Depuis dix ans, aucune Palme d'or d'un film étranger n'a réussi à dépasser le seuil du million de spectateur (le box-office complet depuis 1949 ici). Il en sera de même pour le "français" Dheepan alors que La vie d'Adèle (1.036.000) et Entre les Murs (1.612.000) avaient dépassé ce seuil. Mais Dheepan plait moins aux spectateurs que ses eux prédécesseurs cannois : sa note est de 6,9 contre respectivement 7,9 et 7,5 pour les deux autres Palme françaises récentes. Et surtout la dernière œuvre de Jacques Audiard stimule moins les spectateurs. Son héros Sri Lankais qui s'installe dans une cité sensible et qui reconstitue une famille de circonstance est bien différent des films français habituels (et tant mieux !). Les spectateurs qui viennent chercher évasion, divertissement ou spectacle savent qu'il y a bien mieux au cinéma dans le domaine. Il est donc difficile de créer du désir pour une grande partie du public. De plus, même si cette chronique sociale est édifiante, elle est aussi exigeante. De nombreux spectateurs qui ont envie de voir ce film qu'ils savent de bonne qualité, Palme d'or oblige, peinent donc à trouver la motivation de se déplacer.
Et pourtant, sans Palme d'or, le score du film aurait été bien plus faible. Lorsque des films aussi difficile (au sens commercial) que 4 mois, 3 semaines, 2 jours (Palme 2007 réalisé par le roumain Cristian Mungiu) ou Winter Sleep (Palme 2014 du turc Nuri Bilge Ceylan) font environ 350.000 entrées en fin de carrière, on peut crier que c'est faible pour une Palme d'Or, mais c'est sans doute au moins trois fois plus que ce qu'ils auraient fait sans la reconnaissance cannoise. Le précédent film de Nuri Bilge Ceylan, Il était une fois en Anatolie, qui avait reçu pourtant le Grand Prix du jury pour un sujet moins austère n'avait attiré que 137.000 spectateur en fin de carrière. Le film suivant de Cristian Mungiu, Les contes de l'âge d'or, n'a fait que 60.000 spectateurs.
Il faut donc du désir avant toute chose. Une Palme d'or agit principalement sur la motivation à déplacer le spectateur qui a du désir. Elle ne crée pas de miracle.