L'avantage de la science-fiction, c'est que les auteurs essaient de dessiner le monde de demain en poussant certaines logiques contemporaines. Les préoccupations du moment sont exacerbées : au début des années 70, on est dans l’avènement d'une société de consommation dont les fondements ont progressivement annihilé le "monde naturel" : il en ressort une prise de conscience écologique dans Silent Running en 1972 ou un traitement extrême de la crainte de la surpopulation dans Soleil vert en 1973 (comment la nourrir ?) et L'âge de Cristal en 1976 (comment la limiter ?). Blade runner présentait également une société impersonnelle au début des années 80 : la ville démesurée semblait engloutir l'individu et l'humain se confondait avec l'humanoïde. Même si notre cité n'est pas exempt de problèmes sociétaux, on en est bien loin plusieurs décennies plus tard.
Plus léger évidemment, le film Retour vers le futur 2 est pourtant un bel outil d'analyse de l'Amérique de la fin des années 80. Il y aurait matière à comprendre les désirs et les peurs des américains de l'ère post-Reagan. Au moment d'écrire la suite de Retour vers le futur, Robert Zemeckis et Bob Gale vivent dans un monde où la crise économique s'est installée de façon structurelle : le déclin social est devenu une vraie peur des classes moyennes à cause du chômage et la toute puissance de l'Amérique est ébranlée dans la mondialisation qui remet en cause les positions établies. Retour vers le futur 2 parle donc logiquement de ces phénomènes en 1989, même dans les séquences se déroulant en 2015.
Et c'est là que ce phénomène est intéressant : on ne nous parle pas tant d'un aujourd'hui plus ou moins parallèle que de l'époque où le film a été fait. Car un film est le fruit d'une époque, celle où il a été fabriqué. C'est une thèse illustrée avec constance par l'historien Marc Ferro. Il a longtemps utilisé le cinéma comme instrument de connaissance de l'histoire. D'abord pour ses travaux sur l'histoire des soviétiques, puis de façon plus systématique.
Plus léger évidemment, le film Retour vers le futur 2 est pourtant un bel outil d'analyse de l'Amérique de la fin des années 80. Il y aurait matière à comprendre les désirs et les peurs des américains de l'ère post-Reagan. Au moment d'écrire la suite de Retour vers le futur, Robert Zemeckis et Bob Gale vivent dans un monde où la crise économique s'est installée de façon structurelle : le déclin social est devenu une vraie peur des classes moyennes à cause du chômage et la toute puissance de l'Amérique est ébranlée dans la mondialisation qui remet en cause les positions établie. Retour vers le futur 2 parle donc logiquement de ces phénomènes en 1989, même dans les séquences se déroulant en 2015.
Certains évoquent l'origine de la saga qui faillit s'appeler Space man from Pluto, les premières versions du scénario (avec un réfrigérateur comme machine à remonter le temps) et un tournage qui commença pendant cinq semaines avec Eric Stoltz et Melinda Hardin avant qu'ils ne soient tous les deux remplacés. Ces articles tournent surtout le plus souvent sur la correspondance ou non entre notre présent en 2015 et celui imaginé 26 ans plus tôt. Oui, le film anticipa la création des drones et l'omniprésence des écrans. Non, rien dans le film n'aborde la présence généralisée d'Internet et du téléphone portable. Les acteurs ont été appelés sur les chaînes de télévision américaines pour parler du film ou en reconstituer une scène. Le journal US Today a adapté son édition du 21 octobre pour qu'elle corresponde à celle qu'on voit dans le journal. De même, fans et industriels ont essayé de recréer pour l'occasion des produits inexistants vus dans le film (hoverboard aérien, chaussures Nike autolaçantes...). On a eu droit aussi aux rétrospectives à la télévision et au cinéma. En France, ce sont des centaines de fans qui ont accueilli une De Lorean dont sortaient des faux Marty et Doc lors de la projection spéciale des trois films au Grand Rex (pour les plus anciens, la même nuit au Grand Rex avait eu lieu 25 ans avant pour présenter le troisième film). Aux États-Unis, le distributeur avait vu les choses en encore plus grand puisque les trois films ont été projetés dans 1.815 salles et la soirée à été en tête du box-office ce jour-là, rapportant 1,7 M$.
Comme le dit Francesco Cassiti, célèbre théoricien du cinéma : "Le cinéma est un témoignage social parce qu’il saisit l’inaperçu et le récurrent. Son horizon est l’inconscient d’une culture " [2].
[2] Francesco Casseti, Les théories du cinéma depuis 1945, p. 136