Steven Soderbergh a proposé avec son apps interactive une nouvelle expérience de fiction en jouant sur les points de vue. Mais la plupart des spectateur n'auront droit qu'à un remontage sous forme d'une série qui cache son héritage interactif et trahit son ambition initiale. A consommer de préférence en connaissant l'origine du projet et en s'accrochant un peu au début. Steven Soderbergh est revenu au cinéma après quatre ans d'absence sur le grand écran. Une absence qui n'a rien à voir avec un congé sabbatique. Le plus jeune réalisateur palmé à Cannes est au contraire connu pour sa suractivité : pendant cette période, il a tourné entre autre un téléfilm (Ma vie avec Liberace), réalisé deux saisons complètes du superbe The Knick et préparé un ovni audio-visuel : Mosaïc [1]. Même si le budget de 20 M$ de cet ovni relève de la grosse production télévisée, on est formellement plus proche de l'esprit frondeur et expérimental de Schizopolis, Bubble et Girlfriend experience. Mosaïc n'est pas un film, ni une série, mais une offre expérientielle fondée sur l'interaction avec le spectateur pour choisir son angle narratif. Ce n'est pas non plus le spectateur qui choisit l'histoire : elle reste toujours la même, mais il peut choisir le personnage qu'il souhaite suivre. Dans cette enquête policière, tout est fait pour créer de fausses pistes à la façon d'un bon thriller. Steven Soderbergh reste un conteur et ne délègue à son spectateur qu'une fonction de son rôle de réalisateur : le choix de l'axe narratif.
L'image de synthèse est devenue depuis 30 ans maintenant une composante à la disposition des réalisateurs. Elle permet aux créateurs de proposer les images qu'ils ont en tête avec la possibilité d'ajuster en post-production. Ca change la façon même de concevoir tournages et décors.
Quelques vidéos pour visualiser des images de synthèse d'aujourd'hui dans des usages variés.
L'usage des images de synthèse date des années 70 où on les utilisait pour simuler une image numérique dans les films de science fiction. C'est ainsi que dans Mondwest (1973), les images subjectives de ce que voit le robot sont ainsi pixélisées. Dans sa suite, Les rescapés du futur, l'image de synthèse passe de la 2D à la 3D avec le visage scanné de Peter Fonda apparaissant sur un écran. Et bien sûr, dans Star Wars Un nouvel espoir (1977), c'est grâce à une image de synthèse également que Luke peut suivre son tir dans le circuit d'aération de l'étoile de la mort.
Mais c'est dans Tron (1982) que l'on a une partie entière du film - un quart d'heure - qui y a recours. Là encore, ce n'est pas pour simuler la réalité, mais pour projeter le héros dans un jeu vidéo.
Deux ans plus tard, on a enfin la première image de synthèse qui cherche à représenter une image photo-réaliste avecThe last starfighter (1984) et ses vaisseaux spatiaux, puis 2010 et sa planète Jupiter. Et en 1986, ILM va être l'auteur de la première image photo-réaliste d'un personnage animé dans Le secret de la pyramide où un vitrail prend vie pour attaquer un jeune Sherlock Holmes. C'est toujours ILM qui réussit peu après le premier Morphing dans Willow (1988).
Après le parlant, la couleur et le relief, le cinéma cherche toujours à créer le plus d’immersion possible. La réalité virtuelle s'intègre parfaitement dans cette trajectoire. De la science-fiction, nous sommes déjà en train de nous y plonger. Reste à confirmer.
Qu'on s'imagine en train de regarder le prochain Star wars immergé totalement sur Tatooine ou au bord du Faucon Millenium. On peut tourner la tête tranquilement pour suivre une dispute entre Rey et Poe Dameron. Aucun rappel des limites de l'écran de projection, aucune gène de la tête du spectateur de devant et encore moins d'énervement à sentir la lumière verte du panneau "sortie" au dessus d'une porte dérobée. Que le plaisir de suivre les plans toujours centrés par le réalisateurs mais avec cette liberté d'être enfin vraiment ce fameux témoin invisible que veut nous faire croire que nous sommes le cinéma depuis 120 ans.
C'est déjà presque une réalité pour ceux qui ont pu mettre sur leur tête ces casques qui font le bonheur des geek depuis un an. Mais il s'agit souvent de démonstration de visites virtuelles ou de petits films faits à la va-vite par des techniciens en apprentissage de cette nouvelle grammaire visuelle qui rappelle dans leur démarche les opérateurs du cinématographe des frères Lumière.
LoVR from Aaron Bradbury on Vimeo.
On voit néanmoins apparaître des premiers films plus ambitieux à l'image de Sonar qui permet de voyager dans l'espace à bord d'un drome ou Lovr, cette approche expérimentale d'une rencontre amoureuse suivie sur une ligne du temps reproduisant l'activité neurologique de "elle" et "lui" (à voir ci-dessous, mais c'est fait pour se balader visuellement.dedans). Il existe aussi la possibilité de voir le spectacle musical du Roi Lion au milieu de la scène avec les danseurs/chanteurs à ses côtés.
Le cinéma évolue avec les nouveaux usages du numérique. C'est aussi une évolution du voir ensemble qui est à la base de ce loisir de masse. Une péripétie récente et involontaire avec le créateur de Facebook nous a donné un avant-gout de ce futur. Dans le film Matrix, on montre les humains déshumanisés, perdant la perception du monde réel en étant absorbés par la Matrice qui leur offre une réalité virtuelle alternative.
C'est un peu, involontairement, la démonstration de Samsung. Le fabricant coréen a voulu faire hier la preuve de son savoir-faire auprès de centaines de journalistes qui ont goûté à une vidéo en réalité virtuelle de leur dernier produit sans voir qu'à côté d'eux marchait vers la scène le créateur de Facebook, une icône pour les Geeks. Au grand désespoir de Samsung, l’événement a éclipsé leur produit et donné des arguments à ceux qui annoncent les risques de la réalité virtuelle. La passivité des spectateurs pendant son apparition a tranché avec l'animation qui a agité les participants quand ils ont compris la surprise qu'on leur avait préparée. |
Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
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