On distingue couramment en économie les marchés d'offre et les marchés de demande. L'ipad a montré que le marché des ordinateurs pouvait être un marché d'offre car il générait une nouvelle demande alors que la corrélation entre le moral des ménages et les ventes d'automobiles prouvent que le marché des voitures est plutôt un marché de demande.
Pour le cinéma, on admet facilement que c'est un marché d'offre. En effet, il apparait comme une évidence que le box-office varie d'une semaine sur l'autre en fonction de l'attrait des nouveautés de la semaine. De même, une bonne année vient souvent d'un ou deux triomphes :
- la fréquentation de 1998 en France a été supérieure de presque 20 millions de spectateurs à celles de 1997 et 1999, soit exactement le score de Titanic,
- le nombre record de spectateurs depuis 1967 a été atteint en 2011, année de la sortie d'Intouchables et ses 19 millions de spectateurs français.
Les chiffres du CNC publiés cette semaine à propos de la production de 2014 montre que ce lien entre l'offre et la demande est plus complexe que l'expression "marché d'offre" ne le laisse penser : le nombre de films produits s'est réduit de 12 unités à 258 pour un budget global en baisse de 20% à 994 M€ tandis que le budget moyen s'est également réduit de 19% à 4 M€. C'est la triste conséquence d'une fréquentation en salles 2013 moins bonne qu'en 2012. Car il y a une constante dans l'économie du cinéma liée à son système de financement : la production d'une année dépend des recettes de l'année précédente. La capacité de financement des producteur en dépend et surtout le reversement des avances sur recettes et autres taxes est directement proportionnel au nombre de billets vendus.
Ainsi l'offre 2014 a été numériquement moins forte qu'en 2013 parce que l'année 2013 avait été moins bonne qu'en 2012. On peut donc s'attendre à une production 2015 de bonne facture après un box-office 2014 presque record (208 millions de spectateurs, deuxième meilleure performance depuis plus de 40 ans).
Mais rien n'est simple. Si la production marque le pas, la fréquentation a été record pour les films français en 2014 avec les quatre meilleurs scores du box-office : Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?, La famille Bélier, Supercondriaque et Lucie (tous à plus de 5 millions de spectateurs). C'est la conséquence statistique d'une offre diversifiée dopée par une production 2013 de 270 films (majoritairement et minoritairement) français financés par un box-office et donc un refinancement record. Le résultat vertueux du dispositif français de production tant que tout va bien (il se transforme en système vicieux quand les résultats se dégradent : la production n'a jamais été aussi basse qu'au début des années 90 quand la fréquentation était tombée à moins de 120 millions de spectateurs).
Même si ces chiffres rappellent que derrière un billet acheté, il y a tant une envie de voir un film qu'un désir plus général de cinéma, à la fin, c'est bien l'offre qui l'emporte ...