Certains spectateurs ne se trompent pas d'ailleurs :
Au moment où l'épisode 7 sort en blu-ray, la première trilogie de La guerre des étoiles est à nouveau annoncée dans les salles américaines pour août prochain. Les fans cinéphiles se réjouissent de retrouver "leur" film... ou pas. L'annonce anime la grande communauté des fans de l'univers de La guerre des étoiles. L'opportunité est offerte d'apprécier les trois films de 1977, 1980 et 1983 sur grand écran. En tout cas, pour les américains qui auront droit à une exploitation dans 20 grandes villes (San Francisco, Washington, Los Angeles, New-York, Miami, Dallas, Austin, Boston et Philadelphie sont déjà annoncées si vous préparez vos vacances). Ce n'est pas une reprise d'envergure et pour le moment ce n'est prévu que pour les Etats-Unis du 6 au 27 août. Déjà les fans discutent de la version qui sera projetée : montage original, édition spéciale (1997) ou celle revue depuis pour le DVD (2004) ? Car il existe de nombreuses versions. Bien sûr beaucoup connaissent l'histoire de ces "corrections" qui ont permis à George Lucas de revoir ses films pour les compléter comme il les rêvait (plus de monstres, rajout de Jabba the Hunt, révision des couleurs...). On sait moins que les films ont continué à être modifiés en 2011 au moment de la sortie du Blu-ray (rocher devant R2D2, couleur du sabre laser...). Ou que certains pays avaient déjà fait des ajustements dès la sortie (en Allemagne sur la scène de torture de l'épisode 2 pour l'autoriser aux plus de six ans) et que la version Laserdisc du début des années 90 a aussi subi quelques modifications (raccourcissements non assumées car il y a eu repressage avec rajout des 7 secondes retirées peu après). Dès 1981, il y avait eu un changement d’envergure : d'épisode initial, La guerre des étoiles devenait Un nouvel espoir, (a new hope en vo) proposant aux futures générations d'être vu en quatrième. C'est capital puisque le coup de théâtre familial de la fin de L'Empire contre-attaque perd de sa substance lorsque le spectateur voit d'abord les films de la deuxième trilogie. Finalement (et malgré quelques fausses rumeurs), ce sera la version de l'Edition Spéciale sortie en salles avec succès en 1997 [1], confirmant le souhait que la version originale que George Lucas juge comme un brouillon disparaisse pour laisser place à des versions plus homogènes avec les films suivants. Pour autant, on ne sait pas si le réalisateur-producteur a été consulté. Pour les spectateurs, c'est surtout l'occasion de revoir les films dans d'excellentes conditions de projection, pour la première fois depuis 19 ans. Pour la première fois au cinéma pour les plus jeunes donc. Certains spectateurs ne se trompent pas d'ailleurs : La particularité de ces films, c'est que les cinéphiles s'en sont emparés pour en faire des œuvres personnelles et partagées. D'une part, la trilogie est devenue mythique parce qu'elle reste un souvenir de premier plan pour de nombreux spectateurs qui ont assimilé les films avec leur regard subjectifs à travers un univers stimulant l'imagination. Ces œuvres vivent dans l'imaginaire de chacun et si certains ont tellement de mal à accepter des versions modificatrices, c'est parce qu'ils considèrent que le film n'appartient plus à son auteur à partir du moment où il leur a été donné pour être consommé (on pourrait dire "ingéré"). D'autre part, ces films structurent des communautés de fans qui se retrouvent, démontrant que le cinéma est aussi un moyen de vivre ensemble et de trouver une sociabilité à laquelle se référer. Parmi la communauté des artistes graphiques, on perçoit bien ce travail d'ingestion et néanmoins de recherche d'un partage avec le plus grand nombre. Il en est de même de nous tous. [1] - En 1997, l'Edition Spéciale de la première trilogie a été vue en France par presque 4 millions de spectateurs pour le cumul des trois films dont 1,8 millions pour l'épisode 4.
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Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital dans une grande banque française.
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