Sincèrement, je ne crois pas qu'on puisse apporter un remède unique à ce problème de la fréquentation qui constitue néanmoins le problème crucial du cinéma. Personnellement je pense qu'il faudrait avant tout éliminer les mauvais films, mais c'est là une solution presque utopique. Ce qui l'est peut-être moins, c'est de supprimer les mauvais titres de films, les plus vulgaires qui font fuir le spectateur au lieu de l'attirer. Un réel effort pourrait être fait dans ce domaine, car un titre aimable, une façade attrayante, une affiche "accrocheuse" constituent des éléments de propagande qu'il ne faudrait jamais négliger. Et comme, d'autre part, le cadre dans lequel se déroule le spectacle cinématographique a également son importance, il ma parait indispensable de compenser par une mesure quelconque la suppression de la loi d'aide, car on ne ramènera jamais le spectateur dans des salles délabrées ou désuètes. De quelques façon que l'on procède, on en revient toujours à la loi d'aide, seul moyen efficace de soutenir l'industrie cinématographique.
Je crois d'autre part que si on revenait à une politique professionnelle plus cohérente, nous retrouvions un prestige, hélas compromis, et, à la faveur d'une atmosphère générale plus favorable, l'indice de fréquentation marquerait une hausse. Peut-être obtiendrions-nous ainsi un changement de politique de la Grande presse, particulièrement de la presse quotidienne, dont le rôle me parait essentiel. Il faut reconnaître qu'en général on n'y aperçoit pas le souci de donner au public le goût de voir les films. Je pense que des commentaires marqués de plus de bienveillance auraient sur la fréquentation des salles une influence certaine.
Reste, bien entendu, le problème des films. Je n'hésite pas à dire que la "Nouvelle vague" nous a porté un préjudice indiscutable. Il ne s'agit pas de supprimer toute recherche esthétique, mais bien plus d'orienter ces recherches de laboratoire dans un sens précis. Toute industrie a besoin de ces laboratoires où l'on essaie des formules nouvelles. Il ne me parait pas utile de le faire sur la place publique. Que ces films soient livrés à un public spécial capable de les apprécier, mais il convient d'éviter l'encombrement des écrans populaires par des œuvres qui ne peuvent que choquer ou indisposer. Accessoirement, je souhaite que la même différence soit observée dans les palmarès des festivals de cinéma qui ont tendance dernièrement à confondre le cinéma avec une notion abstraite des choses.
- la presse spécialisée, puis les festival avaient pris fait et cause pour ce nouveau cinéma qui dépoussiérait l'ancien ;
- les nouvelles stars se tournaient vers elle quand elles ne naissaient pas grâce à elle comme Jean-Paul Belmondo. Un vedette aussi populaire que Brigitte Bardot tournera même pour Godard dans Le Mépris en 1963.
Et ce constat sévère reste étonnant quand on se souvient que Pathé a sorti Les bonnes femmes de Claude Chabrol en 1960. En bon patron de studio, Adrien Remaugé défendait le cinéma tout simplement.
C'est à ce titre qu'on lui doit cette formule définitive qui opposait déjà deux visions du cinéma : "Louis Lumière, c'était le cinématographe, Charles Pathé, c'est le cinéma". Mais, ce qu'il ne percevait pas (ou au contraire il percevait trop bien), c'est qu'à cette époque, l'âge d'or du cinéma de Pathé été en train se s'éteindre, rattrapé par une nouvelle modernité cinématographique.