On aimerait bien parfois que la réalité soit plus belle que la fiction ou se battre pour gagner contre les moulins à vent. Terry Gilliam reste un rêveur qui maintient ce fantasme depuis quarante ans dans ses films. Il aura passer la moitié de cette période à nous proposer sa version de Don Quichotte. L'histoire est belle. Presque trop belle.
Qu'on aurait voulu que l'histoire se termine avec une happy end de cinéma ! On en venait à rêver qu'on en ferait un jour un film à Hollywood. Il y a bien un film sur le tournage de Citizen Kane (RKO 281) et sur celui de Psychose (Hitchcock). Même les nanars Plan 9 form Outer Space et The Room ont eu le droit à un hommage distancé dans de jolies films avec respectivement Ed Wood de Tim Burton et The disaster Artist de James Franco.
Alors quand on revient sur la tumultueuse histoire de L'homme qui tua Don Quichotte, on se dit que la persévérance de Terry Gilliam à tourner son film et à le montrer à Cannes suffit à finir le film de son film. Il faudra alors cacher l'essentiel : l'avis du public et le dernier rebondissement judiciaire.
Rappelons que Don Quichotte de Cervantes prête à des interprétations diverses. Le roman décrit un personnage avec une vision du monde singulière qui part en croisade dans l'Espagne du 16ème siècle : on peut y voir la fatalité des désirs inassouvis ou la volonté de voir le monde tel qu'on le rêve plutôt que comme il est (ou l'inverse ?). En tout cas, ses thèmes se prêtent particulièrement à un artiste comme Terry Gilliam qui a toujours transformer la réalité tel qu'il voulait la fantasmer. C'est au centre de son prologue du Sens de La Vie (The Crimson permanent Assurance), de Brazil ou encore des Aventures du Baron de Munchausen. On ne s'étonne donc pas que le réalisateur américain (le "Yankee" des Monty Python) ait eu le coup de foudre pour adapter librement cette histoire de ce "généreux et idéaliste redresseur de torts".
Cette volonté ancienne occupe les ambitions artistiques du réalisateur à partir du début des années 90. Il lui faudra en tout presque 28 ans pour y parvenir et de nombreux projets avortés. Il prend conscience très vite de la difficulté d'adapter le roman et ce n'est que huit ans après avoir essayé de convaincre son premier producteur qu'il décide de se lancer dans son premier tournage. Il y aura sept tentatives.
- 1992 - 1994 : projet avec Nigel Hawthorne et Danny DeVito
- 1999-2000 : projet avec Jean Rochefort et Johnny Depp
- 2008-2010 : projet avec Robert Duvall et Ewan McGregor
- 2011-2012 : projet avec Robert Duvall et Owen Wilson
- 2014-2016 : projet avec John Hurt et Jack O'Connell
- 2016 : projet avec Michael Palin et Adam Driver
- 2017-2018 : concrétisation du projet avec Jonathan Pryce et Adam Driver
2000
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2018
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Pendant la même période, on aura vu sur les écrans six nouveaux films inspirés du roman de Cervantes. C'est cruel !
La première tentative est la plus connue car c'est la seule avortée qui est allée jusqu'au tournage. Et quel tournage ! Tellement épique que son making of a donné lieu à un documentaire sorti au cinéma : le célèbre Lost in la Mancha. D'un côté, les problèmes de santé de Jean Rochefort / Don Quichotte (infection puis double hernie de dos). De l'autre, des conditions de tournage de plus en plus difficile avec des avions perturbateurs et des pluies diluviennes détruisant les décors. A la fin, des retards qui contraignent les producteurs à annuler le film et à se retourner vers les assureurs et leurs avocats.
Enfin, en 2018, Terry Gilliam finit le tournage de L'homme Qui tua Don Quichotte. Jean Rochefort, décédé depuis, a laissé son rôle à Jonathan Pryce. Johnny Deep à Adam Driver. Le scénario a été aussi pas mal réécrit : d'un américain des temps modernes projeté dans l'Espagne du 16ème siècle, on passe à une histoire se déroulant intégralement aujourd'hui.
La sélection in extremis pour le Festival De Cannes conclurait l'histoire en apothéose, surtout que comme tout climax, il y aura eu un suspense jusqu'au bout pour savoir si la projection pourra se tenir. Le producteur de la version de 2016 considère avoir encore les droits sur le film que lui a cédé Terry Gilliam avant que celui reparte le produire ailleurs dans la version finalement tournée. Tout se joue devant le juge et in extremis, l'autorisation est donnée par le Tribunal de grande instance de Paris à quelques jours de la projection alors que le Festival est déjà commencé : ce n'est pas un jugement sur le fond mais un rejet en référé de bloquer le film. C'est un réalisateur heureux mais fatigué qui reçoit la nouvelle. Il viendra à Cannes pour l'évènement alors qu'il se remet d'un récent AVC arrivé comme un ultime rebondissement le mois précédent. Le film sort même dans les salles françaises le jour-même de la Cloture du Festival clôturant - presque - 30 années d'engagement de Terry Gilliam.
Happy end ? Non car l'histoire n'est pas finie. D'abord, est-ce que le film est bon. Bof disent en commun spectateurs et critiques. Avec une moyenne de 2,9 / 5 sur Allocine, rarement les journalistes cinéma auront été aussi sévères avec Terry Gilliam (seulement pour l'oublié Zero theorem). Imparfait et déséquilibré, le film ne parvient pas à mettre en cohérence toutes ces idées qui y foisonnent. Sa note IMDb est inférieur à celle de tous les films notés.
Le film sort même dans un tel quasi indifférence de la part du public qu'il y aura à peine 100.000 spectateurs français à aller le voir. Une misère presque insultante quand on sait qu'ils étaient 162.000 pour aller voir en 2003 le making of de la tentative de 2000, Lost In La Mancha. Pire, le note IMDb du documentaire ressort à 7,4 contre 6,6 pour L'homme qui tua Don Quichotte.
Enfin, l'affaire juridique entre Terry Gilliam et le producteur portugais Paulo Branco (Alfama Films) se poursuit. Dans les faits, Le producteur a toujours gagné notamment en première instance en mai 2017 ; il n'a juste pas réussi à arrêter le "passage en force" de tourner, diffuser à Cannes et sortir le film en salles. Il doit attendre le jugement de la Cour d'appel. Le jugement tombe le 15 juin 2018 et il donne une nouvelle fois raison à Paulo Branco : il a bien été floué dans ses droits de producteur lorsque Terry Gilliam a mis fin à leur contrat unilatéralement et il devra toucher des dommages et intérêts. L'affaire ira surement en Cassation. Amazon avait bien vu les choses en se retirant de la distribution du film aux Etats-Unis. Peu probable désormais qu'un distributeur se risque à le distribuer dans le monde. Et s'il était beau joueur, Paulo Branco pourrait se réjouir justement de n'avoir pas financer pour 16 M$ un film qui s'avère un échec économique.
Enfin, l'affaire juridique entre Terry Gilliam et le producteur portugais Paulo Branco (Alfama Films) se poursuit. Dans les faits, Le producteur a toujours gagné notamment en première instance en mai 2017 ; il n'a juste pas réussi à arrêter le "passage en force" de tourner, diffuser à Cannes et sortir le film en salles. Il doit attendre le jugement de la Cour d'appel. Le jugement tombe le 15 juin 2018 et il donne une nouvelle fois raison à Paulo Branco : il a bien été floué dans ses droits de producteur lorsque Terry Gilliam a mis fin à leur contrat unilatéralement et il devra toucher des dommages et intérêts. L'affaire ira surement en Cassation. Amazon avait bien vu les choses en se retirant de la distribution du film aux Etats-Unis. Peu probable désormais qu'un distributeur se risque à le distribuer dans le monde. Et s'il était beau joueur, Paulo Branco pourrait se réjouir justement de n'avoir pas financer pour 16 M$ un film qui s'avère un échec économique.
Finalement, ce sera peut-être une bonne intrigue pour un film si on coupe les dernières pages. "On est dans l'Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende" (dans L'homme qui tua ... Liberty Valance).
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