Mother !, le dernier film du réalisateur de Black Swan, Darren Aronofsky, n'a pas plu. C'est un euphémisme lorsqu'on regarde les avis des spectateurs à la sortie de la salle. C'est une contre-vérité quand on observe les notes données par les cinéphiles. Rarement film aura créé un tel écart de perception. Mother ! est entré dans l'histoire du cinéma moderne en devenant le 19ème film à recevoir la note F au rating de CinémaScore. Pas vraiment une situation enviable ! Cinemascore est un institut d'étude sur le cinéma qui interroge depuis 1978 environ les spectateurs américains à la sortie des salles (dans 5 des 25 plus grosses villes américaines). C'est donc l'avis du spectateur moyen qui s'est déplacé en salles et il y a donc moins d'un film par an qui a réussi à décrocher cette note infamante. Parmi les prédécesseurs, on trouve Disaster Movie (1,9 sur IMDb), Terreur.point.com (3,3), The wicker man (3,7), The devil inside (4,2), Docteur T. et les femmes (4,6), Les âmes perdues (4,8), Voyeur (4,9) ou encore Darkness (5,4). Le cas de Mother ! est différent. Sa note IMDb est bien supérieure puisqu'elle est à 6,8 une semaine après sa sortie (14.000 votants). Ce n'est finalement pas si loin de la note moyenne attribuée par les internautes cinéphiles à l'ensemble ds films notés sur IMDb, qui ressort à 6,9. Concernant Mother !, l'écart entre le rating Cinemascore (F, "l'un des pires films que j'ai vu") et celui d'IMDb (6,8, "un film moyen") est donc énorme. Dans un cas, c'est un spectateur lambda qui a vu le film à sa sortie, dans l'autre un spectateur engagé qui prend la peine de partager son avis sur internet. Pour analyser plus en détail, le cas spécifiques de Mother !, il est intéressant d'examiner la structure des notes qui constitue le rating (une moyenne pondérée) en le comparant à un autre film plus classique avec le même rating (6,8) et la même note médiane. Nous avons retenu Pirates des Caraïbes : la vengance de Salazar qui se différencie par son positionnement de blockbuster mais s'en rapproche par la proximité de la date de sortie à l'été 2017.
La libération sexuelle a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 70, en en faisant un laboratoire un peu particulier de l'expression des préférences. Zoom sur les débuts d'un phénomène qui toucha d'abord le cinéma Z et d'auteur.
Le cinéma traduit les évolutions de société. On peut avoir l'impression qu'il les anticipe mais en fait, il se contente de les amplifier. La parenthèse du cinéma érotique dominant de 1975 traduit un mouvement engagé bien auparavant. Dix ans plus tôt en fait. Le milieu des années 60 porte les prémisses de la révolution des mœurs de 68 : la première mode des mini-jupes, la pilule contraceptive et le top-less sur les plages datent de cette époque.
Compte tenu que le sexe cessait d'être un tabou, la question de sa représentation à l'écran prenait une nouvelle dimension. La pornographie en image animée n'était pas nouvelle : on dénombre quelques vues de ce type dès 1907, mais leur diffusion, clandestine, n'avait rien de publique [1]. La suède fut la première à autoriser de montrer des images sexuelles au cinéma, d'abord sous couvert d'un aspect pédagogique (Je suis curieuse en 1967) alors que l'Allemagne connut deux très gros succès avec les moins explicites, mais pseudo-pédagogiques Helga, de la vie intime d'une jeune fille et sa suite Helga et Michael (4,1 et 1,7 M de spectateurs français). Le Danemark, puis les Pays-Bas, abolissent la censure en 1969. Les comédies érotiques devenaient courantes, donnant ainsi une certaine distanciation à la présentation du sexe à l'écran. Jean-François Davy fut l'un des premiers en France à se donner un brin d'ambition dans le domaine. Veronika Lake fut une vraie star de cinéma des années 40. Elle a imposé une image iconique, un peu oubliée aujourd'hui, mais qui a marqué les cinéphiles par sa silhouette et ses attitudes capricieuses. Elle a même inspiré le tic de la vedette en jouant avec sa chevelure. Veronika Lake est un mystère. Née Constance Frances Marie Ockleman à Brooklyn le 14 novembre 1922, elle a souvent triché sur son âge et sur son nom. Elle s'est vieillie de trois ans pour participer à des concours de beauté dans les années 30 dont un titre de Miss FLoride dont elle sera destituée lorsqu'il apparaîtra justement que son âge ne lui permettait pas de participer. Mais elle changea aussi de patronyme, empruntant celui de son beau-père [1] : elle apparaît ainsi dans ses premiers films sous le nom de Connie Keane et Constance Keane. Elle ne prendra le nom de Veronika Lake qu'en 1941 pour son rôle important dans L'escadrille des jeunes. Elle choisit le prénom pour son classicisme et le nom Lake pour son côté plus léger.
Son caractère est également difficile à cerner. Sa mère a de plus en plus de mal avec elle. Expulsée de son école et faisant preuve d'un caractère de plus en plus asocial, sa mère la mena chez un docteur qui diagnostiqua une paranoïa schizophrénique. Mais elle décida de ne pas traiter le problème de sa fille. |
Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
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