"Si le style de Whiplash peut être défini comme géométrique, La La Land est, lui, tout en courbes. Le cinéaste qui m'a inspiré est Max Ophüls, maître des mouvements de caméra.[...] Notre objectif, c'était que la caméra soit semblable à un danseur, tout en fluidité, qui ne gêne jamais les pas de danse des comédiens mais qui s'intègre néanmoins à la chorégraphie". (Damien Chazelle)
Et pour appuyer sur la nostalgie, Damien Chazelle en appelle à de multiples références. La scène finale dansée à Paris rappelle volontairement celle de la fin de Un américain à Paris. On pourrait être dans le cliché, mais comme c'est bien amené, on reste dans l'hommage. De même, les plan-séquences sur les moments musicaux recréent les conditions du musical alors que dans les moments plus intimistes le montage sait être inventif pour traduire la vie intérieure des personnages. En cadrant le plan-séquence de la première audition uniquement sur Mia, le réalisateur ne cherche pas l’esbroufe mais cherche avec réussite à nous faire pénétrer son angoisse et son humiliation. Les hésitations des héros entre ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent s'avèrent particulièrement bien mises en image (on pense notamment à cette caméra basculant d'un côté à l'autre de la ligne imaginaire de la règle des 180° lorsque Seb choisit de jouer du free jazz avant de se faire licencier et lorsque Mia décide au restaurant de quitter Greg [4]). On saluera aussi l'efficace procédé consistant à porter le film vers le musical dans ces moments où les personnages veulent vivre dans un monde idéal et vers le mélodrame lorsque les réalités de la vie se rappellent aux deux héros. La forme sert le fond. Ce parti-pris se traduit dans la seconde partie par 40 minutes sans morceaux chantés, un joli pied de nez au genre qui donne toute sa saveur si particulière aux émotions procurées par le film.
[2] - Le titre La la land renvoie astucieusement à un monde fantasmé un peu puéril. On le traduirait en français par le monde des Bisounours alors que to be in la la land veut dire planer ou être dans son monde. Et le film traite de ça : "[le film] commence comme une satire de L.A., les bouchons, les wannabe stars qui courent les castings, avant de devenir un hommage à l'esprit de cette ville et à tous les doux dingues qui y habitent." (Damien Chazelle - Première 475). Evidemment, le "la la" renvoie tant à l'acronyme de Los Angeles (L.A.) qu'à la note de musique (la - A en anglais). Le réalisateur franco-américain reconnait avoir trouvé le titre près de deux ans après avoir écrit le script qui était "quasiment prêt depuis 2010" (Damien Chazelle - Les années Laser 241).
[3] - Damien Chazelle est aussi l'auteur du scénario de Grand Piano qui bien que tournant encore autour de la musique, un pianiste virtuose, est à l'opposé de La la land par le sérieux de sa démarche d'en faire un vrai thriller. Son premier film, Guy and Madeline on a Park Bench, produit pour 35.000 $, est plutôt dans le ton de La la land.
[3] - Dans le scénario, ce moment de réflexion de Mia est décrit ainsi : "A few seconds pass. And then she can’t deny it any longer. It’s clear as day to her now. She rises from her seat".