Lorsque le film se présente au spectateur, il est accompagné d’un discours qui le positionne dans une catégorie générique. C’est un western, une comédie, un thriller. Le genre apparaît comme une référence entre ceux qui font le film et ceux qui sont appelés à le voir.
Pour bien marquer cette identité, les distributeurs utilisent des signes qui en facilitent la reconnaissance : musique de la bande-annonce (caractérisant particulièrement comédie et thriller), acteurs (en particulier lorsque son image « colle » avec celle du film) ou encore couleurs de l’affiche (souvent déterminées par un gros succès récent qui crée une sorte de charte graphique pour les films du genre qui suivent).
Sur ce dernier point, on pourra s'amuser sur les rapprochements faits par le français Christophe Courtois qui propose quelques belles compilations sur son site dont sont tirés les deux exemples de cet article.
Le genre reste une image simplificatrice du spectacle attendu qui renvoie au contrat affectif qui s’est créé d’expérience entre le spectateur et le cinéma. Certes, le genre est une donnée non figée sujette à interprétation. La production cinématographique n’est pas prédécoupée en catégories définies selon « une table générale » à caractère scientifique (Casetti, 1979). Il dépend souvent de la lecture qui est faite du film, le mélange des genres permettant de classer un film dans une catégorie plutôt que dans une autre [1]. Mais le genre est surtout une donnée de classement dont l’objet est justement d’intégrer le film dans un référentiel général. Pour Francesco Cassetti, « le genre est cet ensemble de règles partagées qui permettent à [celui qui fait le film] d’utiliser des formules de communication établies et à [celui qui regarde] d’organiser son propre système d’attente » (Francesco Casetti, Les théories du cinéma depuis 1945, Armand Colin ).
D’abord, le genre permet de bâtir une communication sur des formules établies. La campagne publicitaire tend à gommer la diversité des lectures au profit d’un positionnement marketing unique. Ce positionnement générique tend alors à être une donnée qui s’impose au futur spectateur. Si le film Shakespeare in love (1998, John Madden) peut être perçu comme une comédie, genre populaire, ou un film en costume, genre à connotation plus culturelle, la bande-annonce indique un choix du distributeur vers la première alternative parmi ces deux genres socialement distinctifs.
Ensuite, si au film est attaché un genre, à chaque genre est associé un système d’attente caractérisé par des schémas (on retrouve les category schematas de David Bordwell). Raphaëlle Moine (2008), spécialiste du sujet, indique d’ailleurs que : « le genre constitue un espace d’expérience à partir duquel se déterminent et se construisent des attentes et sa lecture du film. Qu’on le considère comme un pacte de communication, une promesse ou un contrat de lecture, le genre organise le cadre de référence dans lequel est vu le film » (Les genres au cinéma, Armand Colin).
En pratique, il s’agit d’une approche empirique de chaque spectateur qui bâtit sa table de référence des genres avec des critères qu’il repère à l’usage : ainsi, selon sa cinéphilie ou sa sensibilité, il appréhendera globalement la catégorie « film d’action » ou distinguera parmi eux les films d’arts martiaux ou même les films de sabre. Mais l’attribut générique ne saurait se limiter à un cadre fermé. En ce sens, la formule de Hans Robert Jauss, qui qualifie le genre d’ « intermédiaire entre l’universel et le singulier », est particulièrement pertinente. Ce référentiel est celui que le spectateur lui-même définit. Emmanuel Ethis a mis en évidence que cette indexation était sociologiquement marquée.
De même, le spectateur reconnaitra une unité ou une qualité aux films d’un réalisateur ou d’un acteur qu’il pourra regrouper dans un genre. Cette catégorisation n’a pas d’autre but que de permettre un système de référence, inévitablement réducteur, mais utile pour classer des singularités. On peut alors s’attendre à voir apparaître chez certains, les « films de festival » ou même les « films de plus de 3h » comme des films d’un certain genre.
Dans la tentative sympahique de classer les films du top250 d'IMDb (version 2009), un internaute a retenu un classement par genre avec une représentation du plan de métro. On y découvre ainsi les genres habituels Comédie, Westerne, Action, mais aussi plus étonnamment "chef d'oeuvre à propos du show business", "drame à propos de la tolérance". Et bien sûr pas mal d'intersection qui sont des films indexés sur deux, voir trois genres.
D’où l’importance de la déclaration telle que l'a détaillé Jean-Pierre Esquenazi et en particulier de la déclaration liminaire qui entoure l’entrée d’une œuvre auprès du public. Cette première déclaration « définit le contexte spécifique, le cadre où l’œuvre apparaît. Il a pour effet de circonscrire, au moins pour un temps, le type de discours qui peut être tenu à son égard ». Ainsi pour Le mépris (Godard Jean-Luc, 1964), le choix fut-il entre un discours sur « un film de Jean-Luc Godard » ou « un film avec Brigitte Bardot », alternatives on ne peut plus distinctives pour l’époque. Pour le cinéma, comme souvent dans les industries culturelles, la publicité joue le rôle d’une déclaration au public.