Le cinéma est un art particulier. C’est un art de la représentation qui cherche à se rapprocher de plus en plus de la réalité. Rapidement, les limites liées à l’absence de son et de couleur ont poussé les distributeurs à innover lors des projections avec des pellicules peintes à la main pour recréer de la couleur ou des musiciens en salle pour obtenir du son. L’arrivée de la pellicule couleur (The tool of the sea en 1922) et du cinéma sonore (Le chanteur de jazz en 1927) marquent des jalons structurants de l’histoire du cinéma. De même, bien plus tard, et après de nombreuses expérimentations, le cinéma stéréophonique avec La guerre des étoiles (premier film en Dolby stéréo en 1977) et la 3D avec Avatar (plus grosse recette du cinéma mondial avec 2,8 Md$, loin devant Titanic et ses 2,2 Md$) marquent cette volonté partagée avec le public de rapprocher l’expérience cinématographique d’un sentiment de réalité.
Pourtant le cinéma ne va pas dans cette voie. Il y a même un certain paradoxe à voir le cinéma évoluer selon deux tendances opposées. Le grand public va chercher l’extraordinaire dans des blockbusters à effets spéciaux, loin du quotidien. Déjà, rapidement dans l’histoire du cinéma, les vues d’Alexandre Promio sont remplacées par les films de Georges Méliès. Parallèlement, le cinéma d’auteur se confond le plus souvent avec des œuvres qui cherchent à représenter la vérité des sentiments, la « vraie vie ». Certes il existe des œuvres plus abstraites dans le cinéma d’auteur à l’image du thaïlandais Oncle Boonmee ou de l’américain Tree of life, mais on ne peut que constater à quel point ce cinéma est minoritaire et attire peu le public (même avec Brad Pitt). La nouvelle vague s’imposa en abandonnant les contraintes des studios de tournage trop artificiels pour filmer dans la rue. On y cherche un cinéma-vérité. Gaspar Noé parle du viol en en montrant une représentation réaliste et crue dans Irréversible. Catherine Breillat parle d’amour en n’hésitant pas à convoquer des images dites pornographiques, les mêmes qui seraient interdites dans un film commercial. Ce cinéma d’auteur reprend à son compte le célèbre aphorisme de Godard dans Le petit soldat (1960) : « la photographie, c'est la vérité et le cinéma, c'est vingt-quatre fois la vérité par seconde ».
En fait, un art influence les autres. A la fin du 19ème siècle, l’apparition de la photographie a conduit certains peintres à se libérer de la contrainte de la réalité qui devenait l’apanage de cette nouvelle activité. Cela a ouvert des nouveaux codes accessibles à une élite de critiques, d’artistes et d’une frange du public qui les a assimilés, permettant à nouveau à l’art d’évoluer. Il n’en est pas autrement au cinéma, les codes sont assimilés par le public qui cherche à la fois le respect des codes qui lui permettent d’assimiler rapidement et de satisfaire ses attentes, mais ce même public revendique pour chaque film une originalité qui place le film comme singularité et vecteur d’une expérience sans cesse renouvelée. Le plaisir du spectateur est à ce prix.