Il est toujours intéressant de revenir sur les succès que personne n'attendait. Surtout quand ce succès ne répond pas aux canons des vainqueurs du Box-office. Dans le cas du documentaire Demain, c'est vraiment différent.
Demain est un documentaire qui montre que face à un monde dont les logiques économiques et écologiques seraient en train de détruire l'environnement de l'homme, il y a des solutions alternatives mises en oeuvre un peu partout dans le monde pour préparer un meilleur demain. C'est donc un film militant et engagé pour faire bouger les mentalités non pas par le catastrophisme (même si l'analyse initiale cherche à faire réagir), mais surtout avec un message d'espoir sur la capacité des hommes et des femmes à innover ou travailler autrement, "dans le bon sens".
Produit à l'économie pour 1,5 M€, ce documentaire est ambitieux mais sort des schémas traditionnels des films exploités au cinéma. Il était donc a priori destiné à une exploitation dans un circuit secondaire et éventuellement connaître un succès d'estime.
Produit à l'économie pour 1,5 M€, ce documentaire est ambitieux mais sort des schémas traditionnels des films exploités au cinéma. Il était donc a priori destiné à une exploitation dans un circuit secondaire et éventuellement connaître un succès d'estime.
Sorti début décembre 2015, Demain a passé ce mois-ci le seuil symbolique du million de spectateurs (détail ici). Ce n'était pas évident cinq mois plus tôt lorsque le film a affiché 82.000 entrées en première semaine (dont presque 20.000 entrées en avant-première). Guère de chance a priori de dépasser les 200.000 spectateurs à l'image de Capitalism: a love story, autre documentaire politique engagé de Michael Moore sorti en 2009 qui avait démarré de façon comparable. Une pointure en matière de documentaire autrement plus renommé que les sympathiques Cyril Dion et Mélanie Laurent aux commandes de Demain.
Et pourtant le bouche-à-oreille a marché à plein car le film plait à ses spectateurs (un exceptionnel 4,7 sur 5 en vote spectateurs sur Allocine). Exploité initialement dans une combinaison de 154 salles, il a bénéficié rapidement du rajout de nouvelles salles : on est monté à 345 cinémas après deux mois. Il fallait suivre le succès et le projeter dans des villes plus petites. Car le succès du film n'est pas vraiment parisien. Au contraire, Paris s'est surtout intéressé au film lorsqu'il a gagné son César du meilleur documentaire.
C'est ce qu'on appelle un sleeper, ces films qui semblent dormir hors des premières places du box-office mais qui doucement parviennent régulièrement, au fil des semaines, à attirer un public nombreux grâce à un buzz construit sur un patient bouche-à-oreille. L'un des plus beaux Sleepers fut Les dieux sont tombés sur la tête, film du Botswana, qui attira finalement 6 millions de spectateurs en 1983. Depuis, il y a des exemples réguliers qui rappellent que rien n'est joué à l'avance et que tous les films peuvent avoir leur chance.
Mais il y a une différence notable avec le succès de Demain : ces films avaient débuté leur succès par Paris qui s'était fait la caisse de résonance pour une extension en province. On compare actuellement le succès de Demain à celui de Merci Patron ! Pourtant l'audience sociologique est très différente : le coefficient Paris / France est de 6 - la France cumule 6 fois le score parisien - pour le film de Mélanie Laurent et Cyril Dion contre 3,6 pour Merci Patron !. C'était également le cas de Etre et avoir, (coefficient de 4,2), autre documentaire phénomène, qui avait eu pourtant les honneurs de la presse et du public parisien. Le succès de Demain ressemble davantage à celui du très beau documentaire Sur le chemin de l'école (coefficient de 8,2).
Mais il y a une différence notable avec le succès de Demain : ces films avaient débuté leur succès par Paris qui s'était fait la caisse de résonance pour une extension en province. On compare actuellement le succès de Demain à celui de Merci Patron ! Pourtant l'audience sociologique est très différente : le coefficient Paris / France est de 6 - la France cumule 6 fois le score parisien - pour le film de Mélanie Laurent et Cyril Dion contre 3,6 pour Merci Patron !. C'était également le cas de Etre et avoir, (coefficient de 4,2), autre documentaire phénomène, qui avait eu pourtant les honneurs de la presse et du public parisien. Le succès de Demain ressemble davantage à celui du très beau documentaire Sur le chemin de l'école (coefficient de 8,2).
Alors pourquoi ce snobisme parisien pour Demain ? Demain parle des créatifs culturels, un socio-groupe peu connu et qui pourtant représenterait au moins 17% de la population française [1] et un tiers des américains. C'est un groupe sociologique qui n'a été vraiment identifié qu'en 2000. Pourquoi si tard ? Parce que s'il avait été intuité plus tôt, il était considéré comme bien plus petit et composé de marginaux. La marginalité n'est pas (plus ?) ce qui les caractérise : entre les traditionnels et les modernes, il y a l'émergence de ces "créateurs de cultures" qui se caractérisent par :
- une vision influencée par les valeurs féminines,
- une intégration des valeurs écologiques et du développement durable pour soi et l'environnement,
- une implication spirituelle,
- un engagement sociétal et solidaire.
C'est ce que le sociologue Paul Ray et son épouse anthropologue Sherry Anderson ont en évidence un peu par hasard au début des années 2000 en creusant les individus qui ne rentraient pas les canons habituels des socio-groupes. Ils se sont aperçus d'une unité d'individus habituellement considérés comme une communauté hétérogène et dont les valeurs étaient alors abordées comme celles de marginaux minoritaires. Il n'en est rien et c'est une force sociologique et démocratique réelle, souvent oubliée. Oubliée au point d'être peu traitée au cinéma si ce n'est pour décrire justement des marginaux ou l'excentrique typé au sein d'une histoire où il n'est pas le héros.
Dans le documentaire Demain, le "créatif culturel" est un vrai héros, un héros qui finalement essaie de sauver la planète, non pas avec des rêves, mais avec des actions. On adhère ou pas. Pour autant, c'est une façon de montrer positivement les créatifs culturels. Pas étonnant qu'ils s'y retrouvent et viennent plébisciter le film. Quand on lit les commentaires sur les forums, on s'aperçoit que ce sont eux qui font le succès du film. Le financement du film s'est d'ailleurs construit sur l'économie collaborative à travers une levée de fonds sur la plateforme Kisskissbagbang sur la base d'un pitch qui s'adressait clairement à eux.
Dans le documentaire Demain, le "créatif culturel" est un vrai héros, un héros qui finalement essaie de sauver la planète, non pas avec des rêves, mais avec des actions. On adhère ou pas. Pour autant, c'est une façon de montrer positivement les créatifs culturels. Pas étonnant qu'ils s'y retrouvent et viennent plébisciter le film. Quand on lit les commentaires sur les forums, on s'aperçoit que ce sont eux qui font le succès du film. Le financement du film s'est d'ailleurs construit sur l'économie collaborative à travers une levée de fonds sur la plateforme Kisskissbagbang sur la base d'un pitch qui s'adressait clairement à eux.
Alors que l’humanité est menacée par l’effondrement des écosystèmes, Cyril, Mélanie, Alexandre et Laurent, tous trentenaires, partent à travers le monde en quête d’une solution capable de sauver leurs enfants et, à travers eux, la nouvelle génération. A partir des expériences les plus abouties dans tous les domaines (agriculture, énergie, habitat, économie, éducation, démocratie...), ils vont tenter de reconstituer le puzzle qui permettra de construire une autre histoire de l’avenir.
Selon Mohammed Yunnus, prix Nobel de la Paix, seule l’élaboration de cette nouvelle vision du futur, à partir des solutions du présent, sera assez puissante pour entraîner un grand nombre d’habitants de la planète dans la construction d’une société nouvelle ; à l’instar de ce que le rêve « du progrès » a suscité au XXe siècle.
On parle enfin d'eux et on peut penser que le cinéma pourrait réfléchir à en faire maintenant des vrais héros de fiction.
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