On observe également que la forme peut paradoxalement contribuer à cette suspension de l'incrédulité. En rapprochant l'expérience cinématographique d'un sentiment de réalité, on aide le spectateur à se projeter. Le cinéma 3D participe au mouvement et son semi-échec - ou semi-succès - tient à l'obligation de porter des lunettes qui apportent un nouvel élément artificiel en substitution, matériel cette fois. Alors la façon de filmer est mise à contribution. Avec le found footage, la caméra filme en vue subjective en cherchant à reproduire la forme du cinéma amateur. Il s'agit de faire vrai. Le mockumentaire, documenteur ou faux documentaire, va dans le même sens en reproduisant la forme du documentaire pour raconter ou décrire une intrigue ou une communauté.
Le film Connasse, princesse des cœurs renouvelle cette approche. Il ne s'agit plus ici de reproduire la réalité en reprenant seulement la forme du cinéma amateur, mais aussi en mettant en scène des vraies personnes dans la vraie vie. C'est le même dispositif que l'on retrouve dans les caméras cachés. Sacha Baron Cohen s'est rendu célèbre sur un principe proche puisque Borat et Bruno contiennent des séquences en caméra cachée, mais il s'agissait aussi de reprendre la forme du faux-documentaire pour justifier la présence d'une caméra la plupart du temps. Avec Connasse, princesse des coeurs, on a le droit à un film entier, scénarisé et filmé en caméra cachée. Il faut reconnaître la performance et la nouveauté (?).
Pour réussir la projection-participation du spectateur, il faut que celui-ci trouve dans les images un monde alternatif où ses réflexes cognitifs et ses schémas ne soient pas maltraités. Mais il ne cherche pas une réalité photographique du monde, sinon il serait déçu, surtout à l'air de hyper-cinéma qui gonfle tout. Les blockbusters américains s'en sont fait une spécialité. Ce n’est donc pas le véridique que cherche le film, mais le vraisemblable. François Truffaut attribuait ainsi une part du succès du cinéma de Steven Spielberg justement à sa capacité à « filmer le quotidien de façon extraordinaire et l’extraordinaire de façon quotidienne ». Le spectateur exige de retrouver dans le film un monde auquel il peut croire. C’est un principe tellement fort que même les œuvres de science-fiction ou d’anticipation doivent s’y plier. Le fond du film doit donc respecter le fonctionnement de la réalité.
Connasse, princesse des cœurs y met aussi la forme.