma se répète une fois de plus. Les festivals de cinéma sont l'un des plus bels écrins pour le cinéma. Ils permettent de transformer en événement la sortie d'un film lors d'avant-premières médiatisés avec des stars qui se prêtent volontiers tant à la promotion du film en question (surtout si elles jouent dedans) qu'à la leur. Même si l'art est désintéressé, il s'agit d'un "désintérêt intéressé" où tout est produit [1]. Et tout le monde se tient pour maintenir un équilibre financier où chacun a l'habitude de prendre une part des flux financiers qui transitent, tant pour faire le film (les artistes et techniciens) que pour recevoir une part des recettes (exploitants, distributeurs, producteurs et ... artistes). Il n'en est pas vraiment autrement dans les autres secteurs. Mais ce secteur revendique sa spécificité culturelle ; il relève essentiellement de puissants oligopoles (quelques grands diffuseurs, têtes d'affiche et festivals en particulier) et d'une faible concentration (des milliers de producteurs et des milliards de spectateurs). C'est à la fois une industrie et un artisanat. Le choc est donc violent lorsqu'un nouvel acteur, comme Netflix, vient troubler des équilibres construits depuis longtemps et qui avaient su satisfaire tout le monde après l'avènement de la télévision payante et de la vidéo dans les années 80. Plus de trente ans déjà.
Le Studio Pixar est parvenu à prendre la place laissée vacante par Disney Animation autrefois indétrônable. Derrière cette ascension, il y a une histoire de la technologie et celle d'hommes et de femmes qui voulaient tous simplement raconter de bonnes histoires.
L'histoire de Pixar se joue en 1983. Une visite est organisée d'employés de Disney dans les locaux d'une division de Lucasfilm, la société de production du père de Star Wars. Ils sont accueillis par Ed Catmull qui dirige cette division, Graphics Group de la Direction des Ordinateurs. Disney a travaillé deux ans plus tôt sur le film Tron de Steven Lisberger et certains pensent que les ordinateurs peuvent aider le studio. Parmi les visiteurs de Disney chez Lucasfilm : John Lasseter qui se montre le plus intéressé par ce qu'il découvre. Il n'a pas participé à la création de Tron, mais il a observé de loin sa production alors qu'il n'est qu'un jeune animateur qui travaillait sur Rox et Rouky. Il sort de chez Ed Catmull convaincu du potentiel de l'image créée par ordinateur d'autant qu'il a quelques projets avec des objets animés qui pourraient bien s'y prêter : une adaptation du conte pour enfant The Brave little toaster pour lequel il imagine combiner une animation traditionnelle pour les personnages et un décor tridimensionnel créé avec les ordinateurs alors que jusqu'à maintenant l'animation se bornait à un dessin d'arrière-plan même dans les productions coûteuses de Disney. Dans la foulée, avec Glen Keane, il fait un test en créant un extrait de When the wild things pour tester l'impact des changements de perspective et interaction entre animation et infographie. Lorsqu'il propose à sa hiérarchie |1] de passer à un long métrage sur le même principe, il reçoit un accueil tellement glacial qu'il sera même remercié.
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Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
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