Sorti il y a juste 50 ans, le film fut un gros succès en France et en Italie. Le film avait initialement l'ambition de faire la synthèse entre le western de Leone et la parodie qu'il était devenu. Il allait être bien plus que ça, en enterrant le western italien et en rendant l'ultime hommage au western américain.
La légende vieillissante de l’Ouest aspire à retourner en Europe tandis que la nouvelle génération ne veut lui succéder qu’après que le vieux héros ait laissé sa trace dans les livres d’histoire. Et cela finit par un duel comme dans tout bon western spaghetti.
Tradition vs « tuer le père ». Accepter de vieillir vs syndrome de Peter Pan. Violence vs comédie. John Ford vs Sergio Leone. Classique vs post-moderne.
Les niveaux de lecture sont multiples.
Le film cite d’ailleurs lui-même plusieurs morales comme pour éviter d’être limité dans son discours : « ceux qui te mettent dans la merde ne le font pas toujours pour ton malheur, ceux qui t’en sortent n’agissent pas forcément pour ton bonheur. Mais surtout quand tu y es, ferme-là ! ».
C’est aussi un film sur le cinéma qui joue avec les genres et dans lequel s’illustre un réalisateur conscient de s’inscrire dans l’histoire de son art pour y laisser sa trace. D’ailleurs dans le final, la figure du réalisateur est représentée par un photographe qui cadre en cinémascope et, en plein duel, demande à l’un des deux protagonistes de rentrer dans le cadre. Et Personne - dont le nom provient d'une référence à l'odyssée - représente le spectateur projeté au sein du film.
Le western italien de Leone était sérieux : il s’inscrivait parfaitement entre le classicisme et la parodie qu’il est devenu après (célébrée par Terence Hill en Trinita). Avec Mon nom est personne, il se pose comme un passeur dans l’histoire du cinéma.
Au moment du tournage, Leone voulait en finir avec le western. Producteur et scénariste, il en confia donc la réalisation à Tonino Valerii qui fut son assistant sur les deux premiers des cinq westerns qu’il tourna. La mise en avant de Leone lors de la promotion et son implication lors du tournage créèrent des tensions entre le producteur et le réalisateur. Pareille discorde arrivera lorsque Spielberg confiera la réalisation de Poltergeist à Tobe Hooper mais que la paternité lui en fut attribuée.
Dans le cas de Mon nom est personne, c’est d’autant plus cruel pour son réalisateur que les scènes que Leone tourna ne sont pas toutes parmi les plus mémorables : celles dans le saloon, à la fête et dans la pissotière. On lui doit néanmoins aussi le duel dans le cimetière. La cohabitation entre la légende et son héritier ne s’est donc pas bien passée. Quelle ironie pour ce film qui parle de transmission !
Mais comme souvent « quand la légende est plus belle que la réalité, on publie la légende » (John Ford).