
Cette sixième journée commence par un coup de chapeau à Luc Besson. Sans son initiative concrétisée en 2012 au sein de la Cité du cinéma, il n'y aurait certainement pas eu de Willy 1er, premier film à découvrir à Cannes bien différent des productions d'Europacorp. En effet, Willy 1er est un drôle de film, original dans la forme et dans le fond. On le doit à un quatuor de réalisateurs de 23 ans qui sortent justement de l'école imaginée par le réalisateur de Lucy. S'il est courant de trouver aux manettes d'un film un duo, c'est plus rare d'avoir un trio (sauf quand le premier metteur en scène a été remercié comme pour Autant en emporte le vent). Là, ils sont bien quatre aux manettes et ils expliquent qu'ils ont bien écrit et réalisé tous ensemble en débattant des décisions et en se répartissant les séquences. On a bien à la fin une oeuvre cohérente.
Les auteurs sont partis d'une phrase qu'ils ont entendu lors d'un documentaire sur l'illétrisme où Daniel vannet, leur futur acteur, était interviewé : " à Aulnoye, j’irai. Un appartement, j’en aurai un. Des copains, j’en aurai. Et j’vous emmerde ! ". Ils décident d'écrire pour lui. Ce sera d'abord deux court-métrages, puis ce long présenté très officiellement à Cannes via la programmation ACID. Cette phrase sera l'étrange ossature du scénario et les réalisateurs ne ménagent pas les personnages, sans faire preuve de complaisance pour eux.
Le film est souvent drôle, parfois très décalé. Dur et drôle comme pouvait l'être le célèbre Affreux, sales et méchants... sauf que leur film n'est jamais méchant pour leur acteur/héros dont le handicap est assez peu souligné. Il est juste montré comme différent, comme finalement tous ceux qui s'écartent de la norme.
On a donc hâte de voir d'autres films des 60 jeunes qui sortiront annuellement de l'Ecole de la cité comme Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas. Une école qui fait la part belle à l'apprentissage sur le terrain. Visiblement, c'est une bonne méthode. Merci M. Besson !
- Les vies de Thérèse est un documentaire formaté pour la grille de Canal+ (55mn) à propos de la fin de vie de Thérèse Clerc, célèbre féministe que l'on voyait dans Les invisibles du même réalisateur (Sébastien Lifshitz). Mais ce n'est pas un film sur le féminisme, mais sur une femme qui a vieilli et sur le regard de ses enfants. J'ai été marqué par le regard différent que portent ses deux fils et deux filles qui, selon leur âge, n'ont pas connu la même femme : une mère bourgeoise pour l'ainé et une féministe empreint de marxiste pour la benjamine. Les applaudissements fournis à la fin de la projection saluent autant une réalisation tout en pudeur que la femme qui a accompagné son époque.
- Wolf and sheep est un film afghan sur des enfants bergers dans l'afghansitan rural d'aujourd'hui où les croyances expliquent le monde et les règles s'imposent durement aux enfants qui tentent d'avoir une vie d'enfant. L'histoire importe peu et c'est l'apport ethnologique qui capte l'attention tellement ce monde parait anachronique par rapport au notre, mais cohérent dans sa logique traditionnaliste.
Pour ACID et la Semaine de la Critiques, deux favoris se détachés plus nettement. Verdict dans quelques jours car la compétition cannoise continue.