Dear Princess Leia,
I don’t wish to be presumptuous and call you “Leia,” as it implies a familiarity I don’t wish to presume. And though some might say we resemble one another to the extent that we could be easily mistaken for one another—if we were to inexplicably agree to dress in similar, if unremarkable clothing, and you were to finally, sanely, refuse to submit to the rigors of that foolish focus-pulling hairstyle—simply (and now belatedly) put, I could pass for you with minor adjustments as you might pass for me with ever so slightly more. But would my insides match your outsides?
I’ve spent almost two-thirds of my life walking galaxies in those fucking white leather boots. I’ve even attempted to answer for your actions, to explain your possible motives for choices one of us failed to make. But while you will forever be remembered loitering in star-infested landscapes, existing endlessly in imaginations and onscreen, I putter noisily in that infamous closet of celebrity—expanding, wrinkling, stooping, and far too often, stupid with age. Here we are enacting our very own Dorian Gray configuration. You: smooth, certain, and straight-backed, forever condemned to the vast, enviable prison of intergalactic adventure. Me: struggling more and more with post-galactic stress disorder, bearing your scars, graying your eternally dark, ridiculous hair.
You always act the heroine; I snort the stuff in the feeble attempt to dim the glare of your intense, intergalactic antics. You take the glory; I give way to age. You: so physically well and well-meaning it makes me mentally ill—well, something does, anyway. While you fight the dark side with your light, white ways, I’m in the sarlacc pit, covered in Jabba’s vile body fluids. Will it ever end? It probably won’t, but I will. I’m pretty sure I will. My sequels will finally, blessedly stop, while yours will define and absorb an age.
Though you are condemed to reenact the same seven hours of adventures over a span of now almost four rowdy decades, at least you look good fighting evil. I look lived in. My amused and envious eyes peer out of a face bloated and evil with age. Wasn’t I supposed to remain happily captured in the amber of our projected image, fending off water-retention, weight, and wrinkles in the same way you fight for the glory of whatever the fuck all that was about—a universe glowing with peace and fairness, Ewoks cavorting in their force-filled fields? Wasn’t I? C’mon—wasn’t I?
Of our all-but-shared fate (if shared, it’s in an unsanitary way)—whatever Leia’s has been or will be, Carrie’s will be, at least periodically, dwarfed and disappointing, riddled with self-pity, old and over-exposed, rendered sad and irrelevant in comparison with her counterparts’ rich and uninterrupted adventures. Play it again, Han! Leia plays while I continue to pay and pay and pay. I’m Carrie Fisher from Star Wars—the south side of Star Wars, near the Vaders’ former condemned place.
I fade as you blaze. I stoop while you shoot straight and defend right. Oh, well. There are worse things, I know. Those worse things gather at my back and haunt my fun-packed future days. But worse gives way to better—Dorian Organa gives way to Carrie Gray. We all win in the end, don’t we? If not utterly, then in a number of cozy, inevitable, and limited days. She’s Leia Organa, from the center of so many humans’ best memories. Shining with the warm glow of sci-fi nostalgia. Our Alderaan, fly us, but wherever you go—over the hill or fucking Cloud City, Jabba’s palace or the emergency room, up, down, or over—do your best to do what I do: make sure you largely enjoy the ride. Skip the hairstyle, but enjoy the ride.
Love, Carrie
Les spectateurs ont l'habitude de voir les acteurs vieillir avec eux, de rôle en rôle, de film en film, créant une certaine proximité. Le décès de carrie Fisher s'impose en exception car ce n'est pas vraiment une actrice que le public a vu disparaitre récemment, mais un personnage. L'année 2016 laisse un goût amère pour les cinéphiles. De nombreuses stars sont décédés tout au long de l'année. Parmi les réalisateurs, on a annoncé le décès d'Ettore Scola, François Dupeyron, Michael Cimino, Abbas Kiarostami, Garry Marshall, Pierre Terchnia, Jacques Rouffio, Andrzej Wajda. Et côté acteurs, Michel Galabru, Alan Rickman, Bud Spencer, Ronit Elkabetz, Gene Wilder, Michèle Morgan et Claude Gensac nous ont quitté. Mais la mort qui a le plus frappé les esprits est sans nul doute celle de l'actrice Carrie Fisher. Une semaine après sa disparition, l'article d'Allociné annonçant son décès avait été partagé 3.726 fois, soit plus de 10 fois plus que celui à propos de la disparition de Michèle Morgan une semaine plus tôt. Pourtant Carrie Fisher n'est pas une actrice reconnue. Elle n'a gagné aucun prix, et n'a même pas été nominé pour une récompense de premier plan. Certes, elle a joué dans la saga Star wars, mais au-delà de la franchise de George Lucas, il est bien difficile de citer un seul de ses films. Bien peu se souviennent d'elle dans un second rôle de Quand Harry rencontre Sally et son rôle de scénariste ou script doctor appartient aux coulisses d'Hollywood. Mais oui, elle était dans Star wars. Elle y est même une icone, bien plus que Mark Hamill/ Luke Skywalker le jeune héros lisse qui s'efface derrière Han Solo / Harrison Ford et plus surement que l'acteur d'Indiana Jones qui a justement une carrière variée permettant de l'identifier comme un acteur, et non à un seul rôle. Oui, car Carrie Fisher est la Princesse Leia Organa. Ce fut son deuxième rôle après une prestation oubliée dans Shampoo de Hal Ashby, mais le seul que retiendront les spectateurs du monde entier. C'est pourquoi son décès n'est pas celui d'une actrice, mais de son personnage. Et comme Star wars est l'un des seuls mythes modernes, dans un monde qui ne croit plus aux mythes, il y a quelque chose de quasi-religieux dans l'hommage à sa disparition. On a l'impression de perdre un fantasme d'adolescent, pourtant jusqu'alors, bien vivant. Déjà, la sortie du Réveil de la Force (Star wars 7) avait sonné comme une résurection. Elle-même avait bien du mal à se défaire de l'image encombrante de cette héroïne qui lui a apporté sa notiété et son ombre comme elle l'écrivait elle même en 2013 dans une lettre émouvante : "Je suis Carrie Fisher de Star Wars, près de l'ancienne maison abandonnée des Vador"
Sur Bulletmedia (janvier 2013) L'importance de Carrie Fisher dans le cinéma est telle que son décès a mis en lumière celui de sa propre mère Debbie Reynolds survenu quelques heures plus tard. En en-tête de sa nécrologie, c'est sa filiation à sa fille qui est systématiquement relevée. Un comble pour l'héroïne de Chantons sous la pluie et La conquête de l'Ouest, nominée à l'Oscar de la meilleure actrice pour La reine du Colorado. Les annonces posthumes de ses déboires (alcool, drogue, santé), de son idille avec un Harrison Ford marié sur le tournage du premier Star wars et le dédommagement de 50 M$ pour son décès en faveur du studio n'ont en rien altéré le ressenti de son décès, tout simplement parce que le public distingue la mort d'une comédienne qu'il ne connait pas vraiment et d'un personnage qui l'accompagne depuis 40 ans. Carrie Fisher n'est pas une actrice, c'est une "femme déterminée qui se promène en bikini doré avec deux macarons sur la tête". L'ironie du sort veut que sa dernière prestation à l'écran soit celle du dernier plan de Rogue One où son personnage est recréé par ordinateur pour offrir une séquence inédite avec la princesse Leia de 1977, exactement dans la posture de sa première scène du film original. |
Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital et de l'innovation dans une grande banque française.
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