Les suites au cinéma ne sont pas une nouveauté. Au contraire, à l’époque du cinéma muet, les héros récurrents, dont Charlot est sans doute l’exemple le plus connu, sont courants. Comme aujourd’hui, les genres de la comédie (Bébé), du fantastique (les vampires), du policier (Fantomas) et des films d’aventure (Tarzan) développent des series de films, appelées parfois feuilleatons, qui incitent le spectateur à revenir. Même des auteurs comme Fritz Lang (Docteur Mabuse) réalisent des suites.
Ce qui est peut-être nouveau à propos des suites, c’est que les producteurs leur prêtent davantage d'ambition, affectant des budgets plus conséquents qui contribuent à les positionner différemment. Dans les années 70, il est admis que les suites fonctionnaient moins bien que le film original. Superman 2 ou le retour du Grand blond ont fait moins au box-office que leur prédécesseur sans surprise. Parfois la suite d’un très gros succès est rapidement oubliée : qui se souvient Oliver's story la suite de love story ou more american graffiti qui a succédé à American graffiti ?
Qu’est-ce qui explique cette évolution ? Ce n’est pas vraiment les budgets alloués qui dépendaient déjà de l’équilibre économique attendu. Ainsi l’empire contre-attaque et le parrain 2 ont-ils bien vu les producteurs investir davantage sur le second opus. Le changement provient de l’exploitation des films qui connait sa révolution dans les années 80 avec d’une part l’apparition massive de la vidéo qui assure une carrière plus longue et d’autre part la multiplication des chaines du câble qui permet également de toucher un public plus large. A titre d’illustration, en 2006, sort les bronzés 3 qui totalisera plus de 10 millions de spectateurs malgré un avis des critiques et surtout du public assez mauvais (4 sur 10 sur IMDb) ; pourtant le film les bronzés font du ski bien mieux considéré (7,5 sur IMDb) n’avait réalisé que 1.535.000 entrées. Entre temps, la vidéo et les passages fréquents à la télévision avaient conquis de nouveaux adeptes. Lorsque le second film sort, sa base de spectateurs est nettement plus large que le seul public qui était venu en salles voir le premier film.
Les premiers films symbolisant ce changement sont à mettre au crédit de Sylvester Stallone et ses deux personnages emblématiques (Rocky et Rambo) qui au milieu des années 80 voient successivement Rocky 3 et Rambo 2 dépasser largement le succès des premiers films.
Le public est perpétuellement à la recherche de nouveauté et de redondance. La nouveauté crée des divergences aux schémas qui stimulent les processus cognitifs. Mais la nouveauté peut se heurter à des schémas difficiles à reconnaître et à comprendre. A l’inverse, la redondance permet de se caller dans des schémas connus et donc facile facilitant l’intégration du film. Pour autant la redondance est peu compatible avec le delight de la théorie de la divergence par rapport aux schémas si adaptée aux biens culturels et aux loisirs.
C’est ce qui explique pourquoi une série est condamnée à se renouveler ou à mourir. Les producteurs de James Bond ont fini par réussir à le faire et il est logique qu’ils aient alors connu leur plus gros succès avec Skyfall. Il serait étonnant que cet exemple soit isolé car Hollywood aime bien réutiliser les recettes qui marchent.