Il y a deux systèmes pour juger de sa satisfaction. Le premier est fondé sur des attentes et la constatation d'un plaisir moins ou plus grand qu'attendu. C'est ce qu'on appelle la disconfirmation des attentes. Le deuxième, qui s'est largement développé depuis 20 ans, se base sur le concept de divergence par rapport au schéma. Cette notion de schéma est empruntée au concept développé par les cogniticiens dès les années 30 pour expliquer le fonctionnement de la mémoire et les réactions par rapport aux souvenirs. Frederic Bartlett (1932), qui est à l’origine de ce mouvement, la définissait comme « une organisation active des réactions et expériences passées, qui est supposée être opérationnelle par l’organisme si besoin ». Ils sont essentiels pour mémoriser et traiter une information. La divergence par rapport au schéma relève de la surprise. Dans le cas d'Interstellar que j'ai revu, il est clair que la surprise était minime dans la mesure où j'avais déjà vu le film et que je m'en souvenais bien.
Il est parfois intéressant de s'interroger sur soi-même comme spectateur. Finalement on ne connait que soi et son propre comportement est révélateur d'au moins une expérience spectatorielle. Récemment, je me suis surpris à vouloir revoir absolument Interstellar avec mes enfants qui ne l'avaient pas vu : "Attendez-moi pour le regarder celui-là!". Pourtant à sa sortie au cinéma, j'étais allé le voir dans une belle salle Imax, ce qui est adapté pour ce film qui est projeté dans ce format (plus carré en 1:44) lors des scènes dans l'espace et en 16/9 allongé (en 1:90) pour les scènes d'intérieur ou sur terre. C'était seulement quatre mois plus tôt. Quatre mois pour revoir le même film quand il y a tant d'autres à voir pour la première fois, est-ce bien rationnel ?
Il y a deux systèmes pour juger de sa satisfaction. Le premier est fondé sur des attentes et la constatation d'un plaisir moins ou plus grand qu'attendu. C'est ce qu'on appelle la disconfirmation des attentes. Le deuxième, qui s'est largement développé depuis 20 ans, se base sur le concept de divergence par rapport au schéma. Cette notion de schéma est empruntée au concept développé par les cogniticiens dès les années 30 pour expliquer le fonctionnement de la mémoire et les réactions par rapport aux souvenirs. Frederic Bartlett (1932), qui est à l’origine de ce mouvement, la définissait comme « une organisation active des réactions et expériences passées, qui est supposée être opérationnelle par l’organisme si besoin ». Ils sont essentiels pour mémoriser et traiter une information. La divergence par rapport au schéma relève de la surprise. Dans le cas d'Interstellar que j'ai revu, il est clair que la surprise était minime dans la mesure où j'avais déjà vu le film et que je m'en souvenais bien. A travers un extrait du film de Steven Spielberg traité en ou hors situation, retour sur l'application de la semio-pragmatique, une théorie qui explique comment le spectateur émet et teste des hypothèses selon le contexte et sa propre expérience.,
Dans une salle, devant le même écran pourtant, il est indéniable que nous ne voyons pas tous le même film. D'abord parce que nous ne regardons pas les mêmes détails et ensuite parce que nous ne associons pas les images entre elles de la mêmes façon et enfin parce que les idées ainsi générés évoquent des concepts différentes. Face à la diversité des points de vue sur un film, esthéticiens et sociologues opposent leur conception. Pour les premiers, les qualités d’un objet artistique exigent un « décodeur » culturel spécifique que tous n’ont pu acquérir par leur expérience. Pour les sociologues, il y a une multitude de décodeurs disponibles qui sont autant de réglages particuliers pour voir un film différent. Parmi les premiers, on trouve les objectivistes et esthéticiens qui défendent une sorte d’immanence de ce qui a de la valeur. Parmi les deuxièmes, les subjectivistes et autres relativistes qui affirment que tout se vaut a priori et qu’il y a valeur à partir du moment où quelque chose plait à quelqu’un [1]. D’un point de vue purement théorique, il nous semble important de distinguer ici signification et sens pour parvenir à concilier les deux logiques. La signification est la valeur sémantique d'une phrase décodée de manière littérale (ou linguistique) ; le sens est la valeur sémantique d'un énoncé dans un contexte, avec un locuteur et un allocutaire (approche sémantique). La signification part du texte alors que la seconde n’est possible que contextualisé par le récepteur (approche pragmatique). Les deux approches ne se situent donc pas au même niveau d’analyse, mais ne traiter que l’une est faire peu de cas d’une réalité qui amène au cinéma le film et le spectateur à chercher un compromis pour comprendre et donner du sens au film. Sol Worth (1978) est l’un des premiers à avoir fait la synthèse de ces deux conceptions. Pour lui, le sens est donné par le spectateur qui agit sous l’influence de contraintes externes induites par le film dans son environnement communicationnel : le spectateur n’est pas indépendant pour appliquer une signification au film. Nous le suivons volontiers dans ce sens. Par la suite, Roger Odin poursuivra cette analyse qu’il qualifie lui-même de semio-pragmatique et montre l’importance du contexte de la projection dans la production de sens. |
Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital dans une grande banque française.
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