Pour autant, pour des raisons économiques évidentes, il est bien difficile d'abandonner une franchise à cause d'un personnage vieillissant d'autant que le monde fictionnel s'autonomise facilement du monde réel. Le public est fidèle non pas seulement à un concept qui a fait ses preuves, mais aussi à la connivence qui s'est créée avec un personnage récurrent comme un ami que l'on connait depuis longtemps et à qui on pardonne volontiers ses faiblesses. C'est un phénomène similaire qui permet de créer une addiction à des héros de série même lorsque la qualité chute progressivement.
Reprendre un acteurs iconique d'une saga pose à un moment quelques problèmes : compte tenu de l'existence d'un désir mimétique, les héros jeunes attirent plus et les phénomènes d'identification ne sont pas favorables à conserver un acteur âgé pour toucher un public plus jeune, au risque de réduire l'audience et donc le succès. C'est pour être franchement orienté vers le renouvellement de son public que le producteur Steven Spielberg renonça dès l'origine à inclure l'un des acteurs-vedettes des premiers films pour Jurassic world. Par ailleurs, lorsque le succès est là il y a naturellement inflation. C'est pour une raison de gros sous que Robert Duvall n'est pas dans Le parrain 3 (il avait demandé le même salaire qu'Al Pacino)
I don’t think anyone could replace Harrison as Indy, I don’t think that’s ever going to happen (Steven Spielberg - mars 2016)
La solution la plus simple reste de garder le même acteur. Il y a des fois où cela est parfaitement adapté à l'histoire comme lorsque Paul Newman reprend le rôle de Fast Eddie Felson de L'arnaqueur pour la couleur de l'argent 25 ans après, dans la diégèse comme dans la réalité. Pour attirer un public plus jeune, on lui a adjoint un acteur plus jeune (Tom Cruise), procédé souvent réutilisé (voir Shia LeBeouf dans Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal). La recette est exactement la même pour la suite de Blade runner tournée 35 ans après, mais toujours avec Harrison Ford en tête d'un casting complété par le jeune Ryan Gosling en tête d'affiche.
C'était plus gênant quand Roger Moore jouait encore à 58 ans un James Bond séducteur et énergique face à des starlettes au moins 30 ans plus jeunes dans Dangereusement votre. Néanmoins les spectateurs ont tendance à chercher de la nouveauté et un film en phase avec son temps. Ces deux tendances peuvent être préjudiciables à une suite construite sur une recette qui semble avoir dépassé sa date de péremption. C'est le triste constat des Visiteurs 3, qui malgré un accueil critique pas si catastrophique, mais anachronique (!), n'a pas du tout mobilisé les foules comme dans les années 90 (respectivement 13 et 8 millions d'entrées pour les deux premiers volets).
L'alternative plus risquée est de changer d'acteur.
Soit en relançant la saga comme cela a été le cas pour James Bond avec Daniel Craig (remplaçant Pierce Brosnan), Max avec Tom Hardy (succédant à Mel Gibson) ou Jack Ryan avec Ben Affleck (passant après Harrison Ford). La situation fut plus étrange avec Spiderman dont le reboot, The amazing spiderman, est sorti à peine cinq ans après le troisième film avec Tobey Maguire. L'acteur de Sam Raimi n'aurait pourtant eu que 37 ans au moment du reboot. Il fut remplacé par Andrew Garfield, 29 ans à l'époque alors que Peter Parker était censé redevenir étudiant. Plus fort, une nouvelle franchise a redémarré cette année, seulement3 ans après The amazing spider-man 2, au moment où Andrew garfield n'avait que 34 ans.
Soit en changeant d'acteur sans plus d'explication. Maxime Godart avait 15 ans au moment du tournage du second film narrant les aventures du Petit Nicolas, un âge évidemment peu adapté pour jouer le jeune écolier de 7 ou 8 ans. On ne citera pas ici les nombreux cas où un acteur n'a pas voulu reprendre son rôle : Michael Keaton/Batman, Vincent Elbaz/Dov, Jodie Foster/Clarice Starling... mais on notera l'astuce de changer de personnage quand cela arrive pour ne pas donner le rôle à quelqu'un d'autre pour se réserver la possibilité de voir l'acteur revenir comme cela est arrivé pour l'épisode 4 des aventures de Jason Bourne (L'héritage) où le personnage et l'acteur Matt Damon sont absents de l'écran pour laisser la place à l'agent Aaron Cross joué par Jeremy Renner. Matt Damon est bien revenu une cinquième fois quatre ans après.
Autre solution, garder l'acteur pour faire le lien pour un spin-off permettant à la franchise de se réorienter sur un nouveau personnage. On a déjà cité Creed relançant Rocky. Le Septième épisode de star wars, Le réveil de la force, est construit sur le même principe avec une relation père-fils qui permet de passer habilement d'une génération à l'autre. Voir un spin-of basé uniquement sur le même univers diégétique à l'image des Animaux fantastiques (Harry Potter) et de Rogue one (Star wars).
Le cas de la suite du Lauréat est différent : l'idée d'une suite avait été évoquée avec humour dans une scène de The player de Robert Altman mais la réalité a rejoint la fiction 13 ans plus tard [3]. C'est le manque de motivation de Dustin Hoffman - occupé sur d'autres tournages - à reprendre son rôle qui a motivé le changement car le scénario aurait permis de garder l'acteur âgé de 67 ans au moment de la pré-production de La rumeur court moyennant quelques aménagements. Dans ce film sorti en 2015 mais censé se dérouler en 1997 soit 30 ans pile après celui de Mike Nichols, on sort de l'univers diététique pour évoquer une réalité où Le lauréat serait un film inspiré d'une histoire vraie. Cela justifie que le personnage de Benjamin Braddock joué par Dustin Hoffman soit interprété par un autre acteur, en l’occurrence Kevin Costner dans le rôle de Beau Burroughs.
On se souvient aussi de la façon dont le réalisateur de Fast & Furious 7 a contourné la disparition de son acteur vedette Paul Walker en utilisant ses frères en doublures ou un visage refait numériquement, mais l'acteur était bien vivant au début du tournage. C'est une tendance qui risque de se développer que de recourir au numérique pour rajeunir un acteur ou pour carrement le ressusciter. L'exercice était brillant dans Les aventures de Benjamin Button avec Brad Pitt et Ant-man avec Michael Douglas. Mais Disney est allé plus loin en ressuscitant carrément Peter crushing pour Rogue One mort 22 ans plus tôt. Le dispositif est suffisamment au point pour rajeunir Jack Sparrow dans une séquence entière de Terminator Genesys et Pirates de Caraïbes 5. Pour le spin of Star Wars sur Solo, la production avait imaginé à un moment rajeunir numériquement Harrison Ford, avant d'abandonner l'idée pour retenir Alden Ehrenreich. Dans le domaine, il ne reste plus qu'à attendre un nouveau film avec, en vedette, une Marilyn Monroe digitalisée. Ce n'est sans doute qu'une question de temps ...
Les solutions alternatives sont multiples :
- prendre le fils de l'acteur iconique (Depardieu père et fils dans Tous les matins du monde ou Coluche et son fils dans Inspecteur La Bavure),
- utiliser des images d'anciens films avec le même acteur (John Wayne dans Le dernier des géants),
- jouer sur le maquillage pour garder le même acteur (le vieillir comme dans Citizen Kane, La môme, Little Big Man ou Il était une fois en Amérique ou le rajeunir dans Le silence des agneaux). Le cas de Max Van Sidow dans L'Exociste fut différent puisqu'il avait été vieilli dans le film original pour jouer son âge dans la suite tourné quatre ans plus tard. C'est le cas également de Christopher Lloyd qui joue Doc en 1985 et 1955 dans Retour vers le futur.
Et l'un des premier à avoir imaginer un préquel se passant de son héros d'origine, c'est Rabelais qui écrivit sur Gargantua deux ans après son livre sur Pantagruel, le premier étant le père du second. C'était en 1534.
[2] - A l'époque, Rocky 3 était sur les écrans contre un Creed, représentant le septième film de la franchise. Avec ce nouveau héros, pas sûr que la saga ne soit encore finie.
[3] - Il existe une suite au roman original écrite également Charles Webb en 2005, mais sortie deux ans après, c'est-à-dire la même année que celle de la sortie de La rumeur court. L'intrigue est censée se passer 10 ans après la rencontre de Benjamin et de ses amours avec la famille Robinson.