Le cinéma est un plaisir et les exploitants font un métier difficile pour proposer les films dans les meilleures conditions possibles. Sauf que l'expérience du spectateur s'écarte parfois du parcours idyllique vanté dans les publicités. J'invite donc les dirigeants de Pathé-Gaumont à essayer leur service un samedi soir au Gaumont Parnasse. J'ai testé pour eux. Le cinéma à l'heure du digital, c'est de nouveaux usages, une digitalisation de la chaîne de production et de la distribution et même un produit revu via la 3D et la Réalité Virtuelle. Mais le cinéma reste le cinéma, avec un spectateur devant une toile où le film est projeté dans une expérience spectaculaire et sociale. Ce qui a surtout changé, c'est l'expérience utilisateur (UX) qui a forcé distributeurs et exploitants à revoir l'ensemble de leur chaîne de valeur pour un parcours "sans couture" comparable à ce que connait de plus en plus le spectateur dans un monde digitalisé. Et là dessus, le spectateur s'attend désormais à faire son choix de film en regardant un site internet qui le mène naturellement vers une apps pour réserver sa place avant d'arriver dans une salle où son billet sera scanné. Enfin, une salle à la projection digitalisée dans des normes de confort phigitales revues à la hausse : fauteuil confortable, salle descendante pour une vision sans obstacle, son 3D, image 4K... C'est d'ailleurs ce qui est pratiquement proposé au spectateur américain avec l'apps Fandango. Malheureusement, en France, il arrive encore trop souvent que l'on soit loin de ça. C'est économiquement compréhensible dans une salle provinciale à l'économie subventionnée. C'est plus embêtant quand ceci concerne un complexe du principal distributeur-exploitant français (750 salles). Pourtant j'ai fait une expérience bien différente de ce sur doit être le cinéma d'aujourd'hui. Qui plus est dans une l'une des plus grandes salles d'un complexe Gaumont à Paris-Montparnasse.
Adrien Remaugé a été le producteur des Enfants du Paradis. Il a toujours défendu une vision d'un cinéma populaire et de qualité. ll s'est néanmoins laissé déborder par l'arrivée de la Nouvelle vague qui a changé les règles du jeu. Retour rétrospectif sur son regard sur les difficultés du cinéma au début des années 60 où le cinéma ne cherchait plus à être "aimable" et la télévision s'imposait dans les foyers. Sincèrement, je ne crois pas qu'on puisse apporter un remède unique à ce problème de la fréquentation qui constitue néanmoins le problème crucial du cinéma. Personnellement je pense qu'il faudrait avant tout éliminer les mauvais films, mais c'est là une solution presque utopique. Ce qui l'est peut-être moins, c'est de supprimer les mauvais titres de films, les plus vulgaires qui font fuir le spectateur au lieu de l'attirer. Un réel effort pourrait être fait dans ce domaine, car un titre aimable, une façade attrayante, une affiche "accrocheuse" constituent des éléments de propagande qu'il ne faudrait jamais négliger. Et comme, d'autre part, le cadre dans lequel se déroule le spectacle cinématographique a également son importance, il ma parait indispensable de compenser par une mesure quelconque la suppression de la loi d'aide, car on ne ramènera jamais le spectateur dans des salles délabrées ou désuètes. De quelques façon que l'on procède, on en revient toujours à la loi d'aide, seul moyen efficace de soutenir l'industrie cinématographique. Je crois d'autre part que si on revenait à une politique professionnelle plus cohérente, nous retrouvions un prestige, hélas compromis, et, à la faveur d'une atmosphère générale plus favorable, l'indice de fréquentation marquerait une hausse. Peut-être obtiendrions-nous ainsi un changement de politique de la Grande presse, particulièrement de la presse quotidienne, dont le rôle me parait essentiel. Il faut reconnaître qu'en général on n'y aperçoit pas le souci de donner au public le goût de voir les films. Je pense que des commentaires marqués de plus de bienveillance auraient sur la fréquentation des salles une influence certaine. Reste, bien entendu, le problème des films. Je n'hésite pas à dire que la "Nouvelle vague" nous a porté un préjudice indiscutable. Il ne s'agit pas de supprimer toute recherche esthétique, mais bien plus d'orienter ces recherches de laboratoire dans un sens précis. Toute industrie a besoin de ces laboratoires où l'on essaie des formules nouvelles. Il ne me parait pas utile de le faire sur la place publique. Que ces films soient livrés à un public spécial capable de les apprécier, mais il convient d'éviter l'encombrement des écrans populaires par des œuvres qui ne peuvent que choquer ou indisposer. Accessoirement, je souhaite que la même différence soit observée dans les palmarès des festivals de cinéma qui ont tendance dernièrement à confondre le cinéma avec une notion abstraite des choses. Le Film Français n°921-922 - hiver 1961-1962 [1]
La libération sexuelle a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 70, en en faisant un laboratoire un peu particulier de l'expression des préférences. Zoom sur l'année charnière 1974 marquée par un succès sans nul autre pareil.
Le succès des premiers films sexy fut tel que de nombreux producteurs furent tenter de reprendre la recette. On vit donc déferler une vague impressionnante de films pornographiques dans des salles spécialisées. Parallèlement, pour toucher le grand public encore réticent dans des pays majoritairement conservateurs (Nixon aux USA, Edward Heart en Angleterre et Pompidou en France), il fallait en 1973 une production moins hardcore.
Ainsi, sorti du Ghetto, l’érotisme pouvait prospérer. Les producteurs ont multiplié les films soit dédiés à une démarche érotique, soit dans des genres traditionnels mais en y incluant une liberté nouvelle de montrer le sexe. Les spectateurs de leur côté voyaient s'offrir à eux un cinéma nouveau et stimulant.
La part des films sexy est difficile à évaluer car il n'existait de distinction faite pour distinguer érotisme et obscénité. Une analyse faite en 1975 par le CNC à la demande des pouvoirs publics permit de mesurer la situation. Il s'agissait essentiellement de mesurer globalement son évolution car la méthode restait rudimentaire : se baser sur le caractère évocateur du titre des films. Ainsi, le nombre de film susceptibles d'être pornographique serait passé de 215 en 1968 à 672 en 1974. Mais le public avait aussi fortement augmenté en triplant de 8,4 à 24 millions de spectateurs intéressés. Le succès d'Emmanuelle à l'été 1974 contribua fortement à ce phénomène.
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Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
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