Certes, le genre est une donnée non figée sujette à interprétation. La production cinématographique n’est pas découpée en catégories définies selon « une table générale » à caractère scientifique [1]. Il dépend souvent de la lecture qui est faite du film, le mélange des genres permettant de classer un film dans une catégorie plutôt que dans une autre [2]. Mais le genre est surtout une donnée de classement dont l’objet est justement d’intégrer le film dans un référentiel général.
Ce qui est intéressant dans la formule "un film de train", c'est qu'elle ne renvoie justement pas à cet ensemble de règles partagées avec le producteur du film. Elle se rattache à ce que le spectateur fait dans son expérience personnelle du film. Ainsi le genre n'est pas seulement un ensemble de règles internes au film comme peut l'être le western, le film policier ou encore la comédie dramatique. On utilise d'ailleurs tous le genre de la comédie pour qualifier certains films alors que leur caractéristique n'est pas ce qu'ils sont, mais ce qu'ils font : faire rire le spectateur. Ainsi Le shérif est en prison de Mel Brooks ou le récent Albert à l'ouest de Seth Mac Farlane sont d'abord des comédies pour la plupart des spectateurs avant d'être des westerns. Si au film est attaché un genre, à chaque genre est associé un système d’attentes. Raphaëlle Moine, spécialiste du sujet, indique d’ailleurs que : « le genre constitue un espace d’expérience à partir duquel se déterminent et se construisent des attentes et sa lecture du film. Qu’on le considère comme un pacte de communication, une promesse ou un contrat de lecture, le genre organise le cadre de référence dans lequel est vu le film » [3]. En pratique, il s’agit d’une approche empirique de chaque spectateur qui bâtit sa table de référence des genres avec des critères qu’il repère à l’usage : ainsi, selon sa cinéphilie ou sa sensibilité, il appréhendera globalement la catégorie « film d’action » ou distinguera parmi eux les films d’arts martiaux ou même les films de sabre (Moine, 2008). Mais l’attribut générique ne saurait se limiter à un cadre fermé. En ce sens, la formule de Hans Robert Jauss, qui qualifie le genre d’ « intermédiaire entre l’universel et le singulier », est particulièrement pertinente. Ce référentiel est celui que le spectateur lui-même définit. Emmanuel Ethis [4] a mis en évidence que cette indexation était sociologiquement marquée. De même, le spectateur reconnaitra une unité ou une qualité aux films d’un réalisateur ou d’un acteur qu’il pourra regrouper dans un genre. Cette catégorisation n’a pas d’autre but que de permettre un système de référence, inévitablement réducteur, mais utile pour classer des singularités. On peut alors s’attendre à voir apparaître chez certains les "films intellos" ou les « films de plus de 3h » comme des films d’un certain genre. |
Avez-vous déjà vu un "film de salle de bain" ?
[2] - La diversité des critères qui définissent un genre facilite la rencontre des genres : l’objectif (faire rire pour une comédie), l’époque et le lieu de l’action (l’ouest américain du XIXème siècle dans un western) et la forme (des chansons intégrées aux scènes dialoguées d’une comédie musicale).
[3] - Raphaëlle Moine (2002 – nouvelle édition 2008), Les genres au cinéma 2ème édition, Armand Colin Cinéma, page 84
[4] - Emmanuel Ethis (2006), Les Spectateurs du temps : pour une sociologie de la réception du cinéma, L’Harmatthan