Les plus jeunes découvrent les films dans un environnement distinct de celui de leurs aînés : expériences cinéphiliques différentes, proposition de films enrichie, habitudes générationnelles etc. A chaque génération, il faut réimaginer ce qu'un film signifie pour ses nouveaux spectateurs. La Saga de George Lucas est à ce titre un cas d'école. Star Wars a imposé sa mythologie à travers la richesse de son univers, la cohérence des histoires et la symbolique de ses personnages. Cette richesse offre finalement de multiples portes d'entrée entre préquel, séquel, spin-off et univers étendu. Il y a des grandes questions qui obsèdent les fans de cinéma et pour lesquelles il serait vain de chercher à apporter des réponses. La toupie d'Inception s'arrête-t-elle de tourner ? Deckard est-il un réplicant dans Blade Runner ? Que dit Bill Murray à l'oreille de Scarlett Johansson à la fin de Lost in translation ? En fait, ces questions perdurent dans la mythologie cinéphilique parce qu'il n'y a pas de réponse évidente. Même lorsque Ridley Scott apporte une réponse pour Blade Runner ("c'est un replicant"), les spectateurs ne sont pas convaincus (et Harrison Ford non plus). Dans quel ordre voir les films Star Wars fait partie de ces questions qu'il serait vain de trancher tant les arguments peuvent s'opposer. Et là encore, l'avis de George Lucas qui privilégie l'ordre chronologique n'a pas plus de valeur que celui d'autres spectateurs puisqu'en offrant ses films dans l'espace public, son créateur laisse chaque spectateur en faire ce qu'il veut. Le public a autant de droit à poser sa propre appréciation que de définir la carrière de spectateur idéal pour voir les films de la série La Guerre des Etoiles. C'est pourquoi la façon la plus naturelle d'un spectateur de répondre à cette question sur l'ordre de visionnage idéal revient souvent à se reporter à sa propre expérience. Ceux qui ont connu la sortie des films depuis la première trilogie (77/80/83) avant la prélogie (99/02/05) défendent souvent l'ordre de réalisation [1]. A l'inverse, les plus jeunes qui ont grandi avec le personnage d'Anakin Skywalker voit plus de logique à suivre le personnage grandir et évoluer de film en film.
La technologie est un sujet récurrent dans les histoires de cinéma qui attirent le public. A l'heure où l'intelligence artificielle s'installe dans la roadmap de la moindre startup, la création cinématographique reste encore à l'écart du mouvement même si des initiatives existent. Mais les scénaristes tiennent bon.
La révolution digitale a profondément fait évoluer l'industrie cinématographique. On ne sait s'il faut vraiment dire "évoluer" ou "modifier" tant cette transformation s'est faite à la fois rapidement et sans que la continuité, vue du spectateur, en soit altérée. Au point que Reed Hasting s'était permis ironiquement de souligner le protectionnisme technologique du secteur depuis plusieurs décennies.
“How did distribution innovate in the movie business in the last 30 years? Well, the popcorn tastes better, but that’s about it,” (Reed Hastling)
Pourtant, entre 1993 (Jurassic Park) et aujourd'hui (basculement finalisé aux projecteurs numériques), toute la chaîne du cinéma s'est convertie au digitale. De la fabrication via les images de synthèse avec d'abord des effets spéciaux époustouflants à l'exploitation avec la projection 3D - et 4Dx - sans oublier le son-objet (de type Atmos). Les coûts technologiques ont baissé amenant le cinéma populaire à rentrer paradoxalement dans une surenchère de plus en plus couteuse pour les studios de production. La pellicule a cédé la place à de gros fichiers 2K, puis 4K (bientôt 8K) transformant profondément la phase de montage.
La distribution a profité d'internet pour se réinventer avec la gestion des bande-annonces sur le net ou avec un marketing viral adapté à l'époque des réseaux sociaux. La démarche historique de Netflix dans son moteur de recommandation personnalisée entre dans la même démarche de promouvoir le "bon film" au "bon spectateur" sur la plateforme de SVOD [1]. Le concept de "festival international en ligne" est même une réalité avec Myfrenchfestival. Disney règne en maître sur le box-office mondial suite aux rachats et à l'exploitation commercialement intelligente des droits de Marvel et de Lucasfilm. Pourtant si le public visé semble comparable, dans les faits, on constate des nuances significatives pour ces franchises nées dans les années 60 et 70. Le public des blockbusters est sociologiquement différent de celui des comédies françaises ou des films d'auteurs. Cette intuition partagée par le public se vérifie dans les études sur la sociologie du public ou les approches marketing menées désormais régulièrement par des instituts spécialisées. Même si derrière cette hétérogénéité de la structure du public se cache aussi des spectateurs omnivores qui n'hésitent pas à consommer du cinéma sous toutes ses formes. Il y a un public qui ne se déplace que si ça vaut le coup, c'est à dire là où il y a du "money shoot" qu'on ne voit pas ailleurs et d'autres qui refusent d'aller en salles pour voir une énième version des gentils contre les méchants dans un monde qui n'a rien à voir avec la "vraie vie".
Il est difficile de définir le public les blockbusters car chaque année le nombre de films dépassant 4 millions de spectateurs est assez faible : À peine trois à cinq par an. De fait, la structure de ce public varie selon qu’on y trouve des dessins animés des comédies ou des films d’action. Steven Spielberg a confirmé récemment qu'Harrison Ford allait reprendre son rôle d'Indiana Jones pour un cinquième épisode (avec toujours John Williams à la musique). A 78 ans au moment de la sortie prévue, c'est un choix courageux pour certains, anachronique pour d'autres. Quelles étaient les autres options pour le studio ? Alors que 80% du top10 au box-office américain de l'année 2015 était des suites ou remakes, la question du renouvellement des franchises se pose avec le vieillissement des héros. Le cinéma de franchise existe depuis le cinéma muet qui a très vite compris l'aspect fidélisant de s'appuyer sur des héros récurrents (Bébé, Fantomas...). La caractérisation des personnages non parlants permettait de retrouver le même héros - interprété au moins par le même acteur - sans qu'on sache vraiment si c'était le même personnage (Buster Keaton, Charlie Chaplin...). Rappelons que le nom de Charlot dans les titres des films de Chaplin est une réalité française qu'on ne retrouve pas dans les titre originaux [1].
Pour autant, pour des raisons économiques évidentes, il est bien difficile d'abandonner une franchise à cause d'un personnage vieillissant d'autant que le monde fictionnel s'autonomise facilement du monde réel. Le public est fidèle non pas seulement à un concept qui a fait ses preuves, mais aussi à la connivence qui s'est créée avec un personnage récurrent comme un ami que l'on connait depuis longtemps et à qui on pardonne volontiers ses faiblesses. C'est un phénomène similaire qui permet de créer une addiction à des héros de série même lorsque la qualité chute progressivement. Reprendre un acteurs iconique d'une saga pose à un moment quelques problèmes : compte tenu de l'existence d'un désir mimétique, les héros jeunes attirent plus et les phénomènes d'identification ne sont pas favorables à conserver un acteur âgé pour toucher un public plus jeune, au risque de réduire l'audience et donc le succès. C'est pour être franchement orienté vers le renouvellement de son public que le producteur Steven Spielberg renonça dès l'origine à inclure l'un des acteurs-vedettes des premiers films pour Jurassic world. Par ailleurs, lorsque le succès est là il y a naturellement inflation. C'est pour une raison de gros sous que Robert Duvall n'est pas dans Le parrain 3 (il avait demandé le même salaire qu'Al Pacino) Le dernier film avec Jean Dujardin n'a pas permis à l'acteur de retrouver les sommets du Box-office malgré son genre fédérateur et ses qualités bien au-dessus des comédies concurrentes. On retrouve ici toute la difficulté d'inviter le public à voir un film qu'il devrait aimer, mais qu'il n'a pas envie de voir. La comédie est triomphante au box-office français depuis quelques années. Derrière le cinéma américain triomphant avec des films d'action, on trouve systématiquement une comédie en tête des films les plus vus de l'année : Intouchables en 2011, Sur les pistes du Marsipulami en 2012, Les profs en 2013, Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? en 2014, Les nouvelles aventures d'Aladin en 2015, Les Tuche 2 en 2016, Raid dingue en 2017. Et 2018 semble parti pour confirmer la règle avec les deux beaux succès des Tuche 3 et Une Ch'tite famille à deux semaines d'intervalle. Chacun finira à près de 6 millions de spectateurs en salles. Pourtant, dans une quasi indifférence, était proposée la dernière comédie de jean Dujardin, Le retour du héros. Cette comédie n'a pas vraiment été victime de la concurrence puisqu'elle est sortie deux semaines après le dernier Tuche et tout autant avant le dernier Dany Boon. On pourrait relever avec 800.000 entrées, on est loin de la catastrophe économique, mais le film valait nettement mieux. Et des vraies comédies grand public réussies, ce n'est pas si fréquent. Les spectateurs ont d'ailleurs salué ses qualités et le film de Laurent Tirard n'a rien à envier aux deux comédies triomphantes de ce début d'année. Loin de là.
La libération sexuelle de la fin des années 60 a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 60 avant un reflux conservateur qui a fait de la période 1972-1975 un laboratoire de l'expression des préférences un peu particulier. Zoom sur la décrue à partir de 1976. Le gouvernement de droite de Valéry Giscard d'Estaing avait voulu libéraliser une France trop conservatrice. Le mouvement était devenu incontrôlable et les pressions venaient de tout côté. Dans sa propre majorité, le gouvernement voyait une contestation violente gronder du côté des plus conservateurs. Mais la gauche, dans l'opposition et relayée par sa presse, se montrait aussi très critique envers la politique "culturelle" de la majorité. La décision fut prise à l'été 1975 d'un nouveau texte plus dur et cela se traduisit par un texte intégrée à la loi de finance applicable au 1er janvier 1976. Le décret du 31 octobre 1975 obligea les films pornographiques à être exploités dans des salles spécialisées touchées, à ne plus pouvoir bénéficier du dispositif de soutien financier géré par le CNC et à se voir taxer d'une TVA majorée et d'une taxe spécifique. Les films étrangers avaient une taxation forfaitaire de 300.000€ qui créa paradoxalement une politique protectionniste qui protégea la production X française. Celle-ci représenta 82% de la fréquentation au 1er trimestre 1977 (12% pour les USA). Le cinéma français traditionnel n'était pas aussi bien protégé. Il fallut donc distinguer l'érotisme assimilable au cinéma traditionnel de la pornographie qui relèverait de l'obscène. On s'appuya donc sur la distinction qu'en avaient fait les docteurs Eberhard et Phyllis Kronhausen, les futurs réalisateurs de La foire aux sexes, dans leur livre Pornography and the law (1969) : le réalisme érotique explore la sexualité ; l'obscénité se contente de l'exploiter.
Le public est abreuvé de films de super-héros depuis le début du siècle. Le cinéma accélère la production et les séries se multiplient. Si on se réfère à l'histoire du cinéma, il est pourtant fort possible que cela touche prochainement à sa fin. On y est pas encore. Loin de là. Le succès des super-héros depuis leur création par Marvel dans les années 40 tient tant à cette envie de s'identifier aux héros surpuissants qui donnent une revanche sur la vie réelle que de celle de pouvoir se savoir sauver par eux en cas de difficulté. Il n'est donc pas étonnant qu'ils soient si populaires chez les plus jeunes qui souffrent d'un complexe face aux adultes ou des adolescents qui cherchent à imposer leur identité sociale. Le regain d'intérêt auprès des adultes est plus récent et doit beaucoup au cinéma qui a pu redonner une seconde jeunesse au sous-genre grâce à une approche narrative mieux construite et au progrès des effets-spéciaux. Iron-Man fête d'ailleurs ses 10 ans cette année. Le public est animé de deux dynamiques pour aller au cinéma. La première le conduit à aller voir ce qui lui plait. La seconde à éviter ce qui risque de le décevoir. Ce sont ces deux phénomènes qui expliquent aujourd'hui le succès des films inspirés de héros Marvel (Avengers, X-men, Spider-man...) et DC Comics (Batman, Superman, Wonder woman...). Parce qu'il veut voir ce qui lui plait, le spectateur a tendance à retourner voir les films qu'il connait et lui apporte son lot de sensations. Les films super-héros apportent l'action qui stimulent et la réassurance d'un univers qu'il connait bien et apprécie. Sur ce point, les films de franchise s'appuient sur ce qui a fait le succès des séries télévisées, la connivence qui se crée avec le temps entre le public et les personnages récurrents. Avec des univers uniques et cohérents, Marvel/Disney et DC Comics/Warner tiennent une formule qui marche. Le genre même autorise de sortir le spectateur de la routine avec des images jamais vues (et pourtant toujours un peu les mêmes en CGI), chaque super-héros développant des pouvoirs étonnants avec un prisme spécifique. Spider-man nous parle de la difficulté d'être adulte, X-men de la tolérance, Batman de la rédemption, Docteur Strange de la nécessité de se libérer du matérialisme etc. mais à la fin, c'est toujours un gentil qui se bat violemment contre un très méchant pour gagner finalement en apprenant sur lui-même.
L'image de synthèse est devenue depuis 30 ans maintenant une composante à la disposition des réalisateurs. Elle permet aux créateurs de proposer les images qu'ils ont en tête avec la possibilité d'ajuster en post-production. Ca change la façon même de concevoir tournages et décors.
Quelques vidéos pour visualiser des images de synthèse d'aujourd'hui dans des usages variés.
L'usage des images de synthèse date des années 70 où on les utilisait pour simuler une image numérique dans les films de science fiction. C'est ainsi que dans Mondwest (1973), les images subjectives de ce que voit le robot sont ainsi pixélisées. Dans sa suite, Les rescapés du futur, l'image de synthèse passe de la 2D à la 3D avec le visage scanné de Peter Fonda apparaissant sur un écran. Et bien sûr, dans Star Wars Un nouvel espoir (1977), c'est grâce à une image de synthèse également que Luke peut suivre son tir dans le circuit d'aération de l'étoile de la mort.
Mais c'est dans Tron (1982) que l'on a une partie entière du film - un quart d'heure - qui y a recours. Là encore, ce n'est pas pour simuler la réalité, mais pour projeter le héros dans un jeu vidéo.
Deux ans plus tard, on a enfin la première image de synthèse qui cherche à représenter une image photo-réaliste avecThe last starfighter (1984) et ses vaisseaux spatiaux, puis 2010 et sa planète Jupiter. Et en 1986, ILM va être l'auteur de la première image photo-réaliste d'un personnage animé dans Le secret de la pyramide où un vitrail prend vie pour attaquer un jeune Sherlock Holmes. C'est toujours ILM qui réussit peu après le premier Morphing dans Willow (1988).
La comédie musicale est un genre attaché à la culture américaine. Son histoire commence avant le cinéma, mais c'est bien le septième art qui s’appuiera sur lui pour offrir du spectacle et du rêve à ses spectateurs.
Il faut bien admettre que si des tentatives de films musicaux existent hors du territoire américain, le genre ne s'y est jamais imposé durablement. En France, Jacques Demy a réussi à poser sa patte, mais il est resté bien seul malgré quelques tentatives régulières (Les chansons d'amour de Christophe Honoré, 8 femmes de François Ozon, On connait la chanson d'Alain Resnais).
L'histoire d'une nation connait des moments de cristallisation qui forgent sa culture. Une culture qui partout s'est construite autour de la danse et de la musique et des loisirs dominants au moment où la culture moderne s'est transmise autrement que par oral. C'est la bourgeoisie, classe sociale large avec un pouvoir d'achat, qui est au fondement de cette cristallisation. Quand elle s'impose par le nombre ou en remplaçant l'influence de l'aristocratie locale, la culture d'un pays connait un jalon important de son histoire.
Ainsi en France, l'opéra provient de la rencontre entre le théâtre populaire et la musique classique (c'était la musique de la cours, mais elle était moins élitiste qu'aujourd'hui). L'opérette et l'opéra-bouffe ont donc été au centre de la culture de la classe bourgeoise du 19ème siècle lorsqu'elle s'est constituée. En Inde, la classe bourgeoise est nettement plus récente et c'est la rencontre entre la musique, la danse et le cinéma qui a forgé le populaire Bollywood. La plupart des films populaires ou comédies romantiques contiennent leur lot de morceaux musicaux qui viennent ponctuer l'intrigue.
La fréquentation cinématographique s'est bien tenue en 2017 avec un niveau comparable à la bonne année 2016 avec 209 millions de spectateurs dans une année où le monde du cinéma aura fait son coming out de ses pratiques misogynes - sans doute minoritaires - mais condamnables.
Le grand gagnant de l'année sera sans nul doute le studio Disney qui confirme d'année en année sa capacité à mettre en haut du box-office les icônes de ses différentes écuries : Disney (le film La Belle et la Bête), Marvel, (Les gardiens de la Galaxie vol. 2, Spiderman : Homecoming et Thor : Ragnarok) et Lucasfilm (Les derniers Jedi). Tous les cinq finissent dans les huit premiers du box-office américains. Il manque juste Pixar, mais son dernier avatar Coco, s'il n'a pas triomphé en salles à la hauteur des autres poulains disneyens (il finira 12ème quand même), est néanmoins un vraie réussite : il est même le film le plus aimé de l'année (30ème au classement IMDB avec une excellente moyenne de 8,8).
Et l'avenir se présente bien puisque fort de ces rentrées financières et de très belles perspectives, le studio n'a pas hésité à acquérir le studio 21th century Fox. Avec cette acquisition, ce seront les franchises Avatar, Alien, X-men qui viennent chez Mickey. D'ailleurs, en 2017, Avatar est déjà venu enrichir les attractions de Disneyworld en Floride. Et les six premiers Star Wars étaient sortis avec le logo de la Fox. Une façon de se préparer à affronter les nouveaux géants de l'audiovisuel que sont les plateformes de streaming et leur capacité à investir 6 Md$ par an dans les contenus. On a vu à Cannes la crainte qu'elles substituent la consommation cinématographique en salles lors de la sélection officielle de Okja. Disney a donc décidé de créer sa propre plateforme en gardant ses productions en exclusivité, enlevant ses productions de chez Netflix et mettant une croix sur les 385 M$ que cette plateforme lui versait annuellement. Le studio pourra s'appuyer sur la plateforme Hulu acquise dans l'opération Il aura donc les produits d'appel pour se lancer avec ambition. La lutte sera passionnante à partir de 2018. Qu'il est doux de voir un film et de l'aimer. On a envie de le partager avec d'autres et d'en discuter. On se demande si nos amis connaîtront le même plaisir. C'est pour ça que je regarde souvent ce que les autres en ont pensé. Pas pour changer d'avis, mais pour observer si mon appréciation est dans la norme. Et récemment, j'ai fait l'amer constat que grand public et critiques ne voient visiblement pas les mêmes films. Je sortais d'une projection de Mary de Marc Webb. Mary est pratiquement passé inaperçu en France. A peine 100.000 spectateurs français. C'est relativement 7 fois moins de spectateurs qu'aux Etats-Unis (retraité de la différence de taille des deux pays) où le film a largement amortit son petit budget de 7 M$.
Ce n'est pas moi qui ait proposé ce film dont je n'avais jamais entendu parlé. J'avais certes vu les affiches françaises mais sans faire le lien avec le film que j'allais voir : Gifted est devenu Mary dans la traduction en français. De fait je ne disposais d'aucune indication, ni sur le casting, ni même sur le thème. Et encore moins de retour de l'opinion du public et des critiques. J'étais donc totalement vierge d'avis parasites qui auraient pu m'influencer. Une nouvelle rubrique sur Zecinema seulement pour le bonheur des yeux. Une façon ludique de suivre le Top250 d'IMDb Pour Jean-Luc Godard, "la photographie, c'est la vérité et le cinéma, c'est vingt-quatre fois la vérité par seconde". Pour autant, il y a des secondes plus marquantes que d'autres. Après la projection, le film vit en mémoire. Il y laisse quelques impressions comparables à des impression-tableaux qui constituent autant de trace de la carrière d'un spectateur. Un top50 qui bouge désormais assez peu car les leaders atteignent une note difficile à atteindre. La méthode de calcul crée une pondération peu favorable aux films avec peu de votants et il s'avère difficile sur la longueur de monter très haut car le succès amène un public non acquis souvent plus difficile à satisfaire. Il faut donc des œuvres capables de générer une véritable enthousiasme et résistant au temps pour un public relativement large. Ci-dessous une représentation en orchestre de ces quelques moments cinéphiles. Les gifs ("images animées") ne sont volontairement pas accompagnés de légende indiquant les titres des films. A vous de les retrouver. Pour découvrir la suite du classement
Blade runner est aujourd'hui un film qui bénéficie d'une aura quasi-unique dans le cinéma hollywoodien. Sans avoir été un vrai succès, il a conquis le public cinéphile à travers le temps, mais il peine encore à trouver grâce aux yeux du grand public malgré une influence indéniable dans le cinéma de ces 30 dernières années. Lorsque Blade Runner sort en 1982, il est promis à un bel avenir. C'est censé être l'un des blockbusters de 1982. Son budget est en conséquence avec 28 M$, soit l'équivalent de 85 M$ d'aujourd'hui. Derrière la caméra, on trouve Ridley Scott qui a su transformer Alien, un thriller de l'espace, en cinquième plus gros succès de l'année 1979. Devant, Harrison Ford [1], la nouvelle star du cinéma d'action qui vient d'inaugurer le personnage d'Indiana Jones juste un an plus tôt. La date de sortie - 25 juin- ne trompe pas sur les ambitions importantes du studio à positionner le film dans la course au succès d'été. Une adaptation en bande dessinée a même été commandée pour accompagner le merchandising du film et combler les fans. On le sait, la réalité sera bien différente de ce qui sera anticipé. Sorti deux semaines après E.T. l'extraterrestre de Steven Spielberg, le film de Ridley Scott n'est pas un triomphe. Loin de là. Avec 27 M$ (27ème score au box-office annuel), il affiche des recettes aux Etats-Unis égales à son budget : c'est insuffisant à une époque où le marché américain représente plus de 60% du box-office des films américains et qu'il faut couvrir en outre les frais de distribution et d'exploitation. Le succès sera proportionnellement un peu meilleur dans le reste du monde, notamment en France avec 2 millions de spectateurs (8ème succès d'un film étranger de l'année et 18ème en tout). Le public n'a donc pas été totalement au rendez-vous. On ne peut pas dire que les critiques de l'époque aient beaucoup mieux soutenu le film.
Il y a eu une confusion entre son positionnement de film à grand spectacle destiné au grand public et ce qu'il est : un objet esthétique qui combine action et moment contemplatif, avec une réflexion sur ce qui fait notre humanité. Un malentendu analogue se manifestera à nouveau au moment de la sortie de Solaris de Soderbergh vendu comme une production de James Cameron dans l'espace pour vendre un drame métaphysique dans l'espace. Pour Blade runner, cette divergence est la traduction de projets différents entre la production qui attendait un film d'action et le réalisateur qui veut tourner un film noir de science-fiction. Paradoxalement, lorsque les séances-tests d'avant sortie démontrèrent la difficulté du public à suivre le film, producteurs et réalisateur se mettent d'accord pour rajouter une voix-off qui tire le film vers les films noirs à la Philip Marlowe. La libération sexuelle de la fin des années 60 a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 60 avant un reflux conservateur qui a fait de la période 1972-1975 un laboratoire de l'expression des préférences un peu particulier. Zoom sur le pic de 1975. En 1974, Emmanuelle avait ouvert la voix pour attirer le grand public vers un érotisme bon chic bon genre qui s'assume dans des limites raisonnables. Il est suivi quelques semaines après des Contes Immoraux de Walerian Borowczyk et des Mille et une nuits de Pier Paolo Pasolini (1,1 M de spectateurs France chacun). Mais le public en voulait plus : "quand il n'y a plus de limite ...". Et une partie de ce public allait assumer ce désir sans concession. Par capillarité avec le succès accepté des films érotiques, les films pornographiques ont vu aussi leur audience progresser dès 1974. Dans le top 15 hebdo, la présence d'un film X ou assimilables est devenue courante. En 1974, les plus gros succès du genre sont Les impures - Anita (142.000 spectateurs parisiens - il faut multiplier par trois pour avoir le score France), Les charnelles (135.000), Les couples du bois de Boulogne (121.000) et Chaleurs danoises. En tout sur l'année, sur 120 films à caractère pornographique sortis en 1974, la production française en représente 40% et le reste est dominé par des films européens.
Aucun d'eux de rentre dans les sept premières places du top hebdomadaire. Pourtant au cours de l'été 1974, c'est le triomphe d'Emmanuelle et de son érotisme grand public qui change l'image du film à caractère sexuel. Le porno en profite. Le cinéma est un plaisir et les exploitants font un métier difficile pour proposer les films dans les meilleures conditions possibles. Sauf que l'expérience du spectateur s'écarte parfois du parcours idyllique vanté dans les publicités. J'invite donc les dirigeants de Pathé-Gaumont à essayer leur service un samedi soir au Gaumont Parnasse. J'ai testé pour eux. Le cinéma à l'heure du digital, c'est de nouveaux usages, une digitalisation de la chaîne de production et de la distribution et même un produit revu via la 3D et la Réalité Virtuelle. Mais le cinéma reste le cinéma, avec un spectateur devant une toile où le film est projeté dans une expérience spectaculaire et sociale. Ce qui a surtout changé, c'est l'expérience utilisateur (UX) qui a forcé distributeurs et exploitants à revoir l'ensemble de leur chaîne de valeur pour un parcours "sans couture" comparable à ce que connait de plus en plus le spectateur dans un monde digitalisé. Et là dessus, le spectateur s'attend désormais à faire son choix de film en regardant un site internet qui le mène naturellement vers une apps pour réserver sa place avant d'arriver dans une salle où son billet sera scanné. Enfin, une salle à la projection digitalisée dans des normes de confort phigitales revues à la hausse : fauteuil confortable, salle descendante pour une vision sans obstacle, son 3D, image 4K... C'est d'ailleurs ce qui est pratiquement proposé au spectateur américain avec l'apps Fandango. Malheureusement, en France, il arrive encore trop souvent que l'on soit loin de ça. C'est économiquement compréhensible dans une salle provinciale à l'économie subventionnée. C'est plus embêtant quand ceci concerne un complexe du principal distributeur-exploitant français (750 salles). Pourtant j'ai fait une expérience bien différente de ce sur doit être le cinéma d'aujourd'hui. Qui plus est dans une l'une des plus grandes salles d'un complexe Gaumont à Paris-Montparnasse.
Adrien Remaugé a été le producteur des Enfants du Paradis. Il a toujours défendu une vision d'un cinéma populaire et de qualité. ll s'est néanmoins laissé déborder par l'arrivée de la Nouvelle vague qui a changé les règles du jeu. Retour rétrospectif sur son regard sur les difficultés du cinéma au début des années 60 où le cinéma ne cherchait plus à être "aimable" et la télévision s'imposait dans les foyers. Sincèrement, je ne crois pas qu'on puisse apporter un remède unique à ce problème de la fréquentation qui constitue néanmoins le problème crucial du cinéma. Personnellement je pense qu'il faudrait avant tout éliminer les mauvais films, mais c'est là une solution presque utopique. Ce qui l'est peut-être moins, c'est de supprimer les mauvais titres de films, les plus vulgaires qui font fuir le spectateur au lieu de l'attirer. Un réel effort pourrait être fait dans ce domaine, car un titre aimable, une façade attrayante, une affiche "accrocheuse" constituent des éléments de propagande qu'il ne faudrait jamais négliger. Et comme, d'autre part, le cadre dans lequel se déroule le spectacle cinématographique a également son importance, il ma parait indispensable de compenser par une mesure quelconque la suppression de la loi d'aide, car on ne ramènera jamais le spectateur dans des salles délabrées ou désuètes. De quelques façon que l'on procède, on en revient toujours à la loi d'aide, seul moyen efficace de soutenir l'industrie cinématographique. Je crois d'autre part que si on revenait à une politique professionnelle plus cohérente, nous retrouvions un prestige, hélas compromis, et, à la faveur d'une atmosphère générale plus favorable, l'indice de fréquentation marquerait une hausse. Peut-être obtiendrions-nous ainsi un changement de politique de la Grande presse, particulièrement de la presse quotidienne, dont le rôle me parait essentiel. Il faut reconnaître qu'en général on n'y aperçoit pas le souci de donner au public le goût de voir les films. Je pense que des commentaires marqués de plus de bienveillance auraient sur la fréquentation des salles une influence certaine. Reste, bien entendu, le problème des films. Je n'hésite pas à dire que la "Nouvelle vague" nous a porté un préjudice indiscutable. Il ne s'agit pas de supprimer toute recherche esthétique, mais bien plus d'orienter ces recherches de laboratoire dans un sens précis. Toute industrie a besoin de ces laboratoires où l'on essaie des formules nouvelles. Il ne me parait pas utile de le faire sur la place publique. Que ces films soient livrés à un public spécial capable de les apprécier, mais il convient d'éviter l'encombrement des écrans populaires par des œuvres qui ne peuvent que choquer ou indisposer. Accessoirement, je souhaite que la même différence soit observée dans les palmarès des festivals de cinéma qui ont tendance dernièrement à confondre le cinéma avec une notion abstraite des choses. Le Film Français n°921-922 - hiver 1961-1962 [1]
La libération sexuelle a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 70, en en faisant un laboratoire un peu particulier de l'expression des préférences. Zoom sur l'année charnière 1974 marquée par un succès sans nul autre pareil.
Le succès des premiers films sexy fut tel que de nombreux producteurs furent tenter de reprendre la recette. On vit donc déferler une vague impressionnante de films pornographiques dans des salles spécialisées. Parallèlement, pour toucher le grand public encore réticent dans des pays majoritairement conservateurs (Nixon aux USA, Edward Heart en Angleterre et Pompidou en France), il fallait en 1973 une production moins hardcore.
Ainsi, sorti du Ghetto, l’érotisme pouvait prospérer. Les producteurs ont multiplié les films soit dédiés à une démarche érotique, soit dans des genres traditionnels mais en y incluant une liberté nouvelle de montrer le sexe. Les spectateurs de leur côté voyaient s'offrir à eux un cinéma nouveau et stimulant.
La part des films sexy est difficile à évaluer car il n'existait de distinction faite pour distinguer érotisme et obscénité. Une analyse faite en 1975 par le CNC à la demande des pouvoirs publics permit de mesurer la situation. Il s'agissait essentiellement de mesurer globalement son évolution car la méthode restait rudimentaire : se baser sur le caractère évocateur du titre des films. Ainsi, le nombre de film susceptibles d'être pornographique serait passé de 215 en 1968 à 672 en 1974. Mais le public avait aussi fortement augmenté en triplant de 8,4 à 24 millions de spectateurs intéressés. Le succès d'Emmanuelle à l'été 1974 contribua fortement à ce phénomène.
Mother !, le dernier film du réalisateur de Black Swan, Darren Aronofsky, n'a pas plu. C'est un euphémisme lorsqu'on regarde les avis des spectateurs à la sortie de la salle. C'est une contre-vérité quand on observe les notes données par les cinéphiles. Rarement film aura créé un tel écart de perception. Mother ! est entré dans l'histoire du cinéma moderne en devenant le 19ème film à recevoir la note F au rating de CinémaScore. Pas vraiment une situation enviable ! Cinemascore est un institut d'étude sur le cinéma qui interroge depuis 1978 environ les spectateurs américains à la sortie des salles (dans 5 des 25 plus grosses villes américaines). C'est donc l'avis du spectateur moyen qui s'est déplacé en salles et il y a donc moins d'un film par an qui a réussi à décrocher cette note infamante. Parmi les prédécesseurs, on trouve Disaster Movie (1,9 sur IMDb), Terreur.point.com (3,3), The wicker man (3,7), The devil inside (4,2), Docteur T. et les femmes (4,6), Les âmes perdues (4,8), Voyeur (4,9) ou encore Darkness (5,4). Le cas de Mother ! est différent. Sa note IMDb est bien supérieure puisqu'elle est à 6,8 une semaine après sa sortie (14.000 votants). Ce n'est finalement pas si loin de la note moyenne attribuée par les internautes cinéphiles à l'ensemble ds films notés sur IMDb, qui ressort à 6,9. Concernant Mother !, l'écart entre le rating Cinemascore (F, "l'un des pires films que j'ai vu") et celui d'IMDb (6,8, "un film moyen") est donc énorme. Dans un cas, c'est un spectateur lambda qui a vu le film à sa sortie, dans l'autre un spectateur engagé qui prend la peine de partager son avis sur internet. Pour analyser plus en détail, le cas spécifiques de Mother !, il est intéressant d'examiner la structure des notes qui constitue le rating (une moyenne pondérée) en le comparant à un autre film plus classique avec le même rating (6,8) et la même note médiane. Nous avons retenu Pirates des Caraïbes : la vengance de Salazar qui se différencie par son positionnement de blockbuster mais s'en rapproche par la proximité de la date de sortie à l'été 2017.
La libération sexuelle a touché le cinéma avec une force inouïe au milieu des années 70, en en faisant un laboratoire un peu particulier de l'expression des préférences. Zoom sur les débuts d'un phénomène qui toucha d'abord le cinéma Z et d'auteur.
Le cinéma traduit les évolutions de société. On peut avoir l'impression qu'il les anticipe mais en fait, il se contente de les amplifier. La parenthèse du cinéma érotique dominant de 1975 traduit un mouvement engagé bien auparavant. Dix ans plus tôt en fait. Le milieu des années 60 porte les prémisses de la révolution des mœurs de 68 : la première mode des mini-jupes, la pilule contraceptive et le top-less sur les plages datent de cette époque.
Compte tenu que le sexe cessait d'être un tabou, la question de sa représentation à l'écran prenait une nouvelle dimension. La pornographie en image animée n'était pas nouvelle : on dénombre quelques vues de ce type dès 1907, mais leur diffusion, clandestine, n'avait rien de publique [1]. La suède fut la première à autoriser de montrer des images sexuelles au cinéma, d'abord sous couvert d'un aspect pédagogique (Je suis curieuse en 1967) alors que l'Allemagne connut deux très gros succès avec les moins explicites, mais pseudo-pédagogiques Helga, de la vie intime d'une jeune fille et sa suite Helga et Michael (4,1 et 1,7 M de spectateurs français). Le Danemark, puis les Pays-Bas, abolissent la censure en 1969. Les comédies érotiques devenaient courantes, donnant ainsi une certaine distanciation à la présentation du sexe à l'écran. Jean-François Davy fut l'un des premiers en France à se donner un brin d'ambition dans le domaine. Veronika Lake fut une vraie star de cinéma des années 40. Elle a imposé une image iconique, un peu oubliée aujourd'hui, mais qui a marqué les cinéphiles par sa silhouette et ses attitudes capricieuses. Elle a même inspiré le tic de la vedette en jouant avec sa chevelure. Veronika Lake est un mystère. Née Constance Frances Marie Ockleman à Brooklyn le 14 novembre 1922, elle a souvent triché sur son âge et sur son nom. Elle s'est vieillie de trois ans pour participer à des concours de beauté dans les années 30 dont un titre de Miss FLoride dont elle sera destituée lorsqu'il apparaîtra justement que son âge ne lui permettait pas de participer. Mais elle changea aussi de patronyme, empruntant celui de son beau-père [1] : elle apparaît ainsi dans ses premiers films sous le nom de Connie Keane et Constance Keane. Elle ne prendra le nom de Veronika Lake qu'en 1941 pour son rôle important dans L'escadrille des jeunes. Elle choisit le prénom pour son classicisme et le nom Lake pour son côté plus léger.
Son caractère est également difficile à cerner. Sa mère a de plus en plus de mal avec elle. Expulsée de son école et faisant preuve d'un caractère de plus en plus asocial, sa mère la mena chez un docteur qui diagnostiqua une paranoïa schizophrénique. Mais elle décida de ne pas traiter le problème de sa fille. |
Docteur en Sciences de l'information et de la communication, Laurent Darmon est devenu par cinéphilie un spécialiste de la réception cinématographique et de la sociologie du cinéma.
Il est l'auteur d'une thèse sur "l'itinéraire de l'évaluation d'un film par le spectateur au cinéma", anime des conférences et a été le Président de la Commission Cinécole 2016. Parallèlement, il est en charge du digital dans une grande banque française.
|