Il arrive parfois que le spectateur s'étonne de retrouver la même intrigue - ou presque - servir les scénarios de deux films qui sortent quasiment simultanément. C'est souvent étonnant, parfois logique ... Un phénomène qui prend de l'ampleur avec la mondialisation et l'augmentation du nombre de films produits.
En 2019, il y aura deux films pour évoquer l'assassinat de Sharon Tate, l'actrice et épouse de Roman Polanski : Il était une fois Hollywood de Quentin Tarantino et The hauting of Sharon Tate de Daniel Farrands. Pas un film de cinéma sur ce drame en un demi-siècle et voici deux films la même année produits aux Etats-Unis. Les traitements seront très différents mais la coïncidence est troublante.
Avec plus de 500.000 films produits depuis 120 ans, les scénaristes et réalisateurs ont montré leur capacité à créer des oeuvres originales. C'est loin d'être évident avec un object fictionnel qui doit suivre des schémas récurrents pour satisfaire les attentes des spectateurs et créer de la dramatique.
Ainsi la structure en trois actes est devenue la norme entre une présentation des personnages et du nœud de l'intrigue, puis un acte 2 centré sur la déclinaison de cette intrigue pour aller vers la résolution avec habituellement au moins un coup de théâtre qui relance la dynamique et enfin une dernière partie qui se concentre sur la résolution du problème du héros autour d'un climax.
Cela permet à quelques théoriciens de proposer des recettes pour écrire un "bon" scénario, de John Truby à Robert McKee. George Martin a même identifié les 20 intrigues types que l'on retrouve habituellement dans les structures narratives des films :
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| La sacrifice
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De même, il existe quelques dimensions finies pour décliner ces intrigues :
- le passé (l'histoire), le présent (films de société) et le futur (science-fiction)
- les lieux : ici ou ailleurs (l'exotisme ne payant que par sa rareté)
- les objectifs : émouvoir (drame), faire rire (comédie) , frissonner (thriller), émoustiller (érotique), apprendre (biopic)
Quand on rajoute que les producteurs aiment reproduire ce qui fonctionne, on ne s'étonne pas d'avoir vu la vague des films noir dans les années 1940, du western dans les années 1950, les films d'aventure avec la guerre en arrière-fond des années 60, les films érotiques dans les années 1970, les teen movies et space operas dans les années 1980, les fantaisies dans les années 2000 ou les films de super-héros dans les années 2010.
Faire un film sur un surhomme qui acquiert des super-pouvoirs dont il va apprendre à se servir pour combattre un ennemi du bien et résoudre son problème personnel relève aujourd'hui de l'exploitation d'un genre, et non d'un copiage ou remake d'un des 37 films sur les origines d'un super-héros sortis depuis 20 ans. De même, que voir deux films sur un shérif qui essaie de rétablir la loi dans un village de l'ouest dominé par un riche propriétaire véreux n'avait déjà rien d'original dans les années 50 où le western était roi.
On aura eu 4 versions de The Star is born en 80 ans : 1937 avec Janet Gaynor et Frederic March, 1954 avec Judy Garland et James Mason, 1976 avec Barbra Streisand et Kris Kristoferson et 2018 avec Lady Gaga et Bradley Cooper. L'histoire est toujours la même (même si on est passé du monde du cinéma à celui de la musique entre 1954 et 1976) avec une actualisation du monde du show-business qui montre que les fondamentaux n'ont pas vraiment changé. Mais à y regarder de plus près, on constate que cette même histoire du croisement d'une ancienne vedette et d'une star en devenir aura transpiré dans bien d'autres films : Les ensorcelés, Chantons sous la pluie, Funny girl, New-York New-York et bien sûr The artist. Et déjà avant la première version de 1937, il y eu un film sur le même modèle sorti à peine cinq ans avant : What price Hollywood de George Cukor (le réalisateur de la version de 1957 de A star is born !).
Les films - qui marchent - inspirent les films. Et les producteurs sont souvent à la recherche d'une bonne histoire qui limite les risques. D'où leur tentation de se tourner vers des livres qui ont déjà fait leurs preuves. Mais lorsqu'un scénario original à tourner circule dans la Profession, il donne l'impression aux producteurs qui hésitaient sur une intrigue comparable qu'il va se faire doubler et son hésitation se transforme parfois en motivation à concrétiser rapidement son projet.
Il arrive souvent que des scénarios mettent des années à devenir des films. Même Sergio Leone travailla près de 20 ans sur un film sur le siège de Leningrad (avant de mourir), laissant l'opportunité à d'autres de s'intéresser au même sujet. Ainsi, pendant les 28 ans d'intérêt de Terry Gilliam pour Don Quichotte, il y aura eu six films adaptés du roman de Cervantes.
En approchant une même idée avec les mêmes recettes, on arrive parfois à des films comparables. Surtout quand les réalisateurs sortent d'écoles de cinéma qui proposent des cours citant les mêmes références de l'histoire du cinéma. La culture se mondialise encore avec la diffusion internationale des films qui amène les auteurs à voir les mêmes oeuvres. Entre Coincidence et hommage, les limitent sont parfois tenues. La Justice a dû trancher le cas de l'américain Running man et du français Le prix du danger, deux films adaptés de deux romans différents sortis en librairie tous les deux avant le film le plus ancien. Running man est l'adaptation d'un roman de Stephen King - publié sous le pseudonyme de Richard Bachman - paru en 1982 alors que le Prix du danger (1983) est l'adaptation d'une nouvelle d'une vingtaine de pages de Robert Sheckley publiée en 1958 transformée en un scénario de plus de 100 pages. Après une longue procédure, les similitudes amenèrent la Justice française à trancher pour la thèse du plagiat.
Mais on est parfois clairement loin de la coïncidence. Quand un blockbuster promis à une promotion massive est mis en chantier, il faudra un peu de temps jusqu'à son exposition en salles. Quelques producteurs de séries B ou Z en profitent pour lancer un ersatz à sortir un peu avant en salles et surtout à pouvoir mettre dans les linéaires des vendeurs de vidéos pour tromper le public ou tout simplement lui permettre de prolonger son plaisir du genre. On peut citer Carnosaur produit par Roger Corman qui précéda Jurassic Park. ou G-War, la guerre des géants (Jack the giant slayer en vo) qui précéda Jack le chasseur de géants (Jack the giant killer en vo). La reine des Neiges eu ainsi le droit aussi à la sortie d'une version russe annoncée simultanément à la version de Disney : le dessin animé russe fut "opportunément" distribué en vidéo en France au moment de la sortie du film américain en salles. Pire, le film The legend of Sarilla fut renommé Frozen land to cash en Angleterre lorsque sortit La Reine des neiges de Disney (Frozen dans version originale). Cette pratique est ancienne. Dès les années 50, où les séries B se multiplièrent, on trouvait des versions "parasites" : par exemple, l'étrange créature du lac noir eu droit à un The monster of Piedras Blancas. Ces copies s'appellent des Mockbusters. Les sociétés GoodTimes Entertainment et The Asylum furent même spécialisées des Mockbusters : la première avec des versions inspirées des films d'animation créés par Disney ou Dreamworks et la seconde des blockbusters des grands studios (Sherlock Holmes, The Hobbit, La guerre des mondes, Transformers, Le Jour où la Terre s'arrêta).
Mais il arrive souvent qu'une bonne histoires inspire au même moment deux auteurs. La mise en production du premier film amène alors la société de production à arrêter ou au contraire à accélérer sa fabrication pour ne pas arriver après. C'est ainsi qu'il y a 18 mois, on peut voir à la fois deux films sur Churchill (Churchill et Les heures sombres) et deux films sur l'opération Dynamo (Dunkerque et ... Les heures sombres !). En 2016, les amateurs de blockbusters purent voir à la fois Marvel et DC Comics construire leur plus gros film de l'année autour de la même histoire : la lutte interne des super-héros entre eux entre les légalistes et les frondeurs : Captain America- Civil war et Batman vs Superman. Pas de plagiat puisqu'il existait déjà une bande dessinée pour chaque écurie Marvel/DC Comics avec cette histoire. Plus récemment et plus proche de nous, on a vu deux films européens sur une équipe de losers tenter leur chance dans la natation synchronisée : Le grand bain et Swimming with men. Les deux films, français et anglais, sont inspirés de la même histoire réelle du club des Stockholm Art Swim Gents. Des faits divers inspirant les auteurs se trouvent de plus en plus souvent à l'origine de scénarios. L'affaire Roman - de ce père qui avait tué toute sa famille pour éviter qu'elle ne découvre ses mensonges sur son licenciement - a inspiré la même année L'adversaire et L'emploi du temps. Deux traitements différents d'une même histoire. Il avait fallu 9 ans entre les événements tragiques et la sortie des deux films. Parfois ça va beaucoup plus vite. Ainsi à peine quelques heures après le sauvetage de 12 enfants en Thaïlande bloqués pendant 17 jours qu'un film était déjà annoncé et quelques mois après, un autre film rentrait en tournage.
Une raison à la multiplication des copicat movies provient de la méthode de fabrication des films. Un scénariste doit envoyer son histoire à de nombreuses maisons de production avant de trouver celle qui le produira. Et il arrive que certaines gardent l'idée sans acheter le scénario : parfois sans trop sans rendre compte car les idées circulent sans que les sources soient si bien définies que ça, mais parfois de façon volontaire (c'est le cas d'Armageddon qui est inspiré de l'intrigue de Deep impact).
Et cette situation d'auteurs ayant des inspirations similaires est loin d'être si rare comme le montre la longue liste suivante.
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