
![]() La libération sexuelle de la fin des années 60 a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 60 avant un reflux conservateur qui a fait de la période 1972-1975 un laboratoire de l'expression des préférences un peu particulier. Zoom sur la décrue à partir de 1976. Le gouvernement de droite de Valéry Giscard d'Estaing avait voulu libéraliser une France trop conservatrice. Le mouvement était devenu incontrôlable et les pressions venaient de tout côté. Dans sa propre majorité, le gouvernement voyait une contestation violente gronder du côté des plus conservateurs. Mais la gauche, dans l'opposition et relayée par sa presse, se montrait aussi très critique envers la politique "culturelle" de la majorité. La décision fut prise à l'été 1975 d'un nouveau texte plus dur et cela se traduisit par un texte intégrée à la loi de finance applicable au 1er janvier 1976. Le décret du 31 octobre 1975 obligea les films pornographiques à être exploités dans des salles spécialisées touchées, à ne plus pouvoir bénéficier du dispositif de soutien financier géré par le CNC et à se voir taxer d'une TVA majorée et d'une taxe spécifique. Les films étrangers avaient une taxation forfaitaire de 300.000€ qui créa paradoxalement une politique protectionniste qui protégea la production X française. Celle-ci représenta 82% de la fréquentation au 1er trimestre 1977 (12% pour les USA). Le cinéma français traditionnel n'était pas aussi bien protégé. Il fallut donc distinguer l'érotisme assimilable au cinéma traditionnel de la pornographie qui relèverait de l'obscène. On s'appuya donc sur la distinction qu'en avaient fait les docteurs Eberhard et Phyllis Kronhausen, les futurs réalisateurs de La foire aux sexes, dans leur livre Pornography and the law (1969) : le réalisme érotique explore la sexualité ; l'obscénité se contente de l'exploiter.
![]() La libération sexuelle de la fin des années 60 a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 60 avant un reflux conservateur qui a fait de la période 1972-1975 un laboratoire de l'expression des préférences un peu particulier. Zoom sur le pic de 1975. En 1974, Emmanuelle avait ouvert la voix pour attirer le grand public vers un érotisme bon chic bon genre qui s'assume dans des limites raisonnables. Il est suivi quelques semaines après des Contes Immoraux de Walerian Borowczyk et des Mille et une nuits de Pier Paolo Pasolini (1,1 M de spectateurs France chacun). Mais le public en voulait plus : "quand il n'y a plus de limite ...". Et une partie de ce public allait assumer ce désir sans concession. Par capillarité avec le succès accepté des films érotiques, les films pornographiques ont vu aussi leur audience progresser dès 1974. Dans le top 15 hebdo, la présence d'un film X ou assimilables est devenue courante. En 1974, les plus gros succès du genre sont Les impures - Anita (142.000 spectateurs parisiens - il faut multiplier par trois pour avoir le score France), Les charnelles (135.000), Les couples du bois de Boulogne (121.000) et Chaleurs danoises. En tout sur l'année, sur 120 films à caractère pornographique sortis en 1974, la production française en représente 40% et le reste est dominé par des films européens.
Aucun d'eux de rentre dans les sept premières places du top hebdomadaire. Pourtant au cours de l'été 1974, c'est le triomphe d'Emmanuelle et de son érotisme grand public qui change l'image du film à caractère sexuel. Le porno en profite. ![]()
La libération sexuelle a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 70, en en faisant un laboratoire un peu particulier de l'expression des préférences. Zoom sur l'année charnière 1974 marquée par un succès sans nul autre pareil.
Le succès des premiers films sexy fut tel que de nombreux producteurs furent tenter de reprendre la recette. On vit donc déferler une vague impressionnante de films pornographiques dans des salles spécialisées. Parallèlement, pour toucher le grand public encore réticent dans des pays majoritairement conservateurs (Nixon aux USA, Edward Heart en Angleterre et Pompidou en France), il fallait en 1973 une production moins hardcore.
Ainsi, sorti du Ghetto, l’érotisme pouvait prospérer. Les producteurs ont multiplié les films soit dédiés à une démarche érotique, soit dans des genres traditionnels mais en y incluant une liberté nouvelle de montrer le sexe. Les spectateurs de leur côté voyaient s'offrir à eux un cinéma nouveau et stimulant.
La part des films sexy est difficile à évaluer car il n'existait de distinction faite pour distinguer érotisme et obscénité. Une analyse faite en 1975 par le CNC à la demande des pouvoirs publics permit de mesurer la situation. Il s'agissait essentiellement de mesurer globalement son évolution car la méthode restait rudimentaire : se baser sur le caractère évocateur du titre des films. Ainsi, le nombre de film susceptibles d'être pornographique serait passé de 215 en 1968 à 672 en 1974. Mais le public avait aussi fortement augmenté en triplant de 8,4 à 24 millions de spectateurs intéressés. Le succès d'Emmanuelle à l'été 1974 contribua fortement à ce phénomène.
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La libération sexuelle a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 70, en en faisant un laboratoire un peu particulier de l'expression des préférences. Zoom sur les débuts d'un phénomène qui toucha d'abord le cinéma Z et d'auteur.
Le cinéma traduit les évolutions de société. On peut avoir l'impression qu'il les anticipe mais en fait, il se contente de les amplifier. La parenthèse du cinéma érotique dominant de 1975 traduit un mouvement engagé bien auparavant. Dix ans plus tôt en fait. Le milieu des années 60 porte les prémisses de la révolution des mœurs de 68 : la première mode des mini-jupes, la pilule contraceptive et le top-less sur les plages datent de cette époque.
Compte tenu que le sexe cessait d'être un tabou, la question de sa représentation à l'écran prenait une nouvelle dimension. La pornographie en image animée n'était pas nouvelle : on dénombre quelques vues de ce type dès 1907, mais leur diffusion, clandestine, n'avait rien de publique [1]. La suède fut la première à autoriser de montrer des images sexuelles au cinéma, d'abord sous couvert d'un aspect pédagogique (Je suis curieuse en 1967) alors que l'Allemagne connut deux très gros succès avec les moins explicites, mais pseudo-pédagogiques Helga, de la vie intime d'une jeune fille et sa suite Helga et Michael (4,1 et 1,7 M de spectateurs français). Le Danemark, puis les Pays-Bas, abolissent la censure en 1969. Les comédies érotiques devenaient courantes, donnant ainsi une certaine distanciation à la présentation du sexe à l'écran. Jean-François Davy fut l'un des premiers en France à se donner un brin d'ambition dans le domaine. ![]() 50 nuances de Grey a été l'un de gros succès en salles de l'année (4 millions d'entrées en France) et la vidéo/vod disponible depuis mi-juin devrait lui réussir également, malgré de mauvaises critiques et surtout des avis du public peu enthousiastes. Les récentes mésaventures de Love de Gaspar Noé avec le processus de certification montrent que rien n'est simple avec le nu. Retour sur un genre qui disparait pour mieux renaitre périodiquement dans de nouveaux contextes. En 1975, les films érotiques et pornographiques (on ne faisait pas encore légalement la différence) ont représenté jusqu'à 20% de la fréquentation dans Paris intra-muros et environ 15% en France [1]. Les films érotiques / pornographiques ont même constitué la moitié des films diffusés. Quatre films avec scènes de sexe non simulées dépassèrent même le seuil du million de spectateurs entre 1973 et 1975 en France, se classant dans les 30 plus gros succès annuels, avant que la loi du 31 octobre 1975 ne mette un terme à cette tendance, avec la création de la catégorie des films X frappés d'une taxe spéciale et d'une obligation d'être diffusés dans un circuit d'exploitation spécifique. Le genre survivra correctement encore quelques années dans une exploitation de ghetto (encore 13% des entrées Paris-ville en 1981) mais il disparaîtra avec l'essor de la cassette vidéo VHS. La dernière salle parisienne, le Beverley (75002), fait encore de la résistance. Mais pour combien de temps ? [Mise à jour 11/11/17 : Le Beverley a annoncé sa fermeture en décembre 2017 ou janvier 2018] Les films érotiques ont également pratiquement disparu des salles. Pourtant chaque décennie apporte son succès qui rappelle que la nudité sait toujours attirer l'attention du public :de 9 semaines 1/2 (1985) dans les années 80 à 50 nuances de Grey (2015) récemment en passant par l'Amant (1992) ou Eyes wide shut (1999).
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Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital dans une grande banque française.
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