Les distributeurs savent que le spectateur se déplace s'il est confiant dans une qualité élevée. La qualité attendue active son intention de voir un film et le rapport entre les risques de déception et les bénéfices attendus stimule son comportement à transformer un désir en action. Une critique positive est donc un atout tant pour jouer sur l'évaluation a priori que sur la légitimité du film, et donc indirectement les bénéfices attendus. Cela fonctionne surtout quand le critique est crédible (ce qui est moins le cas pour les films grand public) et lorsque l'effet de légitimité fonctionne (également peu pertinent pour les blockbusters).
Une affiche est faite pour donner envie et ce n'est pas si évident. Surtout quand une vingtaine de films sont en concurrence chaque semaine. C'est pour ça que la promotion utilise souvent des citations de journalistes qui ont aimé le film pour tenter de convaincre les spectateurs. Ces critiques sont toujours élogieuses ? Cela s'avère parfois plus compliqué que ça, entre ironie, mauvaise foi et créativité. Les distributeurs savent que le spectateur se déplace s'il est confiant dans une qualité élevée. La qualité attendue active son intention de voir un film et le rapport entre les risques de déception et les bénéfices attendus stimule son comportement à transformer un désir en action. Une critique positive est donc un atout tant pour jouer sur l'évaluation a priori que sur la légitimité du film, et donc indirectement les bénéfices attendus. Cela fonctionne surtout quand le critique est crédible (ce qui est moins le cas pour les films grand public) et lorsque l'effet de légitimité fonctionne (également peu pertinent pour les blockbusters). Néanmoins une critique positive fait rarement du mal et les distributeurs n'hésitent donc pas à les mettre en avant. Il est intéressant de se pencher sur le cas des films qui ont utilisé des critiques négatives. Plusieurs cas peuvent être observés et la plupart d'entre eux sont surprenants :
Il y a quelques mois, sortait le James Bond le plus long de la franchise. Rebelote cette semaine avec Creed, lui-aussi le plus long de la série des Rocky(s) avec 2h13. Une tendance de fond car la durée des films est depuis longtemps une variable en lien avec l´histoire du cinéma. Quelle est la bonne durée d'un film ? Difficile de ne pas trouver cette question inutile lorsque l'on constate que l'histoire du cinéma encense aussi bien les 1h15 du Pickpocket de Robert Bresson que les 5h13 du Napoléon d'Abel Gance. Pourtant la durée d'un film ne s'impose pas d'elle-même et provient d'une volonté du réalisateur. Sergio Leone, comme d'autres (Manuel De Oliveira...), a montré qu'on pouvait dilater le temps lors de ses fameux duels. Chris Marker raconte à la fois une histoire d'amour et une histoire de voyage dans le temps avec quelques images fixes dans les 28 minutes de La Jetée. La durée est aussi un sujet de controverse entre une vision artistique d'un réalisateur qui veut raconter son histoire à sa façon et un producteur soucieux de ne pas effrayer les potentiels spectateurs et assurer au moins quatre séances par jour aux exploitants. Pour Le Loup de Wall Street, Martin Scorcese s'était engagé vis-à-vis du studio à livrer un film de moins de trois heures : le film ne dure que 2h59 dans sa version cinéma (mais il existe une version allongée de 4h pour le marché de la vidéo). Il n'y a donc pas de règle. Et pourtant on constate de vraies tendances lorsqu'on examine l'évolution des durées dans le temps. Ainsi depuis quarante ans, le grand public observe que les films durent plus longtemps. C'est un phénomène a priori difficile à mesurer puisque la durée des films n'est évidemment pas homogène. Il faut d'avantage de temps pour présenter la saga d'Il était une fois en Amérique (3h49) que pour la rencontre racontée dans Notre histoire (1h50) pourtant sorti le même jour à Paris. Les comédies sont moins longues que les films historiques, mais ce n'est pas une règle immuable non plus (le drôle 3 idiots dure 2h50 contre 2h04 pour la biographie des premières années de la reine Elizabeth)
206 millions de spectateurs dans les salles françaises en 2015, soit une légère baisse de 1,4% sur 2014 mais tout de même au dessus de la moyenne-record des 10 dernières années (200 millions) selon les derniers chiffres du CNC. La part de marché des films français retombe à 35% après un pic à 44% l'an dernier. C'est quand même très honorable par rapport aux autres pays européens (27% pour l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne et seulement 15% en Angleterre).
En tout, 650 films sont sortis en 2015 en France. C'est évidemment beaucoup pour offrir à chacun sa chance de trouver son public. Mais comme l'avouent les observateurs avertis, c'est le prix à payer pour obtenir des films qui trouvent leur public ou qui apportent au cinéma. Car au fond, personne ne sait trop avant que le film ne soit projeté ce qu'il donnera. Il y a donc dans cette industrie du prototype (le sociologue parle de singularité), une volonté de produire beaucoup pour statistiquement proposer la pépite commerciale ou artistique qui fera la joie de son producteur ou des cinéphiles. Si on joue au jeu d'identifier les films gagnants pour cette année, on ne peut qu'être surpris d'y trouver en tête le dernier Mad Max Fury road. Cette suite avec Tom Hardy réalisée par un réalisateur australien de 70 ans ressemble à un remake de l'épisode 2 sorti en 1982, mais sa mise en scène nerveuse relève d'une grande modernité malgré le refus du tout numérique. Ce quatrième opus de Max le fou est en tête de nombreux tops de la presse et obtient une note moyenne de la presse française de 4,42 sur 5. Le film est nominé pour les Golden Globes (remis par la presse étrangères à Hollywood) et a reçu le titre de "Movie of the year" 2015 par l'AFI. Les cinéphiles l'ont aussi beaucoup apprécié puisqu'il se classe au 152ème rang d'IMDb avec une moyenne de 8,2 sur 10. Mais une partie du public a boudé, d'où une note à la sortie des salle un peu moins bonne (B+ au baromètre américain Cinemascore). Au global, le succès commercial est bien là, les recettes monde ayant atteint 375 M$ dont 152 M$ aux seuls Etats-unis. Pas un triomphe finalement, mais la perspective de voir une suite a été confirmée : The wasteland est annoncé pour 2017. La saga mesure l'évolution culturelle en 40 ans puisque le premier Mad max était un rejeton de la contre-culture des années 70 alors que le dernier opus réussit à symboliser le cinéma dominant d'aujourd'hui à son apogée. |
Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
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