Il y a trois ans, à Cannes, les festivaliers ont pu voir un film à sketchs. Il fallait revenir à plus de trente ans en arrière pour en retrouver un en compétition. C'était Le sens de la vie des Monty Python qui avait même obtenu le prix spécial du jury. En 2014, c'était Les nouveaux sauvages de Damian Szifron, film argentin qui a fait son entrée dans le top250 des votes sur IMDb. Il bénéficie du patronage de Pedro Almodovar qui intervient comme producteur.
C'est le réalisateur espagnol qui est d'ailleurs mis en avant sur les affiches françaises qui n'hésitent pas à reprendre en vignettes les personnages "au bord de la crise de nerf". En Argentine, pourtant, ce premier film s'est d'abord appuyé sur son casting local : Ricardo Darin (vu en France dans Entre ses yeux et les neuf reines), Leonardo Sbaraglia et Oscar Martinez.
Parmi les nombreux prix récoltés, c'est essentiellement sa nominations à l'Oscar du meilleur film étranger qui est mis en avant, négligeant souvent ses huit récompenses aux premios platino, cérémonie célébrant les meilleurs films latinos. Car à travers le monde, pour vendre ce film, il a fallu faire oublier son origine argentine. Et ce n'est pas si difficile car la société argentine est en tout point comparable à celle des pays occidentaux avec une population immigrée - blanche à 97% - à forte culture européenne. Et les problématiques exposées dans le film ressemblent à celles des sociétés urbaines modernes.
Oui, il y a dans le film une certaine méchanceté des personnages, mais c'est passer à côté de son propos que de faire l'amalgame. Ici les personnages changent à cause de circonstances qu'ils n'arrivent plus à maitriser et on sent tous leurs efforts pour d'abord rester dans la civilité avant de basculer. Au contraire, les personnages de Dino Risi dans les nouveaux monstres sont foncièrement méchants et il n'y a pas vraiment de contextes spécifiques pour les excuser. Les héros argentins de Damian Szifron sont des victimes de la société alors que les monstres de Risi sont coupables sans circonstances atténuantes (on trouvera le segment "premiers soins" réalisé par Mario Monicelli ci-dessous pour s'en rendre compte si besoin). Personnellement, s'il le fallait, je trouve que la référence au cinéma des frères Coen aurait été plus judicieuse.
En revanche, il convient de noter que si la référence à Steven Spielberg n'est pas la première mise en avant par les critiques, c'est parce qu'un auteur d'un film argentin à 3 M$ n'apparait pas crédible pour être comparé au roi du blockbuster hollywoodien. Tout est histoire de référentiel puisque Duel de Steven Spielberg est un plus petit budget (450.000$ à l'époque, soit 2,6 M$ d'aujourd'hui) et que les nouveaux sauvages a été largement le plus gros succès argentin de 2014 (40% de plus de recette que son dauphin, la reine des neiges).
Un triomphe en Argentine, un succès en Espagne et un non-évènement partout ailleurs (326.000 entrées en France).
A la fin, c'est surtout un film de Damian Szifron, le réalisateur, le scénariste et le monteur du film. Un talent à suivre indéniablement. Trois ans après, on attend toujours le film suivant.