Mais ce parcours se poursuit pour le spectateur par le choix de la place qu’il privilégiera dans la salle pour s’asseoir. On considère que les meilleures places ne sont ni trop près (fatigue oculaire d’un espace visuel rempli obligeant à tourner la tête), ni trop loin (écran proportionnellement petit et détails non visibles). Les spécialistes recommandent de pouvoir garder un angle de vue en verticalité de 35° et en horizontalité de 36° minimum (pour les places du fond) et 90% maximum (pour les places devant), ce qui est souvent plutôt au centre (pour les salles carré) ou vers l’avant (pour les salles toute en longueur). Les places trop proches de l'écran souffrent aussi de laisser à voir les trous dans l'écran pour le passage du son avant. Le son est également étudié pour être optimisé au centre à environ un tiers de la longueur en venant du fond. Mais chaque salle a son réglage et il arrive que l'optimum de l'image ne corresponde pas à celui du son. Pour autant, la zone centrale, à 2/3 de l'écran (et jamais en lateral), serait à privilégier.
On pourrait penser qu’une certaine rationalité pour celles qui offrent la meilleure image et le meilleur son, les critères s’avèrent là aussi bien plus complexes.
- désormais celui qui a réservé à l'avance peut arriver au dernier moment,
- le choix se faisant devant un écran de PC ou smartphone, la rationalité est mieux préservée par rapport à une attitude in situ sous le regard des autres ; il en est de même lorsqu'il faut choisir ses places au guichet sur écran.
- les impacts de savoir où est l'entrée et la sortie disparaissent car cette information est rarement indiqué sur écran.
- Il est plus difficile pour les groupes qui se décident sur place d'avoir des places ensemble s'ils n'ont pas réservé car la pratique de mettre des affaires sur les sièges libres en attendant l'arrivée des autres membres du groupe ne peut plus s'appliquer
Les premiers arrivés ont tendance à privilégier très majoritairement les places du fond, ou du moins celles qui sont plus éloignées de l’écran que les places optimums. Deux explications dominent : anthropologiques et sociologiques. D’une part, les places arrières permettent de mieux visualiser la salle dans sa globalité, offrant un territoire d'observation des mouvements des autres spectateurs. Comme pour les citadelles en hauteur, ces places donnent donc une visualisation totale du champ spectatoriel. Claude Forest évoque deux objectifs : « celui, conscient ou non, de domination de l’espace et de l’espèce, voire de contrôle du territoire ; un autre, de sécurité, dans une volonté d'un éloignement qui permet de contrôler son rapport à l'image, doublée d’une peur physique inconsciente de ce qui se passe derrière soi qu’on ne maîtrise pas, surtout dans le noir ». Le fait que les places arrières latérales soient parmi les premières occupées laisse à penser que ce souci de contrôle est souvent lié à un besoin de se protéger dans un espace personnel.
A l’inverse les groupes de (jeunes) spectateurs en bande hésitent beaucoup moins à se placer dans la première moitié de la salle, l’effet de masse compensant sans doute le besoin de domination visuelle de la salle.
Emmanuel Ethis émet l’hypothèse que le spectateur agissent non pas (seulement ?) par contrôle de l’espace, mais aussi par habitude avec l’attitude du spectateur de télévision : ce spectateur de cinéma rechercherait un rapport à la taille de l’image plus en rapport avec l’écran qu’il consomme le plus fréquemment chez lui. Ils se cale « plutôt au fond pour avoir un écran de télévision au cinéma ».
Il serait intéressant d’observer les écarts de comportement par génération. Cette tendance pourrait évoluer dans le temps car la génération Y a fait souvent son apprentissage des écrans avec des téléviseurs plus grands (Plasma, LED) alors que la génération Z est passé très vite sur une image de PC ou de smartphone, à l’inverse plus petite mais potentiellement en haute définition.