
![]() Sorti il y a tout juste un mois dans la quasi-indifférence, Demolition, le dernier film du québécois Jean-Marc Vallée a divisé les critiques et les spectateurs. Il faut croire que ces deux publics ne sont pas venus y trouver la même chose. Comment en sommes-nous arrivés à cette dichotomie de point de vue face au même film, un film sur un thème fédérateur à défaut de générer du bonheur. Attention spoiler. Tout d'abord, je dois dire que j'ai aimé Démolition. Je ne savais rien du film, du moins de son histoire lorsque je suis entré dans la salle. J'avais juste vérifié que sa note sur IMDb "valait le coup" : 7,5, c'est plus que 7, seuil au dessus duquel je m'intéresse au film avec bienveillance (au-dessus de 8, j'y vais avec motivation les yeux fermés alors qu'en dessous de 6 je fuis habituellement en courant). Et je n'avais pu empêcher un bon ami de me prévenir avec insistance que les critiques reprochaient juste au film sa fin maladroite. En revanche, je n'avais aucune idée du thème de Demolition. Devant le cinéma, je n'avais que l'affiche pour me guider. Avec un titre pareil (en majuscule sans accent, on lit potentiellement le titre avec l'accent yankee) et une telle affiche (montrant un Jake Gyllenhaal avec un faux air d'Indiana Jones à lunettes noires), on pourrait facilement s'attendre à un petit thriller indépendant. D'autant que le simili papier craquelé de l'affiche tend à faire croire que "ça va déchirer". Le nom du film n'est pas sans rappeler non plus un vieux action movie de Sylvester Stallone des années 90. Bref beaucoup de fausses pistes...
![]() Au moment où l'épisode 7 sort en blu-ray, la première trilogie de La guerre des étoiles est à nouveau annoncée dans les salles américaines pour août prochain. Les fans cinéphiles se réjouissent de retrouver "leur" film... ou pas. L'annonce anime la grande communauté des fans de l'univers de La guerre des étoiles. L'opportunité est offerte d'apprécier les trois films de 1977, 1980 et 1983 sur grand écran. En tout cas, pour les américains qui auront droit à une exploitation dans 20 grandes villes (San Francisco, Washington, Los Angeles, New-York, Miami, Dallas, Austin, Boston et Philadelphie sont déjà annoncées si vous préparez vos vacances). Ce n'est pas une reprise d'envergure et pour le moment ce n'est prévu que pour les Etats-Unis du 6 au 27 août. Déjà les fans discutent de la version qui sera projetée : montage original, édition spéciale (1997) ou celle revue depuis pour le DVD (2004) ? Car il existe de nombreuses versions. Bien sûr beaucoup connaissent l'histoire de ces "corrections" qui ont permis à George Lucas de revoir ses films pour les compléter comme il les rêvait (plus de monstres, rajout de Jabba the Hunt, révision des couleurs...). On sait moins que les films ont continué à être modifiés en 2011 au moment de la sortie du Blu-ray (rocher devant R2D2, couleur du sabre laser...). Ou que certains pays avaient déjà fait des ajustements dès la sortie (en Allemagne sur la scène de torture de l'épisode 2 pour l'autoriser aux plus de six ans) et que la version Laserdisc du début des années 90 a aussi subi quelques modifications (raccourcissements non assumées car il y a eu repressage avec rajout des 7 secondes retirées peu après). Dès 1981, il y avait eu un changement d’envergure : d'épisode initial, La guerre des étoiles devenait Un nouvel espoir, (a new hope en vo) proposant aux futures générations d'être vu en quatrième. C'est capital puisque le coup de théâtre familial de la fin de L'Empire contre-attaque perd de sa substance lorsque le spectateur voit d'abord les films de la deuxième trilogie.
![]() Si l'on peut tous avoir son "quart d'heure de célébrité", comme prédit par Andy Wharol dès 1968, grâce à la désintermédiation médiatique, il reste au cinéma encore des occasions de faire sa star. Car l'essentiel n'est plus de pouvoir passer sur un écran et d'être vu, mais le contexte de cette visibilité. Voici une opportunité d'être sur un bel et grand écran. Et voila une occasion quasi-unique de se retrouver dans les cinémas du monde entier dans l'un des films les plus attendus pour juillet 2017: faire de la figuration dans le prochain film de Christopher Nolan, "objectivement" le meilleur réalisateur actuel. Il racontera l'histoire de l'opération Dynamo [1] qui vit l'armée allemande encercler les positions françaises et anglaises dans la ville de Dunkerque. Bénéficiant de l'hésitation des allemands à lancer l'assaut final, un plan d'évacuation fut mis en place pour permettre aux forces alliées de s'évacuer vers l'Angleterre sauvegardant les moyens de l'armée britannique de résister aux velléités d'invasion allemande. On peut penser que le film se focalisera sur les raisons de cette hésitation. ![]() L'époque où la cinémathèque ne diffusait que quelques obscurs chefs d'œuvre bulgares en complément d'une programmation dévolue à Yasujiro Ozu et Dziga Vertov est révolue. L'institution s'est ouverte à d'autres moyens de mise en valeur du patrimoine cinématographique depuis son rapprochement avec la BIFI (Bibliothèque du Film). Le 10 avril, sera projeté Le jouet de Francis Veber, une plaisante comédie qui fait aimer le cinéma justement. Le Jouet est un film de son époque. Il traduit bien une société "giscardienne" avec ses grands patrons confortées par la politique de Pompidou, les débuts de la crise économique et la guerre des classes exacerbée par les manifestations de la fin des années 60. C'est aussi les débuts d'un nouveau genre comique auquel le Francis Veber scénariste a participé avec son interprète Pierre Richard et sa candeur presque poétique.
Le film n'est pas manichéen approchant la question déjà débattue dans des contextes différents de savoir qui est le monstre entre celui qui donne les ordres et celui qui les accepte. Le débat dépasse l'opposition entre le patron et l'ouvrier pour glisser aux relations entre le chef et le sous-chef aux ordres (via le personnage du rédacteur en chef), le chef de famille et son épouse docile ou encore le père et le fils. Chacun accepte un rôle et s'en accommode plus ou moins. C'est aussi un film sur l'humiliation. Ce scénario malin vaudra à Francis Veber une nomination aux César 1977 et le droit à un remake américain six ans plus tard, The toy, avec Richard Pryor dans le rôle de Pignon [1]. ![]() Le Festival de Sundance vient de primer un film anti-esclavagiste intitulé Naissance d'une nation, nommé ainsi en référence au film de D.W. Griffith. Sorti il y a tout juste 101 ans sur les écrans américains, Naissance d'une nation (1915) s'était imposé comme le plus gros succès commercial de son temps. Il fut rapidement qualifié de raciste et généra dès sa sortie une forte opposition mais il est toujours cité comme un film fondateur du cinéma et son succès de l'époque est révélateur de l'enthousiasme qu'il suscita auprès du public. Comment une œuvre peut s’installer avec une telle ambivalence culturelle ? Naissance d'une Nation raconte l'histoire de deux familles l'une nordiste et l'autre sudiste dont le film prend le point de vue au moment de la guerre civile (dit de Sécession). L'intrigue - qu'on pourra lire ici détaillée - évoque les méfaits de la guerre sur les deux familles dont celle du sud victime de noir-américains pendant et après le conflit. Le film s'achève sur la constitution de deux couples, entre unionistes et confédérés, après une victoire du Ku Kux Klan nouvellement formé. On le sait peu, mais lors de la première en février 1915, le film en deux parties de Griffith s'appelait The Clansman du nom du livre du pasteur baptiste Thomas Dixon écrit dix ans plus tôt. Ce n'est que trois mois plus tard qu'il prit le nom de Naissance d'une nation. Ce changement n'est pas innocent dans le positionnement du film vis-à-vis du public. Il impose comme directive de considérer le film non pas comme une histoire singulière, un cas particulier, mais au contraire, comme une illustration de l'Histoire. ![]() Il y a quelques mois, sortait le James Bond le plus long de la franchise. Rebelote cette semaine avec Creed, lui-aussi le plus long de la série des Rocky(s) avec 2h13. Une tendance de fond car la durée des films est depuis longtemps une variable en lien avec l´histoire du cinéma. Quelle est la bonne durée d'un film ? Difficile de ne pas trouver cette question inutile lorsque l'on constate que l'histoire du cinéma encense aussi bien les 1h15 du Pickpocket de Robert Bresson que les 5h13 du Napoléon d'Abel Gance. Pourtant la durée d'un film ne s'impose pas d'elle-même et provient d'une volonté du réalisateur. Sergio Leone, comme d'autres (Manuel De Oliveira...), a montré qu'on pouvait dilater le temps lors de ses fameux duels. Chris Marker raconte à la fois une histoire d'amour et une histoire de voyage dans le temps avec quelques images fixes dans les 28 minutes de La Jetée. La durée est aussi un sujet de controverse entre une vision artistique d'un réalisateur qui veut raconter son histoire à sa façon et un producteur soucieux de ne pas effrayer les potentiels spectateurs et assurer au moins quatre séances par jour aux exploitants. Pour Le Loup de Wall Street, Martin Scorcese s'était engagé vis-à-vis du studio à livrer un film de moins de trois heures : le film ne dure que 2h59 dans sa version cinéma (mais il existe une version allongée de 4h pour le marché de la vidéo). Il n'y a donc pas de règle. Et pourtant on constate de vraies tendances lorsqu'on examine l'évolution des durées dans le temps. Ainsi depuis quarante ans, le grand public observe que les films durent plus longtemps. C'est un phénomène a priori difficile à mesurer puisque la durée des films n'est évidemment pas homogène. Il faut d'avantage de temps pour présenter la saga d'Il était une fois en Amérique (3h49) que pour la rencontre racontée dans Notre histoire (1h50) pourtant sorti le même jour à Paris. Les comédies sont moins longues que les films historiques, mais ce n'est pas une règle immuable non plus (le drôle 3 idiots dure 2h50 contre 2h04 pour la biographie des premières années de la reine Elizabeth)
206 millions de spectateurs dans les salles françaises en 2015, soit une légère baisse de 1,4% sur 2014 mais tout de même au dessus de la moyenne-record des 10 dernières années (200 millions) selon les derniers chiffres du CNC. La part de marché des films français retombe à 35% après un pic à 44% l'an dernier. C'est quand même très honorable par rapport aux autres pays européens (27% pour l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne et seulement 15% en Angleterre).
En tout, 650 films sont sortis en 2015 en France. C'est évidemment beaucoup pour offrir à chacun sa chance de trouver son public. Mais comme l'avouent les observateurs avertis, c'est le prix à payer pour obtenir des films qui trouvent leur public ou qui apportent au cinéma. Car au fond, personne ne sait trop avant que le film ne soit projeté ce qu'il donnera. Il y a donc dans cette industrie du prototype (le sociologue parle de singularité), une volonté de produire beaucoup pour statistiquement proposer la pépite commerciale ou artistique qui fera la joie de son producteur ou des cinéphiles. Si on joue au jeu d'identifier les films gagnants pour cette année, on ne peut qu'être surpris d'y trouver en tête le dernier Mad Max Fury road. Cette suite avec Tom Hardy réalisée par un réalisateur australien de 70 ans ressemble à un remake de l'épisode 2 sorti en 1982, mais sa mise en scène nerveuse relève d'une grande modernité malgré le refus du tout numérique. Ce quatrième opus de Max le fou est en tête de nombreux tops de la presse et obtient une note moyenne de la presse française de 4,42 sur 5. Le film est nominé pour les Golden Globes (remis par la presse étrangères à Hollywood) et a reçu le titre de "Movie of the year" 2015 par l'AFI. Les cinéphiles l'ont aussi beaucoup apprécié puisqu'il se classe au 152ème rang d'IMDb avec une moyenne de 8,2 sur 10. Mais une partie du public a boudé, d'où une note à la sortie des salle un peu moins bonne (B+ au baromètre américain Cinemascore). Au global, le succès commercial est bien là, les recettes monde ayant atteint 375 M$ dont 152 M$ aux seuls Etats-unis. Pas un triomphe finalement, mais la perspective de voir une suite a été confirmée : The wasteland est annoncé pour 2017. La saga mesure l'évolution culturelle en 40 ans puisque le premier Mad max était un rejeton de la contre-culture des années 70 alors que le dernier opus réussit à symboliser le cinéma dominant d'aujourd'hui à son apogée. ![]() Certaines scènes se sont imposées dans la culture populaire. Avec la rubrique Making of, il s'agit de revenir sur ces moments de cinéma, factices par définition, mais qui se sont imposés dans la mémoire des spectateurs. Pour commencer, l'une des scènes les plus connues du cinéma, qui fait écho à la sortie de l'épisode VII de Star Wars. Il s'agit de la révélation de la filiation de Luke Skywalker. Si la notion de twist pouvait être réduit à une réplique, il n'y a pas de doute que "Luke, je suis ton père" l'emporterait. A l'époque, les réseaux sociaux n'existaient pas et un secret pouvait le demeurer mieux qu'aujourd'hui. La surprise a donc été réelle pour le spectateur de 1980 qui voyait l'Empire contre-attaque. La réplique est moins iconique que le fameux "Que la force soit avec toi" mais elle s'impose devant "je t'aime / Je sais" que s'échangent la princesse Leïa et Han Solo ainsi qu'une centaine d'autres qui ont marqué les fans les plus fidèles (à retrouver ici). Mais la particularité de "Luke je suis ton père" est que cette réplique est passée dans la vie réelle, tel un gimmick qui traduit à la fois le détachement. Elle est reprise dans Austin Powers 2 (1999), Toy Story 2 (1999), Le Règne du feu (2002), Mais qui a tué Pamela Rose ? (2003), Jarhead (2005), Arthur 3 : La Guerre des deux mondes (2010), Megamind (2010), Cowboys et Envahisseurs (2011), Low Cost (2011) ou encore Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté (2012). On voit que les citations cinéphiles sont de plus en plus fréquentes. Cette popularité se confirme dans l'univers des spectateurs par les recherches dans Google.
Sur un environnement culinaire similaire à A vif qui sort cette semaine, le film #Chef n'a pas marché en salles dans le monde même s'il a assuré le minimum aux États-Unis. Sorti en début d'année, il s'agit pourtant d'un fell-good movie dans la tradition du genre. On lui reprochera juste son affiche qui n'hésite pas à dévoiler comment le film finit. Le but de la promotion est bien de faire venir le spectateur en salles, pas vraiment de le satisfaire. ![]() Les distributeurs ont un dur métier. Ils doivent chercher à donner envie tout en ne dévoilant pas trop le contenu du film. La satisfaction se construit notamment grâce à l'effet de surprise. Cette construction de la satisfaction est fondée sur la divergence par rapport au schéma (Rumelhart, 1984 [1]). Or cette divergence disparait lorsque le spectateur sait déjà à quoi s'attendre, qu'il n'y a plus de surprise, facteur d'excitation positive. Or le spectateur a besoin d'en savoir un minimum pour indexer un film et pouvoir appréhender son attente. Si cette attente est élevée, elle pourra activer du désir et donc l'action d'aller voir le film. Sans une attente élevée, le spectateur préfèrera rester chez lui ou voir un autre film. C'est pourquoi les bande-annonces ont tendance à s'allonger pour permettre au spectateur de mieux appréhender à la fois le caractère spectaculaire (un film est un spectacle qui joue sur les effets) et le caractère narratif (un film est une intrigue dans laquelle on se projette). Au risque d'en dire trop comme dans le trailer américain de Seul au monde qui annonce si le héros va s'en sortir ou non. Le film #Chef a posé le problème à son distributeur. Le film évoque les difficultés d'un cuisinier renommé à quitter la routine confortable de son menu quotidien à succès pour retrouver l'authenticité de sa cuisine, et au passage une relation avec son fils et sa femme. C'est en fait un fell-good movie comparable à Little Miss Sunshine dont il reprend indirectement la construction classique en road movie qui permet aux personnages de révéler leur vraie nature (comme souvent, la proximité entre les deux films est soulignée par le choix de la couleur, jaune en l’occurrence, et la mise en évidence d'un camion/camionnette). Le distributeur n'a donc pas voulu rester sur la première partie du film évoquant le personnage en crise pour au contraire le montrer retrouvant sa joie de vivre. Il apparait donc souriant dans un food-truck en compagnie de sa famille, son ex-femme et son fils. ![]() La sortie en vidéo aujourd'hui de Connasse, princesse des cœurs, performance conceptuelle inspirée par la télévision, remet en perspective le lien entre fiction et réalité. Un thème couramment travaillé par le cinéma pour mieux emmener le spectateur de l'autre côté du miroir. Pour regarder un film avec bienveillance, le spectateur doit chercher à croire à ce qu'il voit. Mais au cinéma, les choses ne se déroulent pas comme dans la vraie vie. Il doit donc se mettre en situation d'époché (c'est-à-dire se libérer du jugement de la réalité pour entrer dans la fiction). C'est ainsi qu'en voyant un film policier, le public accepte l'idée que les forces de l'ordre puissent tirer dans la foule. C'est l'art de la narration de construire une histoire qui permette l'épochè.
On observe également que la forme peut paradoxalement contribuer à cette suspension de l'incrédulité. En rapprochant l'expérience cinématographique d'un sentiment de réalité, on aide le spectateur à se projeter. Le cinéma 3D participe au mouvement et son semi-échec - ou semi-succès - tient à l'obligation de porter des lunettes qui apportent un nouvel élément artificiel en substitution, matériel cette fois. Alors la façon de filmer est mise à contribution. Avec le found footage, la caméra filme en vue subjective en cherchant à reproduire la forme du cinéma amateur. Il s'agit de faire vrai. Le mockumentaire, documenteur ou faux documentaire, va dans le même sens en reproduisant la forme du documentaire pour raconter ou décrire une intrigue ou une communauté. La Fox vient de supprimer les deux films sur les 4 fantastiques sortis en 2005 et 2007. Elle laisse la place à son reboot qui sort cette semaine. Une stratégie dangereuse qui efface le passé au profit de la nouveauté.
S'inspirant du succès des films Marvel, la 20th century Fox a décidé il y a deux ans de relancer les aventures de Reed Richard, Benjamin Grimm et des frères et sœurs Storm. Ce groupe de super-héros créé par Marvel en 1961 est exploité par la Fox au cinéma depuis dix ans, échappant donc au rachat par Disney. Les films précédents avaient connu un semi-succès (600 M$ cumulés au niveau mondial), suffisant pour lancer un second film mais pas assez pour continuer au-delà. Ces films avaient pris un coup de vieux depuis l'offensive Marvel lancée en 2008 avec Iron-Man. Le triomphe des héros DC Comics, Batman et Superman, sous le patronage de Christophe Nolan a conduit également la Fox à retenir un ton plus sombre que le style pop-corn des films de 2005/2007. Il n'y a eu que huit ans avant de relancer la franchise. C'est peu, mais ce n'est pas si exceptionnel. Le reboot de Spiderman était revenu cinq ans après (2007/2012) et Hulk tout autant (2003/2008). Les exemples sont nombreux pour montrer que le public est prêt à y retourner sous réserve de retrouver ce qu'il a aimé avec néanmoins de la nouveauté. James Bond fonctionne ainsi depuis 24 films au rythme d'un film tous les deux ans environ. ![]() Les classements ont tendance à mettre en avant toujours les mêmes films, entre les œuvres de l'histoire du cinéma lorsqu'on interroge des critiques et les films-stars d'IMDb quand on observe le choix du public. Vient de sortir un hit-parade qui met en avant un film moins habitué à être mis à pareille fête : le très sympathique Tootsie (1982) de Sidney Pollack. Comment en est-on arrivé là ?
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Le mensuel Première a la bonne idée cette année de sortir pour l'été un numéro hors série consacré aux films moins connus qui méritent d'être vus. Le dossier se concentre sur les 50 dernières années, ce qui offre un grand choix. Il y en a bien pour tous les goûts. Dont Sorcerer, sorti le 15 juillet.
L'intérêt de cette sélection est de pointer sur des films méconnus, passés à côté de leur public mais qui pourtant sont parvenus pour certains à se faire une place dans le cœur de quelques spectateurs. Le journal a la bonne idée d'interroger quelques personnalités du cinéma qui livrent leur chef d’œuvre mal aimé. Ainsi Ryan Gosling, Garpar Noé ou encore Benicio Del Toro livrent leur secret cinéphilique. ![]()
Il y a bien sûr dans cette liste des films qui n'avaient pu défendre leur chance, avec une exploitation restreinte ou un budget marketing réduit, voir pas du tout présentés au public. On y trouve des premiers films de réalisateurs de premier plan avant qu'ils ne soient reconnus (Gallipoli de Peter Weir ou I wanna hold your hand de Robert Zemeckis) ou au contraire des films qui ont coulé leur auteur avec eux (Leolon de Jean-Claude Lauzon).
Mais ce qu'on retiendra surtout, ce sont ces films qui avaient justement bénéficié d'une large distribution, mais qui n'avaient retenu l'attention de presque personne. Une façon de les sortir du purgatoire. Le journal fait d'ailleurs en introduction son mea culpa à propos du Convoi de la peur de William Friedkin, deuxième adaptation datant de 1977 d'un roman français après le salaire de la peur. Première avait écrit dans son numéro de novembre 1978 à propos du nouveau film du réalisateur de French connexion et L'Exorciste : "voila un film qui ne laissera pas un grand souvenir". Et pourtant, même s'il est vrai que Sorcerer - son titre original - a été mal accueilli par les spectateurs de l'époque (6 M$ de recettes aux États-Unis et 382.000 spectateurs en France), il a fait son chemin. Sa note sur IMDb est désormais de 7,7, bien supérieure à la moyenne de 7, même s'il demeure en retrait du premier film d'Henri-Georges Clouzot (8,2). Le film a tellement été réévalué qu'il bénéficie d'une restauration et d'une reprise en salles cette été, événement devenu rare pour un film qui n'est pas un classique. Et cela après un passage par la Cinémathèque en 2013. Le réalisateur était alors venu lui-même présenter son film dans un cycle intitulé "toute la mémoire du monde". ![]() L'affiche du film français, Un moment d'égarement (2015), a créé une petite polémique récemment sous l'impulsion de l'actrice Frédérique Bel (ex-blonde de Canal+) car le nom des deux actrices principales n'était pas repris sur l'affiche contrairement à celui des deux comédiens masculins : "ils ont aussi égaré le nom des actrices ?" avait-elle ironiquement demandé sur Twitter. Il n'en a pas fallu d'avantage pour entendre des accusations de sexisme. Nous ne rentrerons pas dans le débat de savoir si la société ou le monde du cinéma est sexiste, sans pour autant minimiser l'importance de l'enjeu sous-jacent. En revanche, nous nous étonnons de voir une telle polémique alors qu'une affiche est construite selon trois principes :
![]() Sortir une suite 30 ans après le précédent épisode était risqué. Pourtant les producteurs n'ont pas hésité à investir 150 M$ dans le nouveau Mad Max avec comme objectif d'attirer un nouveau public tout en capitalisant sur la notoriété acquise auprès du public de la trilogie originale. Une dizaine de jours après sa présentation au festival de Cannes et la sortie mondiale, on peut s'interroger s'ils ont réussi leur pari. La saga Mad Max semble appartenir à une autre époque. Elle est née à la fin des années 70, alors que le sous-genre des films post-apocalyptiques était à la mode, dans une période où les bikers et les punks étaient populaires. Le premier film s'affirmait aussi dans la tendance des films de vengeance qui touchaient alors aussi bien le genre policier (Un justicier dans la ville avec Charles Bronson) que le film d'horreur (la dernière maison sur la gauche de Wes Craven ou Carrie de Brian De Palma). Et surtout le pétrole apparaissait plus que jamais comme l'or des sociétés modernes après deux chocs pétroliers. Depuis les années 80 et le retour à un certain ordre moral est passé par là. L'apocalypse s'exprime dans le monde d'aujourd'hui avec le retour des films-catastrophe (2012, Contagion, San Andreas), et l'avenir de notre monde devenu numérique est le plus souvent décrit sous forme de dystopie (Hunger games, Divergente). Le pétrole, lui, n'a jamais été aussi bon marché depuis longtemps. Ce n'était donc pas si évident que de penser que ce héros créé en Australie par un médecin autodidacte, George Miller, avec un petit budget serait de nature à s'imposer à l'heure où la concurrence des blockbusters américains est particulièrement vigoureuse. Le box-office ne manque plus de super-héros. ![]() Il est parfois intéressant de s'interroger sur soi-même comme spectateur. Finalement on ne connait que soi et son propre comportement est révélateur d'au moins une expérience spectatorielle. Récemment, je me suis surpris à vouloir revoir absolument Interstellar avec mes enfants qui ne l'avaient pas vu : "Attendez-moi pour le regarder celui-là!". Pourtant à sa sortie au cinéma, j'étais allé le voir dans une belle salle Imax, ce qui est adapté pour ce film qui est projeté dans ce format (plus carré en 1:44) lors des scènes dans l'espace et en 16/9 allongé (en 1:90) pour les scènes d'intérieur ou sur terre. C'était seulement quatre mois plus tôt. Quatre mois pour revoir le même film quand il y a tant d'autres à voir pour la première fois, est-ce bien rationnel ? Il y a deux systèmes pour juger de sa satisfaction. Le premier est fondé sur des attentes et la constatation d'un plaisir moins ou plus grand qu'attendu. C'est ce qu'on appelle la disconfirmation des attentes. Le deuxième, qui s'est largement développé depuis 20 ans, se base sur le concept de divergence par rapport au schéma. Cette notion de schéma est empruntée au concept développé par les cogniticiens dès les années 30 pour expliquer le fonctionnement de la mémoire et les réactions par rapport aux souvenirs. Frederic Bartlett (1932), qui est à l’origine de ce mouvement, la définissait comme « une organisation active des réactions et expériences passées, qui est supposée être opérationnelle par l’organisme si besoin ». Ils sont essentiels pour mémoriser et traiter une information. La divergence par rapport au schéma relève de la surprise. Dans le cas d'Interstellar que j'ai revu, il est clair que la surprise était minime dans la mesure où j'avais déjà vu le film et que je m'en souvenais bien. American sniper a connu une sortie triomphale dans le salles américaines, à un niveau rarement atteint par un film qui ne s'appuie ni sur une marque forte, ni sur un film précédent. Les succès précédents du réalisateur n'expliquent que partiellement ce succès immédiat.
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Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
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