Barbenheimer : enchanteur vs désenchanté

Le box-office propose parfois des matchs improbables. les plannings de sortie des films sont partagés par les studios à l'avance pour préempter les meilleures dates. Ainsi Avatar 5 est déjà positionné pour le 19 décembre 2031 (dans 8 ans !). Il arrive pourtant que deux blockbusters choisissent de s'affronter le même jour. ​Il y a rarement deux vainqueurs.

Le match entre Barbie🧍‍♀️et Oppenheimer💥 relève de la contre-programmation. Barbie est un film pétillant et féministe qui joue la carte du divertissement traquant une audience jeune et féminine (à 75% le 1er jour) tandis qu’Oppenheimer est une œuvre édifiante sur la sombre histoire américaine (bombe A, Maccarthysme) destinée à un public plus âgé et masculin (à 70%).
Pourtant cette fois, ce n’est pas deux blockbusters navigant sur des recettes éculées. À leur tête, on a deux auteurs bénéficiant d’un gros budget (+100 M$ chacun) et d’un casting attractif : 
- Greta Gerwig, cinéaste réputée du cinéma indépendant qui s’essaye pour la première fois à un Blockbuster jouant avec le second degré,
- Christopher Nolan, réalisateur habitué des blockbusters cérébraux qui s’essaye pour la première fois à un Biopic jouant avec la narration.

Divertissant et édifiant, les deux attentes au cinéma, variant selon le spectateur, selon le film.

La carte des recherches Google par État américain la semaine précédant la sortie montre une scission du pays entre ces deux tendances. Globalement les côtes ouest et est votent Oppenheimer tandis que le centre et le Midwest soutiennent Barbie. On retrouve la fracture politique du pays entre démocrates et républicains. Il faut reconnaître que l’approche du film Oppenheimer a de quoi pleinement satisfaire les démocrates. Pour Barbie, c’est plus contrasté mais la poupée a longtemps renvoyé aux stéréotypes d’une vision conservatrice de la place des femmes.

Pourtant les deux films dépassent ces clichés pour proposer deux spectacles réussis dans leur genre (avec un taux de satisfaction plus élevé pour Oppenheimer).
La compétition s’avère fructueuse car elle transforme cette semaine de cinéma en événement pour des films pas si simples à vendre quand on parle d’un film sur une poupée des années 50 et un film historique de 3 heures partiellement en noir et blanc. Créer l’événement est devenu essentiel pour canaliser le tunnel de transformation de la sortie au cinéma payante face à la multiplication des loisirs prépayés : donner envie (intention) et passer à l’action (engagement). Résultat, deux gros succès, avec Barbie devant pour l’instant (162M$ vs 82 M$ en 3 jours aux seuls USA, mais avec 70% de séances en plus).

Alors match nul ? On a plutôt deux vainqueurs cette fois. Plus de 200.000 américains avaient annoncé vouloir voir les deux films le jour de leur sortie. Le bouche-à-oreille devrait les porter tout le reste de l’été. À la fin, c’est surtout le cinéphile qui gagne.