“Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse.” (Jean-Luc Godard)
Tout d'abord, la télévision a changé. Outre l'évolution du matériel qui a vu l'épaisseur de son écran fondre alors que les tailles des diagonales augmentaient, la façon de la regarder a été profondément modifiée par la délinéarisation apportée d'abord par la télévision de rattrapage, puis par des innovations du type Molotov.tv.
Le cinéma n'est pas en reste car il a fallu répondre à ce renforcement de ce concurrent historique et des nouveaux loisirs numériques L'exploitation en salles est pourtant un domaine relativement conservateur car les investissements sont importants, les échecs fréquents [1] et il faut souvent que l'ensemble de la chaîne, de la production à la distribution, évolue parallèlement. Mais, pour survivre, ce conservatisme a été oublié ces dernières années. Ainsi, le cinéma numérique a totalement remplacé la pellicule et le spectacle en 3D est devenu l'apanage de la salle au regard d'un adoption finalement timorée sur le petit écran. Les évolutions les plus notables sont néanmoins dans la salle de cinéma où le confort a significativement progressé. De fait, de nombreuses salles devenues inadaptées face à la concurrence ferment mais de nouvelles plus modernes se créent. A Paris, Ce sont Le Gaumont Mistral, La Pagode et récemment le Gaumont Ambassade qui ont fermé définitivement leurs portent quand le Pathé Beaugrenelle et bientôt le Pathé Vilette renforcent l'offre cinématographique des parisiens. Les rénovations sont nombreuses avec des espaces plus adaptés à la sociabilité (café, librairie, restauration...). Même les salles destinées aux cinéphiles se refont une beauté à l'image du Trois Luxembourg. A chaque fois, la technique est remise au gout du jour : 4K, Atmos, 3D. Et des expérimentations sont faites pour proposer des fauteuils bougeants et des cinémas de réalité virtuelle. On annonce aussi des projecteurs à l'image plus lumineuse et le retour des écrans panoramiques XXL. Vivement demain.
Mais le sujet peut être abordé exactement dans l'autre sens : plus l'image est précise grâce au 4K, plus on peut se mettre près de l'écran et avoir une expérience immersive. A la télévision, c'est encore plus vrai maintenant que la lumière ne vient plus d'un tube cathodique. La lumière des écrans d'aujourd'hui est bien plus faible et elle est encore plus limitée en termes de réverbération lors de la projection en salles comme en home cinéma. On peut donc se rapprocher de son écran télévisé sans trop de crante pour ses yeux.
La question est donc de savoir où trouver cette image 4K. En télévision, on serait tenté de répondre qu'il suffit d'acheter un téléviseur ultra HD que l'on trouve désormais à partir de 500€, mais les sources sont encore rares puisque seuls quelques blu-rays et offres en streaming sont compatibles. Et encore, la plupart des blu-rays ultra-HD n'offrent pas de gain à cause d'un master seulement en 2K. En salles, la plupart des films à grand spectacle sont proposés désormais en 4K, mais ce sont les salles équipées qui sont encore peu nombreuses dans certaines zones : le réseau Pathé-Gaumont propose ce format dans quelques salles d'une petite cinquantaine de multiplex français, soit les deux tiers de ses 72 cinémas, mais une proportion bien plus faible de ses 746 écrans. Par exemple, le tout nouveau Gaumont Alésia n'a qu'une salle sur huit avec cette définition, les autres restant en 2K. Découvrir un film en 4K est donc bien plus facile en salles, si vous habitez proche de certaines zones encore privilégiées et impossible sinon. Du moins pour le moment.
Bilan
- Qualité : égalité
- facilité d'accès : égalité
Le contraste en projection est très sensible à l'existence d'une source de lumière parasite. Ainsi les salles home cinéma hybrides, dans une pièce de vie, ne sont souvent pas totalement étanches à la lumière extérieure, ce qui affadit l'image qui devient terne. La télévision classique est sensible aussi à ce phénomène, mais comme la source de lumière est directe, le phénomène est moins gênant. Rien n'a voir avec les écrans brillants face aux écrans mats : l'image brillante est flatteuse, mais elle est plus sensible à la réverbération. La dalle brillante qui renforce les contrastes lorsque l'image est lumineuse crée l'effet inverse lorsque l'image est sombre.
Au cinéma, les salles sont construites évidemment pour éviter cette lumière extérieure parasite. On pourra néanmoins regretter que le panneau sortie (de secours) désormais obligatoire gêne parfois le confort de projection lorsqu'il est situé à proximité de l'écran. Néanmoins, la projection en salle souffre des limites naturelles de la projection par un projecteur. En effet, un projecteur est lui-même une source de lumière et il est donc bien difficile de projeter dans une salle un noir vraiment noir puisqu'il provient d'un noir projeté. Résultat, le noir est plus ou moins gris, mais jamais totalement noir. Toutes les technologies de la télévision avec une source de lumière sur l'ensemble de la zone ont plus ou moins le même problème. D'où l'apparition il y a quelques années du local dumming qui cherchait à diviser les sources de lumière, mais ces sources n'étaient pas totalement indépendantes pour obtenir un noir vraiment noir partout où il le fallait et de la lumière filtrée fuitait encore. La technologie Oled (et bientôt Qled annoncé pour 2020 ?) résout ce problème, offrant désormais des noirs absolus et donc un contraste infini qui n'a donc plus rien à voir avec celui d'une projection. On peut même avoir comme un sentiment de relief tellement l'image apparait contrastée.
L'Oled ne s'est pas encore démocratisé et il faut compter plus de 2500€ sans ultra HD.Mais LG, quasi-seul fabriquant de ces dalles, a annoncé récemment augmenter sa production de 70% pour soutenir la demande de nouveaux constructeurs qui aideront à la démocratisation de l'offre, et donc à la baisse des prix. Face à cette technologie, le cinéma est à la traîne.
Et en complément de l'OLED qui garantit des noirs vraiment noirs, une autre technologie révolutionne le contraste de l'image : le HDR qui améliore la qualité lumineuse et des couleurs, donnant plus réaliste que l'image. Cela consiste à augmenter le dynamisme de l'image grâce à une mémorisation de plusieurs niveaux de luminosité dans la même image. C'est déjà une réalité dans quelques salles de cinéma alors que ça reste embryonnaire et encore lié au support Ultra HD Blu-ray en home cinéma.
Bilan
- Qualité : télévision
- facilité d'accès : télévision
Avec le Dolby Atmos, le DTS:X et l'Auro 3D (de Barco), la technologie a progressé pour offrir la gestion de la verticalité et une gestion plus précise en déployant le concept d'objet audio. Cette approche permet de faire évoluer un objet sonore de façon tridimensionnelle autour du spectateur. Ces formats sont disponibles aussi bien au cinéma qu'en home cinéma. Chez soi, il est désormais possible de reconstituer un son enveloppant avec 11 enceintes renforcées par 2 caissons de basse (pour du 11.2). Mais il y a bien peu de particuliers qui cèdent à ce fanatisme du bon son à cause du prix et de l'impact esthétique dans un salon. En salles, le Dolby Atmos et ses équivalents sont devenus un standard des belles salles et sont souvent très bien réglés par un ingénieur spécialisé. Le nombre d'enceintes est alors utilisé à plein (jusqu'à 64). Pour le moment, seulement 70 salles sur 5800 salles françaises sont équipées en Atmos, mais il y a une nouvelle salles équipées de plus chaque semaine.
Reste la question du placement. A la maison, on est normalement au centre, à la meilleur place alors qu'en salles, c'est aléatoire. Or le son d'une salle est réglé pour une place précise. En dehors de cette place, la précision du réglage est altérée et se dégrade avec la distance.
Bilan
- Qualité : égalité
- facilité d'accès : cinéma
Bilan
- Qualité : cinéma
- facilité d'accès : cinéma
Pour éviter ces effets néfastes, les mesures nécessaires à l’oubli des conditions physiques de la projection sont prises : le noir et le silence sont de mise et les entrées en cours de séance sont devenues l’exception. C’est ce que Morin (1956) rappelle :
« L’obscurité était un élément, non nécessaire (on le voit lors des projections publicitaires d’entr’acte) mais tonique, à la participation. L’obscurité fut organisée, isolant le spectateur, "l’empaquetant de noir" comme dit Epstein, dissolvant les résistances diurnes et accentuant toutes les fascinations de l’ombre. On a parlé d’état d’hypnotique, disons plutôt simili-hypnotique, puisqu’enfin le spectateur ne dort pas. Mais s’il ne dort pas, on accorde à son fauteuil une attention dont ne bénéficient pas les autres spectacles, qui évitent un confort engourdissant (théâtre) ou même le méprisent (stades) : le spectateur pourra être à demi-étendu, dans l’attitude propice à la "relaxation", favorable à la rêverie. »
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L'autre est à la fois source de plaisir et de frustration. Il est plaisir car le cinéma est un loisir social, permettant le partage à plusieurs, entre amis ou entre amis. Il est moins propice à la rencontre au regard des règles de bienséance pendant la projection. Il n'en demeure pas moins que le cinéma reste le lieu des amoureux et des sorties entre amis. La télévision permet aussi de voir ensemble, mais cela reste moins courant et le sport s'est le plus souvent imposé comme le spectacle partagé à la télévision au détriment des films de plus en plus souvent regardés sur des petits écrans individuels.
Par ailleurs, la frustration au cinéma peut venir de votre voisin qui vous prend votre accoudoir, de celui est derrière vous avec son odeur de pop-corn beurré ou le grand qui s'est assis juste devant vous et vous empêche de lire les sous-titres. A la maison, on est maître chez soi... sauf quand il faut aller coucher les enfants.
Bilan
- Social : cinéma
- Absence de gêne : télévision
Bilan
- Gêne : cinéma
- Plaisir : télévision
La différence réside surtout dans sa façon de consommer le film. C'est pourquoi il n'y a pas de meilleur média, mais un média pour chaque expérience. Et c'est pour ça que cinéma et télévision parviennent désormais à cohabiter si harmonieusement.
[1] - On se souvient par exemple des tentative d'odorama, des nombreux formats panoramiques éphémères (comme l'Ultra Panavision, le Cinérama, le Superscope) ou encore l'expérience avortée du yield management au Pathé Wepler.