Le cas Avengers 2 est symptomatique du phénomène de concentration des entrées, car, à défaut d'être la plus grosse recette hebdomadaire, il bat quand même un nouveau record. En effet, aux Etats-Unis, le film a rassemblé à lui seul 84,5% de la recette hebdomadaire de tous les cinémas américains du week-end de sa sortie (vendredi/samedi/dimanche). le précédent record appartenait au premier Avengers (83,1%) devant Iron man 3 (82,6%). En termes de fréquentation par cinéma, les 191 millions de dollars récoltés représentent environ 5.500 entrées par salles sur 3 jours, ce qui est évidemment beaucoup pour un film de 2h20 qui ne peut présenter que 4 séances par jour à des horaires traditionnels (on sait néanmoins que pour les blockbusters, le film est diffusé parfois en continu dès le jeudi à minuit).
On peut néanmoins constater que les records se sont succédés à partir du moment où les spectateurs ont pu réserver leur billet et donc réduire le risque de venir pour rien. Ils prévoient et ajustent leur agenda par rapport à la fréquentation de la salle ou peuvent changer de salle plus rapidement. Il est indéniable que le digital a apporté au cinéma cette faculté de mieux étaler les entrées entre les cinémas et entre les séances pour ces triomphes qui concentrent une bonne part du box-office. Rappelons qu'en 2014, le top 20 des plus gros succès de l'année a rassemblé environ un gros tiers des entrées alors que 676 films sont sortis sur les écrans français. Toutes les tentatives permettant de réduire le risque de déception pour le spectateur permettent de dopper l'audience (tarif réduit, l'offre "satisfait ou remboursé" de C2L, franchise sur un concept connu ...). En définitive, le cinéma reste une industrie d'offre doppée par les films capables d'attirer des spectateurs indécis; le taux de remplissage des salles tourne en france autour de 16% depuis quelques années, démontrant que l'offre de fauteuils est bien là, mais ne suffit pas sans des films séduisants. Si les spectateurs veulent aller au même moment, voir les mêmes films, c'est parce qu'ils cherchent à satisfaire non seulement des attentes d'apport personnel et d'apport de légitimité, mais aussi des attentes d'apport social. Pour certains ou à certains moments, c'est même la première motivation à aller au cinéma, par rapport à voir le même film chez soi. Par le choix des films que je vois et par le voir ensemble, j'affirme qui je suis et quelle est ma communauté. Le film devient un objet de désir par le désir qu’il a suscité chez d’autres. Le spectateur en appelle alors au désir mimétique, décrit par René Girard (1961) : on veut être proche de ceux à qui on veut ressembler en désirant les mêmes choses : « l'homme désire toujours selon le désir de l'Autre ». Récemment, avec les neurones-miroires, les sciences cognitives ont fait écho et valider l’intuition de René Girard. Alors que l’individualisation des comportements culturels est une tendance de fond (Marteaux & Mencarelli, 2005), la recherche d’une consommation culturelle collective reste forte. Les récents records de fréquentation en salles depuis 40 ans, alors que l’offre de cinéma à domicile, légale et illégale, n’a jamais été aussi forte, montrent que les deux mouvements ne sont pas inconciliables. Si les spectateurs veulent aller au même moment, voir les mêmes films, c'est parce qu'ils cherchent à satisfaire non seulement des attentes d'apport personnel et d'apport de légitimité, mais aussi des attentes d'apport social. Pour certains ou à certains moments, c'est même la première motivation à aller au cinéma, par rapport à voir le même film chez soi. Par le choix des films que je vois et par le voir ensemble, j'affirme qui je suis et quelle est ma communauté. |
Mais paramount en1972 tente de mettre une politique nouvelle en stigmatisant un ou deux films dans son line-up pour le promouvoir avec tous les moyens nécessaires à ce succès. Le premiers sera le Parrain qui connait le succès qu'on sait même s'il s'est construit sur la durée et par la qualité reconnue du film. Mais la naissance du blockbuster moderne est la sortie des dents de la mer de Steven Spielberg. Aux USA, le film rapporte 7 M$ en un week-end, l'équivalent de 28 M$ d'aujourd'hui (25 M$ équivalent 2015 pour le premier week-end du Parrain tout de même trois ans plus tôt). Cela peut faire sourire aujourd'hui comme chiffre pour un "triomphe", mais c'est le début du phénomène car la recette sera après régulièrement utilisée avec plus d'ampleur. La fréquentation par salle est restée la même, mais le nombre de salle a décuplé en 40 ans : les dents de la mer était sorti dans 409 salles. Il y en aura eu 4.276 pour Avengers 2.
En France, le film n'a pas rencontré un succès aussi écrasant avec ses 2 millions d'entrées, très loin du record de Bienvenue chez les Ch'tis et ses 4.378.000 entrées en sept jours. Mais ce n'est pas le sujet : en France aussi, les spectateurs veulent voir souvent le même film au même moment alors qu'ils savent qu'ils feront la queue et risquent même de se retrouver devant une salle déjà complète.