Certains cinéastes respectablent s'engagent d'ailleurs dans la réalisation de films pornographiques. Serge Korber, réalisateurs de comédies avec Louis de Funès (L'homme-orchestre et Sur un arbre perché) tourne pendant trois ans sous le nom de John Thomas. Claude Bernard-Aubert, réalisateur de Le facteur s'en va-t-en guerre avec Charles Aznavour et L'affaire Dominici avec Jean Gabin, devient une référence du genre sous le pseudonyme de Burd Tranbaree jusqu'en 1983. On peut citer aussi Vecchiali et Gainville.
La libération sexuelle de la fin des années 60 a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 60 avant un reflux conservateur qui a fait de la période 1972-1975 un laboratoire de l'expression des préférences un peu particulier. Zoom sur la décrue à partir de 1976. Le gouvernement de droite de Valéry Giscard d'Estaing avait voulu libéraliser une France trop conservatrice. Le mouvement était devenu incontrôlable et les pressions venaient de tout côté. Dans sa propre majorité, le gouvernement voyait une contestation violente gronder du côté des plus conservateurs. Mais la gauche, dans l'opposition et relayée par sa presse, se montrait aussi très critique envers la politique "culturelle" de la majorité. La décision fut prise à l'été 1975 d'un nouveau texte plus dur et cela se traduisit par un texte intégrée à la loi de finance applicable au 1er janvier 1976. Le décret du 31 octobre 1975 obligea les films pornographiques à être exploités dans des salles spécialisées touchées, à ne plus pouvoir bénéficier du dispositif de soutien financier géré par le CNC et à se voir taxer d'une TVA majorée et d'une taxe spécifique. Les films étrangers avaient une taxation forfaitaire de 300.000€ qui créa paradoxalement une politique protectionniste qui protégea la production X française. Celle-ci représenta 82% de la fréquentation au 1er trimestre 1977 (12% pour les USA). Le cinéma français traditionnel n'était pas aussi bien protégé. Il fallut donc distinguer l'érotisme assimilable au cinéma traditionnel de la pornographie qui relèverait de l'obscène. On s'appuya donc sur la distinction qu'en avaient fait les docteurs Eberhard et Phyllis Kronhausen, les futurs réalisateurs de La foire aux sexes, dans leur livre Pornography and the law (1969) : le réalisme érotique explore la sexualité ; l'obscénité se contente de l'exploiter. La distinction ne fut donc pas aisée et la première victime de ce nouveau flou juridique s'avéra un film non pornographique, mais au combien symbolique : la suite d'Emmanuelle réalisée par Francis Giacobetti. La sanction tomba sur les producteurs d'Emmanuelle l'anti-vierge (le titre du roman adapté) le 6 janvier 1976 avec un avis du Ministère de la culture de classer le film X alors qu'il n'était classé seulement en interdiction aux mineurs selon l'avis de la Commission de contrôle des films donné initialement le 24 décembre précédent (par un vote de 15 contre 5). La campagne de presse venait d'être engagée pour une sortie au 14 janvier 1976 et le producteur décida alors de suspendre la sortie en France pour éviter une sortie limitée aux salles spécialisées qui condamne le film à des recettes bien moindre : toucher le grand public devenait à nouveau impossible. Le producteur avait pourtant accepté certaines conditions dès le lancement du tournage avec un engagement de ne pas sortir le film au Publicis Champs-Elysées (!), que le film soit retitré Emmanuel 2, que le film ne sorte pas en province avant la fin du mois de janvier. Après une coupe de 2 minutes et une commission de contrôle des films qui soutenait l'interdiction aux mineurs par un vote de 12 contre 2, le Secrétaire d'Etat à la culture confirma sa décision de classer le film X. Le producteur attaqua la décision devant le Tribunal administratif et gagna en 1977 le droit de sortir le film dans le circuit traditionnel. Emmanuel 2 fut exploitée en salles à partir du 25 janvier 1978, deux ans après le Japon, et il attira 2,2 M de spectateurs, ce qui reste très honorable, mais en deça de Histoire d'O, film de Just Jeackin qu'il réalisa juste après le premier Emmanuelle. La fréquentation des films labellisés X chuta affectée par l’image immorale qui toucha ces salles. Le "porno" qui représentait un cinquième des entrées en 1975 tomba à 5,9% en 1976 et au premier trimestre 1977. Cela est à mettre en relation avec un parc de 158 salles spécialisées représentant seulement 3,8% du parc total de salles. Cela veut dire que la fréquentation moyenne des salles X était plus haute que les autres, leur permettant de compenser les taxes supérieures. Mais l'audience se répartit sur un nombre toujours importants de production : 177 films X, essentiellement français, sortent sur les écrans en 1977 (pour 466 films classiques). Certains cinéastes respectablent s'engagent d'ailleurs dans la réalisation de films pornographiques. Serge Korber, réalisateurs de comédies avec Louis de Funès (L'homme-orchestre et Sur un arbre perché) tourne pendant trois ans sous le nom de John Thomas. Claude Bernard-Aubert, réalisateur de Le facteur s'en va-t-en guerre avec Charles Aznavour et L'affaire Dominici avec Jean Gabin, devient une référence du genre sous le pseudonyme de Burd Tranbaree jusqu'en 1983. On peut citer aussi Vecchiali et Gainville. Le cinéma pornographique parvint à se maintenir à ce niveau de 4 à 5% encore quelques années et finit dans la seconde moitié des années 80 par abdiquer à l'apparition de la vidéo. Les films érotiques échappaient à ce système. David Hamilton, et ses flous artistiques, montra que le grand public était encore demandeur : Bilittis, puis Tendres cousines furent vus chacun par plus de 1,4 M de spectateurs. Ces films bénéficièrent tout d’abord d’un effet d’éviction de par la disparition des films X, puis furent affectés par adhérence thématique à ce mouvement moral conservateur. La loi marque donc une rupture en replaçant les films X dans un ghetto et en marquant un mouvement sociologique conservateur en rupture avec la dynamique en cours depuis la fin des années 60. Mais le "porno" n'avit pas disparu pour autant et le sexe (hétérosexuel) suggéré était désormais de moins en moins censuré. La publicité allait à son tour en abuser, mais dans des limites qui cherchaient à délimité érotisme suggéré et obscénité montrée. Un restait une salle pour les films pornographiques en France. Situé près du Grand Rex, Elle projetait encore des films en format pellicule grâce à Maurice Laroche qui y aura travaillé 34 ans. Il a fermé en janvier dernier. Pas sûr que chacun perçoive la portée de ce symbole. |
Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
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