Qui a donc envie d'aller voir un film sur un petit garçon qui joue avec des poupées ?
(Michael Eisner)
[2] - 35 fonds d'investissement refuseront le dossier.
|
Le Studio Pixar est parvenu à prendre la place laissée vacante par Disney Animation autrefois indétrônable. Derrière cette ascension, il y a une histoire de la technologie et celle d'hommes et de femmes qui voulaient tous simplement raconter de bonnes histoires.
L'histoire de Pixar se joue en 1983. Une visite est organisée d'employés de Disney dans les locaux d'une division de Lucasfilm, la société de production du père de Star Wars. Ils sont accueillis par Ed Catmull qui dirige cette division, Graphics Group de la Direction des Ordinateurs. Disney a travaillé deux ans plus tôt sur le film Tron de Steven Lisberger et certains pensent que les ordinateurs peuvent aider le studio. Parmi les visiteurs de Disney chez Lucasfilm : John Lasseter qui se montre le plus intéressé par ce qu'il découvre. Il n'a pas participé à la création de Tron, mais il a observé de loin sa production alors qu'il n'est qu'un jeune animateur qui travaillait sur Rox et Rouky. Il sort de chez Ed Catmull convaincu du potentiel de l'image créée par ordinateur d'autant qu'il a quelques projets avec des objets animés qui pourraient bien s'y prêter : une adaptation du conte pour enfant The Brave little toaster pour lequel il imagine combiner une animation traditionnelle pour les personnages et un décor tridimensionnel créé avec les ordinateurs alors que jusqu'à maintenant l'animation se bornait à un dessin d'arrière-plan même dans les productions coûteuses de Disney. Dans la foulée, avec Glen Keane, il fait un test en créant un extrait de When the wild things pour tester l'impact des changements de perspective et interaction entre animation et infographie. Lorsqu'il propose à sa hiérarchie |1] de passer à un long métrage sur le même principe, il reçoit un accueil tellement glacial qu'il sera même remercié.
Libre de tout engagement, il retrouve Ed Catmull en novembre 1983 lors d'une conférence et celui-ci n'hésite pas à faire appel à ses services en freelance. Durant presque un an John Lesseter va se familiariser avec le potentiel des ordinateurs pour comprendre qu'ils peuvent lui permettent de créer un film d'animation complet, et pas seulement quelques éléments ; parallèlement, les ingénieurs de Lucasfilm se forme aux principes de l'animation. En octobre 1984, John Lasseter rejoint Ed Catmull à plein temps. La création de Pixar est sur les rails.
Ed Catmull se passionna très tôt pour le graphisme par ordinateur avec l'ambition de pouvoir construire un jour un film d'animation par ordinateur. A ses débuts, il s'attacha seulement de pouvoir représenter via un ordinateur des éléments graphiques simples. Encore étudiant, il réalise en 1972 une main pivotant avec un rendu fil de fer. Ce court film sera repris tel quel quatre ans plus tard dans le film Futureworld (la suite de Mondwest) avec Yul Bruner. C'est George Lucas qui vint le trouver pour prendre la tête de la nouvelle division consacrée à l'informatique graphique en lien avec le développement d'Industrial Light & Magic (ILM), son nouveau studio d'effets spéciaux. George Lucas a utilisé l'image de synthèse dès 1977 avec son film Star Wars dans ce qu'on voit sur les écrans - en wireframe - lors de la séquence d'attaque de l'Etoile Noire. Il veut aller plus loin. Et en 1979, pour lui, Ed Catmull quitte le laboratoire de son université et va constituer une équipe d'experts qui aboutit à apporter moins de trois ans plus tard sa scène la plus prometteuse à Star Trek 2. Son camarade Alvy Ray Smith, qui a suivi Ed Catmull du laboratoire du New York Institute of Technology chez Graphics Group, est le principal artisan de cette première démonstration de force des images de synthèse, puis des succès techniques à venir.
Le potentiel de l'infographisme est immense, mais les capacités de calcul des ordinateurs de l'époque sont trop limitées pour faire un film. La compagnie va perfectionner ses techniques pour des demandes de la publicité et des séquences ponctuelles de quelques films. On doit à Graphics Group une formidable séquence dans Le Secret de la pyramide (Young Sherlock Holmes en VO) : un vitrail qui s'anime et se bat à l'épée avec le héros. Une exploitation des images de synthèse qui permet de mélanger totalement des bouts d'image crées par l'informatique et des séquences réelles. Le travail dans la publicité permet de financer les avancées pour toujours plus de fluidité et de nouveaux progiciels spécialisés à même d'optimiser les calculs monstrueux exigés par la technique. Et, en complément de l'élaboration de ces logiciels (software), une équipe commence à travailler sur un nouvel ordinateur (hardware). George Lucas en a fini avec les Star Wars après Le retour du Jedi (en 1983) et l'échec de Howard le canard le conduit à limiter ses ambitions. Son coûteux divorce à la même époque le conduit à se convaincre que Graphics Group sera plus à même de se développer vers le hardware avec un actionnaire pertinent dans le domaine. Afin de faciliter son développement, puis sa revente, Graphics Group devient une société. Avec le Pixel et la fin du mot Radar, né le néologisme Pixar qui devient la marque commerciale initialement de la gamme de hardware sur laquelle travaille l'équipe.
Remercié par le Conseil d'administration d'Apple, Steve Jobs cherche à se relancer. Il perçoit le potentiel et il est l'un des seuls : George Lucas doit se résoudre à lui vendre la compagnie pour seulement 5 M$ faute de trouver d'autres investisseurs vraiment intéressés [2]. Steve Jobs réinvestit immédiatement 5 autres M$ pour financer le développement et quelques mois plus tard sort lePixar Image Computer, un ordinateur vendu très cher (plus de 300.000€ d'aujourd'hui) et destiné aux métiers ayant de fortes capacité de calcul comme la météorologie, la recherche médicale et la visualisation graphique. Mais ce fut un échec et l'aventure du hardware chez Pixar s'arrêta en 1990 avec la revente de l'activité.
L'idée de faire un vrai film avec les images de synthèse était toujours là et il y eut même la préproduction d'une adaptation du jeu Monkey Kong. Dès sa création, la jeune société produisit Luxor Jr réalisé par John Lasseter (à voir ici avec la célèbre lampe qui sera la mascotte de la société). Il fallut se résoudre à un abandon du projet tant le manque de capacité de calcul rendait le projet trop cher. La nouvelle compagnie se spécialisa alors dans la production de logos animés et de séquences courtes pour la publicité : Cellular one, Tropicana, La Poste (française), Volkswagen, Kellog's, Coca-Cola ...
L'aventure Toy Story est donc la concrétisation du savoir-faire de Pixar arrivé à maturité au moment où la puissance de calcul informatique permet enfin d'envisager un film long à un budget compatible avec l'économie du cinéma : 17 M$ nécessaires pour produire ce pari technologique. Mais Toy story est surtout l'accomplissement de l'initiative de John Lasseter pour raconter des histoires. Toujours pour promouvoir Pixar, il avait en 1988 réalisé le court métrage Tin Toy à propos déjà d'un jouet. A la clé, il décrocha un Oscar du meilleur film d'animation et l'attention du Studio Disney qui essaie de le débaucher. En vain. Le studio dut même un temps abandonner la production des court-métrages d'animation, trop coûteux. Steve Jobs était contraint chaque année de financer les pertes et investit finalement jusqu'à 50 M$ pour monter à 90% du capital.
Tim Burton venait d'obtenir de pouvoir tourner son Étrange Noël de M. Jack (Nightmare before Christmas) hors des structure du studio mais avec Disney comme distributeur. Cela ouvrait la possibilité à un deal de même nature avec Pixar, ce qui décida Steve Jobs à renoncer à son projet de revente alors que Microsoft et Oracle lui en proposait 90 M$. Le Studio Disney se laissa même convaincre d'investir contre la moitié des recettes à venir, les droits sur les personnages de Toy Story et la possibilité de produire quatre films supplémentaires aux même conditions. Pour Pixar qui était en pertes, ce contrat était une très bonne nouvelle pour accélérer et enfin sortir le film d'animation long métrage tant voulu par Ed Catmull et John Lasseter. Le patron de Disney n'était pas convaincu par le héros inspiré de Tin Toy.
Qui a donc envie d'aller voir un film sur un petit garçon qui joue avec des poupées ?
Restait surtout à écrire une histoire complète. Déjà John Lasseter était accompagné de Andrew Stanton et Pete Docter, futurs réalisateurs de respectivement du Monde de Némo et Montres & Cie. Ils voulaient tourner le dos aux recettes de Disney et ils s'inspirèrent des principes d'écriture de McKee et de quelques scénaristes aguerris (Joel Coen, Josh Whedon) pour bâtir un véritable scénario de buddy movie. Le héros du court de 5 minutes, le musicien Tinny, laissa alors place à une figurine de cow-boy. Mais il fallu revoir le scénario en milieu de production, ajuster les personnages de Woody (moins autoritaire) et Buzz (inconscient d'être un jouet) avec une réorientation de l'écriture vers une lecture plus adulte. C'est à cette occasion que naît une spécificité du processus créatif de Pixar qui perdure encore aujourd'hui : le Braintrust, un groupe de créatifs qui challengent et donnent du recul au réalisateur d'une oeuvre en cours de création. La confiance vascilla avant de trouver le script idoine et le Budget doit finalement être revu à la hausse à 30 M$. Ed Catmull mis difficilement d'accord Steve Jobs (pour Pixar) et Jeff Katzenberg (pour Disney) de suivre. Après quatre ans de travail et 800.000 heures de temps-machines, Toy Story peut sortir en novembre 1995 ... pour changer l'histoire du film d'animation.
Pixar fut introduit en Bourse dans la foulée immédiate de la sortie de Toy Story. Cela donna plus de moyen pour produire plus indépendamment les films suivants sauf que Disney activa son droit sur les quatre films supplémentaires. Les relations se dégradèrent sur la répartition de la valeur. Le refus de Disney de compter Toy Story 2 dans le décompte des films concernés par le contrat fit monter la pression et, au moment de renégocier le contrat après la sortie à succès de 1001 pattes, Monstres & Cie etLe Monde de Nemo, Steve Jobs choisit de geler les négociations de renouvellement avec Disney. Bien lui en prend puisque son patron Michael Eisner, est remplacé par Bob Iger qui se montre bien plus favorable à un accord. Pour lui, "Pixar peut sauver Disney". Il se décide même à aller bien plus loin qu'un accord de distribution en rachetant toute la compagnie.
Steve Jobs qui détenait encore 49,65% des parts après l'entrée en Bourse devient le premier actionnaire de Disney avec 7%, une contrepartie supérieure à ses parts dans Apple, même à sa grande époque. Au delà de Jobs, le studio est surtout désormais piloté par des créatifs qui émettent leurs réserves à l'opération de rapprochement capitalistique : un charte de 59 conditions pour asseoir leur indépendance qui va du portail du campus à conserver à l'absence de séminaire à Disneyland. Et John Lasseter et Ed Catmull se sont envolés pour Los Angeles prendre la Direction de la branche Animation de Disney qui retrouva rapidement un nouveau souffle créatif (avec Raiponce, puis La Reine des Neige notamment).
Steve Jobs meurt en 2011 et Ed Catmull prend sa retraite en 2014. Depuis que Lasseter a pris du recul pour lâcher définitivement la Direction fin 2018, une nouvelle génération qu'il a formée a pris la relève avec à sa tête Pete Docter (Monstres & Cie, Là-Haut, Vice versa). Les succès récents de Coco de Lee Unkrich et des Indestructibles 2 de Brad Bird ont fait taire ceux qui relevaient une baisse de régime. 23 ans après la sortie de Toy Story, le studio a engrangé 5,5 Md$ sur le seul sol américain pour 20 films, soit 275 M$ de recette moyenne par film. 15 ans après la création de l'Oscar du meilleur film d'animation, neuf productions Pixar ont gagné la statuette.
"Story is king".
[1] Ed Hanson, né en 1925, était producteur après avoir officié pendant longtemps comme réalisateur de seconde équipe sur les grands classiques de Walt Disney entre 1959 et 1977.
[2] - 35 fonds d'investissement refuseront le dossier. |
Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
|
© 2017 - All rights reserved
|
|
Oui, l'humain a encore largement sa place dans la chaîne de valeur d'une industrie si particulière. On cherche à faire croire qu'il faut opposer le cinéma d'auteur au cinéma populaire. Il n'en est rien, on est bien dans une activité de création où l'artiste est bien là. S'il fallait s'en convaincre, le non remplacement de l'humain par la machine dans la phase de création est une réalité indiscutable. " Le cinéma est aussi une industrie". C'est d'abord un art. Tant mieux !
|
L’analyse du public des Avengers et de Star Wars montre que malgré des similitudes, les différences sont importantes. Le public entre 15 et 25 ans représente 35 % des spectateurs du dernier Avengers (Infinity war) alors qu’il est de 20% pour l’avant-dernier Star Wars (Le réveil de la Force).
Cela démontre le pouvoir d’attraction des super-héros de Marvel sur les adolescents et les jeunes adultes. Star wars 7,qui relançait la franchise de George Lucas, a surtout créé du désir chez un public plus adultes : 46 contre 31% pour les 25 à 50 ans. C’est ce public qui a fait la difference pour un méga-démarrage à 3,5 millions de spectateurs en une semaine, soit un million de plus que pour le déjà trés beau début de carrière d’Infinity war des studios Marvel. En revanche, lorsque l’épisode 8 est sorti, ce million supplémentaire a disparu et ce public des adultes curieux s’est moins pressé. Les plus grands fans ont, eux, répondu présents en décembre dernier. Et ce sont les plus de 50 ans qui ont suivi la saga depuis le debut qui ont alors été fidèles : en valeur absolu, ils sont restés au même niveau ( 720.000 spectateurs). Et le plublic des adolescents friand du blockbuster de la semaine est venu lui-aussi mais avec moins de ferveur que pour les Avengers. Star wars n’est finalement pas aussi moderne, trainant une image vintage alors que les super-héros créés par Stan Lee dans les années 60 ont su renouveller totalement leur image dans le cadre du Marvel cinematic universe. |
Cliquer ici pour modifier. |
Cliquer ici pour modifier.
|
Le dernier film de Darren Arnofsky n'a pas plu au public. C'est un euphémisme quand on examine sa note moyenne à la sortie des salles. C'est une contre-vérité quand on regarde plu en détail l'avis des cinéphiles.
|
Cliquer ici pour modifier.
|