De l’autre, l’artiste formaliste américain. Avec un univers si particulier pour décrire un pays qu’il connaissait bien, l’ayant silloné pendant sa jeunesse au rythme des mobilités de son père (Idaho, Washington, Caroline du Nord, Virginie). Il a été l’un des grands témoins d’une certaine Amérique. Celle cachée dans la petite ville de Blue Velvet ou les grands espaces d’Une histoire vraie. Son premier (Eraserhead) et son dernier film (Inland Empire) illustrent l’inaccessibilité de son cinéma expérimental lorsqu’il était en roue libre. Lost Highway est au contraire un bel exemple de sa capacité à faire voyager mentalement le spectateur dans un puzzle surréaliste et construire un film comme un ruban de Möbius.
Au milieu, il y eu Twin Peaks, où il s’essaya à respecter le cahier des charges de la télévision grâce à l’appui de son co-créateur, Mark Frost, qui sut canaliser sa créativité autour d’un soap opera aux intrigues tentaculaires et intégrant ses obsessions oniriques. Sa trentaine de personnages truculents, sa belle musique lancinante et ses cliffhangers stimulants créent une mythologie où Lynch semble respecter les codes télévisuels pour mieux les détourner (« les hiboux ne sont pas ce qu'ils semblent être »). Il réinventa la série TV moderne avec 20 ans d’avance. Et le dernier épisode annonça l’évolution de sa filmographie vers plus de radicalité.
Dans tous les cas, Il savait regarder au-delà des apparences, tant pour décrire la fuite des amants criminels de Sailor & Lula (Palme d’Or) que pour sonder les névroses d’Hollywood dans Mullholland Drive (meilleur film de la décennie par les Cahiers du cinéma). Pour Lynch, influencé par le voyage de Dorothy dans le Magicien d’Oz (1939), il y a plusieurs niveaux de réalité parallèle et il permet au spectateur de naviguer entre eux. Il était dans une logique de sensation.
Avant-gardiste, le cinéma de Lynch anticipait une époque où, avec les réseaux sociaux, l’art du spectacle est désormais permanent.
Il devient urgent de revoir Elephant man qui réinterrogeait à sa façon cet écart entre ce que l’on voit et ce qui est. « et plus globalement ce qui fonde notre humanité. « I am not an elephant! I am not an animal! I am a human being! I… am… a … man » y disait John Merrick.
Respect M. Lynch.